Génocide rwandais : Pascal Simbikangwa face à l’Histoire

Le procès de Pascal Simbikangwa, premier homme jugé pour le génocide rwandais de 1994 par la justice française, s’est ouvert mardi. Ses avocats ont échoué à faire annuler les débats. Mais l’homme est en état de donner du fil à retordre à ses accusateurs.

Portrait de Pascal Simbikangwa à la cour d’assises, le 4 février. © Benoit Peyrucq/AFP

Portrait de Pascal Simbikangwa à la cour d’assises, le 4 février. © Benoit Peyrucq/AFP

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Publié le 5 février 2014 Lecture : 3 minutes.

Était-ce l’attroupement de journalistes dans les couloirs du Palais de Justice de Paris ? Étaient-ce les caméras fixes de la salle d’audience, installées pour que les débats qui s’y tiendront soient, plus tard, accessibles aux historiens ? Ou cette salle elle-même, avec ses boiseries qui rappellent celles, si souvent filmées, de la Cour pénale internationale ?

Il flottait en tout cas un parfum particulier ce mardi 4 février dans la salle d’audience numéro 3 de la cour d’assises. Le parfum de l’Histoire, qui allait s’écrire entre ces murs.

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La justice française à laquelle Kigali a tant de fois reproché son inaction face aux anciens dignitaires du régime génocidaire rwandais, celle-la même qui fut condamnée par sa lenteur à traiter ces dossiers par la Cour européenne des droits de l’homme, ouvrait, pour la première fois, le procès d’un homme soupçonné d’avoir contribué à l’effroyable campagne d’extermination de 1994.

Cet homme, c’est Pascal Simbikangwa. À moins que ce soit "Safari Pascal", comme il s’est lui-même présenté au début de l’audience. Ou encore Safari Senyamuhara, comme il s’était présenté aux autorités françaises sur l’île de Mayotte pour tenter d’obtenir l’asile politique. "Les demandeurs d’asile sont des malheureux. Et les malheureux mentent pour alléger leur peine. J’étais un demandeur d’asile. J’étais malheureux. J’ai menti", a lâché Pascal Simbikangwa pour toute explication au mystère de son identité. Cette première  journée d’audience n’aura pas réussi à l’éclaircir. C’est dire s’il va être difficile, pour le jury, de démêler le vrai du faux dans la vie de cet ancien chef des renseignements, au cours des six à huit semaines que devrait durer le procès. Il est en effet des épisodes bien plus obscurs dans sa vie.

Annulation du procès rejetée

Mais la veille de cette première journée d’audience, sa défense, menée par Me Fabrice Epstein, avait tenté un étonnant coup de bluff en demandant l’annulation pure et simple du procès. Le motif ? Celui-ce serait inéquitable, étant donné la faiblesse des moyens conférés à cet avocat commis d’office : "1 200 euros hors taxe" pour la préparation et "9 000 euros" pour la durée du procès, à se partager avec sa consœur. Les avocats des parties civiles, bien sûr, s’y sont opposés. Et la réponse de ces derniers, parmi lesquels Me Michel Tubiana et Me Patrick Baudouin, a parfois pris des allures de leçon de morale, voire de cours de droit, vis-à-vis d’un avocat plus jeune et à l’évidence moins expérimenté. Toujours est-il qu’après une heure de délibération, la cour a rendu son premier jugement : la demande d’annulation du procès était rejetée.

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L’audition de Pascal Simbikangwa, poursuivi pour complicité de génocide et de crime contre l’humanité, pouvait enfin commencer. Derrière les vitres de son box, ce petit homme en fauteuil roulant vêtu d’une veste de cuir marron clair a paru très calme, s’exprimant dans un français presque parfait, détaillant chacune de ses réponses en témoignant de beaucoup de respect pour le président de la Cour.

Un homme "parmi les autorités"

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Simbikangwa a ainsi nié avoir appartenu à l’Akazu, le premier cercle des chefs extrémistes hutu. C’est vrai, il était lié par le sang à l’ancien président Juvénal Habyarimana ("le grand-père de mon père et son grand-père étaient frères", a-t-il affirmé). Mais tout au plus, il était "parmi les autorités" de l’époque, a-t-il consenti à dire.
L’accusé dévoilait ainsi ce qui sera sans doute sa ligne de défense : tenter de convaincre le jury qu’il n’avait qu’un rôle subalterne en 1994. Et ce, bien que le président se soit étonné des gardes du corps mis à sa disposition ou encore de sa maison de fonction dans le quartier du "Kiyovu des riches", non loin de la présidence.

D’après l’expertise, Pascal Simbikangwa ne souffre d’aucun trouble psychiatrique. Tout juste a-t-il un "désordre psychologique" du fait d’un "trouble identitaire" qui serait dû à son "métissage" (son père était hutu et sa mère tutsie). Mais les experts sont formels : il était et demeure pleinement responsable de ses actes. Pascal Simbikangwa utilisera donc toutes ses facultés intellectuelles pour tenter de se justifier.

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Pierre Boisselet

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