Génocide : à son procès à Paris, le Rwandais Simbikangwa nie avoir appartenu à l’Akazu
Le procès de Pascal Simbikangwa, un ancien capitaine de l’armée rwandaise, accusé d’avoir pris part au génocide de 1994, s’est ouvert mardi devant le tribunal de grande instance de Paris.
Mis à jour le 4 février à 19h54.
C’est un procès historique. Pour la première fois, un homme accusé d’avoir participé au génocide des Tutsis du Rwanda en 1994, Pascal Simbikangwa, sera jugé pour ces faits par la justice française.
Retour sur l’audience du 4 février grâce à notre envoyé spécial
L’ouverture de l’audience au Tribunal de Grande instance de Paris couronne des années d’efforts des parties civiles, dont les époux Alain et Dafroza Gauthier et leur Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). Ces derniers luttent pour traduire en justice les Rwandais soupçonnés de génocide résidant en France. Car, depuis deux décennies, Kigali accuse en effet l’hexagone d’être un refuge pour génocidaires en fuite, du fait de ses liens avec l’ancien gouvernement hutu du président Juvénal Habyarimana.
>> Lire aussi : Rwanda, chasseurs de génocidaires
Au cours des six semaines que vont durer l’audience, selon un calendrier provisoire, des dizaines de témoins qui ont connu Pascal Simbikangwa à l’époque, vont se succéder à la barre. Ainsi, le colonel français Michel Robardey, envoyé par Paris auprès du gouvernement rwandais entre 1990 et 93, sera appelé à la barre. Témoigneront aussi Valérie Bemeriki (par visio-conférence depuis le Rwanda où elle est détenue) et Georges Ruggiu, deux présentateurs de la sinistre Radiotélévision libre des mille collines (RTLM), cofondée par Pascal Simbikangwa.
De nombreux experts viendront également témoigner notamment pour faire de la pédagogie sur l’histoire du génocide. Car il y a fort à parier que le jury ne sache rien ou presque du drame rwandais de 1994. Pascal Simbikangwa étant jugé par une cour d’Assise, celui-ci sera composé de trois juges professionnels et de six jurés : des citoyens tirés au sort, doit-il s’agira d’emporter la conviction.
Parmi les experts, aux positions parfois différentes, voire opposées, on trouve des noms connus de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire du Rwanda : le sociologue français André Guichaoua, l’historienne française Hélène Dumas, dont l’étude des cours de justice rwandaises gacaca a permis de décrypter la mécanique du génocide, l’historien français Jean-Pierre Chrétien ou encore la journaliste belge du quotidien Le Soir Colette Braeckman.
La défense, assurée par Me Fabrice Epstein, devrait quant à elle axer une partie de son argumentation sur la contestation de l’idée même que le génocide a été planifié. "Sur cette question, je m’appuie sur le jugement "militaire 1" du Tribunal pénal international sur le Rwanda [TPIR], au cours duquel les hauts-gradés rwandais ont été acquittés de l’entente en vue de commettre un génocide", indique Me Epstein, lequel ne rappelle pas que d’autres anciens responsables rwandais ont été condamnés pour cette planification ainsi accréditée.
La défense doit notamment appeler à la barre deux experts hostiles à l’actuel gouvernement de Kigali : le journaliste américain Stephen Smith et le politologue belge Filip Reyntjens.
Pour l’accusation, il s’agira de démontrer que Pascal Simbikangwa était, au contraire, au cœur du régime rwandais de l’époque qu’il a lui-même assisté au génocide, l’a encouragé et fourni les armes. Démonstration qui n’est jamais simple dans le cadre du génocide rwandais tant les documents écrits incriminant ses protagonistes sont rares.
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Pierre Boisselet
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