Basma Khalfaoui : « Des pièces maîtresses ont été cachées dans l’affaire Chokri Belaïd »

Un an après l’assassinat de l’opposant tunisien Chokri Belaïd, l’enquête est toujours au point mort. Sa veuve, Basma Khalfaoui, ne ménage pas les autorités chargées des investigations, en particulier les responsables du ministère de l’Intérieur. Interview.

Basma Khalfaoui assure ne pas nourrir d’ambitions politiques personnelles. © AFP

Basma Khalfaoui assure ne pas nourrir d’ambitions politiques personnelles. © AFP

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 3 février 2014 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Où en est l’enquête sur le meurtre de votre ex-mari Chokri Belaïd, tué le 6 février 2013 à Tunis ?

Basma Khalfaoui : Jusque là, il n’y a rien de nouveau dans les investigations. Les dernières avancées remontent à deux mois et demi, lorsque nous avons découvert que l’expertise balistique avait été cachée au ministère de l’Intérieur pendant plus de quatre mois. Plusieurs hauts responsables du ministère possédaient ce document mais ne l’ont pas donné au juge d’instruction. Nous avons demandé l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur cette rétention d’information mais n’avons toujours pas eu de réponses. Par ailleurs, un des cadres du ministère, Wahid Toujani, a été convoqué par le juge mais a refusé de se présenter.

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Qu’attendez-vous du ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, qui a récemment dit qu’il allait publiquement annoncer des avancées sur l’enquête ?

Il devait s’exprimer vendredi (le 31 janvier), mais il ne s’est rien passé. Ce n’est pas très étonnant : depuis son arrivée à la tête du ministère (en mars 2013), il a fait trois conférences de presse sur cette affaire pour ne rien dire, voire proférer des mensonges. Je ne peux donc pas lui faire confiance.

Après sa nomination, il avait dit que le meurtre de Chokri Belaïd serait "son" affaire. Un an plus tard, non seulement il n’avait rien fait mais nous avons appris que le ministère avait caché des pièces maîtresses dans ce dossier. Peut-être a-t-il été sous pression et qu’il ne pouvait pas annoncer de progrès sérieux dans l’enquête. Mais nous, nous voulons savoir la vérité.

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Un an après le meurtre de Chokri Belaïd, l’identité des commanditaires de l’assassinat reste toujours un mystère…

On ne parle pas du tout des commanditaires ! La seule piste évoquée a été celle d’Ansar al-Charia (groupe salafo-jihadiste d’Abou Iyadh, NDLR). Mais pour moi, jusqu’à présent, rien n’est évident et tout est possible. Je ne connais pas la vérité sur cet assassinat.

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Quant au principal accusé, Kamel Gadhgadhi, il est toujours en fuite. Des rumeurs le signalent en Libye, en Tunisie, à tel ou tel endroit. Mais rien n’est sûr et il est encore en liberté. 

Lorsqu’il est entré en fonction, le nouveau Premier ministre, Mehdi Jomâa, a déclaré qu’il voulait régler les affaires Belaïd et Brahmi "au plus vite". Pensez-vous que la nomination de son gouvernement puisse débloquer l’enquête ?

À mon avis, c’est un discours politique pour calmer le jeu. Ce sont des promesses pour avoir un élan de confiance. Mais je ne suis pas convaincue, ni confiante.

Nourrissez-vous des ambitions politiques ?

Non, pas du tout. Après tous ces mois, je suis plutôt penché vers la société civile, qui est mon "cadre naturel" si je puis dire. J’ai toujours et je défendrai toujours mon point de vue politique. Je discute et travaille avec tout le monde : les démocrates, les libéraux, les gens de gauche…

Pour le moment, je préfère me consacrer à la Fondation Chokri Belaïd contre la violence. Nous avons beaucoup de choses à faire. Cela m’intéresse beaucoup plus que la politique.

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Propos recueillis par Benjamin Roger

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