« Procès de la terreur » au Rwanda : Mutabazi, l’ancien garde du corps de Kagamé, devant les tribunaux
Le « procès de la terreur » s’est ouvert au Rwanda le 28 janvier, dont l’enjeu, selon Kigali, est de mettre au jour un réseau terroriste impliquant les rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda et les opposants en exil du Congrès national rwandais. Au centre de ce procès, Joël Mutabazi, un ancien garde du corps de Paul Kagamé.
Après l’assassinat de l’opposant rwandais et ancien chef du renseignement Patrick Karegeya à Johannesburg le 1er janvier, le président rwandais Paul Kagamé avait eu cette saillie restée célèbre : "La trahison a des conséquences […] tous ceux qui trahissent notre cause ou souhaitent le mal de notre peuple deviendront des victimes".
Celle-ci avait choqué jusqu’à Washington, qui avait fait part de sa réprobation. Mais elle avait aussi suscité des interrogations au Rwanda où, explique un observateur, "la population n’a pas compris comment on pouvait se réjouir de la mort d’un homme. La plupart des gens ne savaient pas exactement qu’avait fait Karegeya".
Démontrer l’existence de lien entre des attentats commis sur le sol rwandais et l’opposition rwandaise en exil : voici tout l’enjeu du procès qui s’est ouvert le 28 janiver à Kigali, et que le gouvernement rwandais surnomme déjà le "procès de la terreur".
Ce procès devant la justice militaire et auquel comparaissent 16 personnes jugé pour sept chefs d’accusations (dont terrorisme, meurtre et complot pour attenter à la vie d’un chef d’État) a pour principal accusé le lieutenant Joel Mutabazi, un ancien membre de la garde présidentielle de Paul Kagamé. Après avoir été détenu, ce dernier avait fait défection et fui en Ouganda en octobre 2011. De là, il avait obtenu le statut de réfugié ce qui n’a pas empêché son arrestation, par des policiers ougandais, qui l’ont remis au Rwanda.
Kigali l’accuse d’être au centre d’un réseau responsable des attaques à la grenade dans la capitale rwandaise, lors des élections législatives de septembre dernier. Il aurait, en outre, fourni des informations sur les déplacements du président devant permettre de l’assassiner.
>> Lire aussi : Kagamé a-t-il échappé à un attentat en 2010 ?
"Selon les confessions et les preuves que nous avons, Joel Mutabazi se réunissait à Kampala avec deux complices, Innocent Kalisa et Runkundo [tous deux des co-accusés], affirme une source proche de l’enquête. Ce dernier était un ancien membre des FDLR [Force démocratiques de libération du Rwanda, rébellion hutu rwandaise opérant en RDC] recruté par le RNC [Congrès national rwandais, parti d’opposition en exil auquel appartenant Karegeya]".
Lors des trois premiers jours d’audience, le procureur a surtout tenté de démontrer comment Mutabazi aurait manœuvré pour obtenir le statut de réfugié en Ouganda. Selon lui, Mutabazi aurait lui-même tiré avec une arme à feu sur son domicile pour appuyer sa demande d’asile. Le procureur affirme encore qu’il avait payé des membres de sa famille pour faire venir du Rwanda l’arme en question, dissimulée dans un jardin plusieurs mois plus tôt. Les accusations ont été également formulées par des membres de la famille de Mutabazi, qui comparaissent également.
Face à ses accusations, Mutabazi a plaidé non-coupable et a décidé de ne pas coopérer, citant notamment ses conditions d’arrestation (qualifiées de "kidnapping") et remettant en cause la justice rwandaise. Son avocate, Antoinette Mukamusoni, a quant à elle renoncé à le défendre.
De son côté, le RNC nie tout lien avec les personnes incriminées. "Il peut y avoir des liens personnels entre des individus, admet le porte-parole du parti, Jean-Paul Turayishimye. J’ai moi-même été en contact avec Mutabazi quand il était encore en Ouganda. Mais les personnes citées lors de ce procès ne sont pas membres de notre parti et nous n’utilisons pas la violence. Ce procès est une tentative pour discréditer notre mouvement sur la scène internationale" .
À Kigali, l’accusation promet de produire des éléments de preuve pour appuyer sa thèse au cours du procès, dont les audiences, ajournées doivent reprendre le 12 février.
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Pierre Boisselet
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