L’agriculture et la sécurité alimentaire, en toile de fond du sommet de l’UA

À l’occasion du 10e anniversaire du Comprehensive Africa Agriculture Development Programme, le 22e sommet de l’Union africaine, qui se tient en ce moment à Addis-Abeba, a pour thème central l’agriculture. 

La part de l’agriculture (en % du PIB) a baissé dans plusieurs économies africaines. © AFP

La part de l’agriculture (en % du PIB) a baissé dans plusieurs économies africaines. © AFP

ProfilAuteur_SamyGhorbal

Publié le 29 janvier 2014 Lecture : 3 minutes.

Le 22e sommet de l’Union africaine (des 30 et 31 janvier, qui se tient à Addis-Abeba, est placé cette année sous le signe de l’agriculture et de la sécurité alimentaire. Un thème d’une actualité permanente mais qui n’a pas été choisi au hasard : 2014 marque le 10e anniversaire du lancement du Comprehensive Africa Agriculture Development Programme (CAADP), le programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine. Volontariste et ambitieux, ce plan, décidé lors du sommet de Maputo prévoyait que les pays d’Afrique consacrent 10 % de leurs dépenses à l’agriculture. 

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L’Afrique n’est toujours pas parvenue à l’autosuffisance, alors que la Chine et l’Inde, qui disposent de 3 à 6 fois moins de surfaces cultivables disponibles, y sont arrivées.

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Carlos Lopes, secrétaire général adjoint de l’ONU et secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), a dressé un état des lieux sans complaisance dans le discours qu’il a prononcé, le 27 janvier, devant le  Conseil exécutif de l’UA, l’instance qui réunit les ministres des Affaires étrangères des 54 pays de l’Union. 65 % des Africains dépendent encore de l’agriculture comme principale source de subsistance, mais, en dépit de la grande variété de cultures, d’animaux et de pratiques agricoles, l’Afrique a les rendements les plus faibles du monde. La productivité des terres africaines a stagné à une tonne et demi par hectare, en moyenne, au cours du dernier demi-siècle, alors qu’elle est passée de 0,95 à 2,53 tonnes par hectare en Inde. L’Afrique n’est toujours pas parvenue à l’autosuffisance, alors que la Chine et l’Inde, qui disposent de 3 à 6 fois moins de surfaces cultivables disponibles, y sont arrivées. 226 millions d’Africains, soit 25 % des habitants du continent, sont confrontés à une insécurité alimentaire chronique. Certes, reconnait le Dr Lopes, le tableau gagnerait à être quelque peu nuancé. L’Égypte, avec 9 tonnes par hectare, affiche par exemple le meilleur rendement rizicole du monde. La production de poisson s’est considérablement accrue en Ouganda. Mais ces succès restent marginaux, l’Afrique est encore loin du compte.

Manques d’investissments et "arrangements commerciaux injustes"

Les raisons de ce retard tiennent d’abord et avant tout au manque d’investissements. "Ce secteur, qui détient la clé de la transformation du Continent, a été pendant longtemps négligé et mal dirigé", assène Carlos Lopes, qui plaide pour "une stratégie de 6 R". Il faut "réaffirmer les politiques de transformation agricole structurelle", "réduire la vulnérabilité des petits agriculteurs aux prix, élevés et instables", "renverser les tendances préoccupantes aux changements climatiques", "redéfinir la politique industrielle, en optimisant ses liens avec le secteur agricole", "retenir les opportunités qu’offre à l’Afrique la croissance verte, qui abonde en possibilités d’investissement" et enfin "rester ferme face aux arrangements commerciaux injustes (les subventions agricoles des pays développés, qui faussent les marchés et les prix". L’enjeu est considérable. La CEA estime que la malnutrition engendre des pertes de l’ordre de 2 à 16 % du PIB pour les pays qui la subissent. Quelques États pionniers – le Botswana, l’Éthiopie, le Ghana, la Cote d’Ivoire et Maurice – ont mis en œuvre des plans d’industrialisation fondée sur les produits de base proposés par la CEA. Il appartient aux autres de les imiter.      

Pourtant, la 24e session ordinaire du Conseil exécutif ne s’est pas attardée sur ce sujet crucial, phagocyté par les crises (Centrafrique, Sud-Soudan, Mali) qui se sont invitées à l’agenda de ce sommet sans grand relief, et marqué par une participation en recul. Quand à la commissaire en charge du dossier, Rhoda Peace Tumusiime (Économie rurale et agriculture), elle n’a pas mis beaucoup de cœur à défendre "son bébé". Elle a expédié sa présentation à la presse en une dizaine de minutes, avant de répondre aux questions des journalistes en enfilant perles et lieux communs ("il faut renforcer le rôle du secteur privé en Afrique", "l’agriculture et l’industrie sont les deux priorités du Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique)", "l’Afrique doit procéder à une révolution agraire et donner toute sa place aux femmes"). Poussée dans ses retranchements sur la question des cultures à base d’OGM – organismes génétiquement modifiés – qui fait débat en Europe, elle a prudemment botté en touche : "Les scientifiques sont divisés. Je suis économiste. C’est aux États de réguler, pas à la Commission. Notre travail consiste à mettre en place un cadre d’action pour les politiques publiques (framework). Nous n’entrons pas dans ce genre de détails…". Rendez-vous dans dix ans pour faire "le bilan du bilan" ?

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Samy Ghorbal, envoyé spécial à Addis-Abeba

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