Algérie – Abderrezak Mokri : « Bouteflika est l’otage d’un clan »
Interview d’Abderrezak Mokri, président du Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste). Un parti qui a annoncé son boycott de la présidentielle algérienne d’avril 2014.
Le Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste) a décidé, samedi 25 janvier, de boycotter l’élection présidentielle qui aura lieu le 17 avril prochain. Son président, Abderrezak Mokri, 53 ans, docteur en médecine, explique pourquoi sa formation, partenaire de Bouteflika dans le cadre de la coalition présidentielle entre 2004 et 2012, refuse de prendre part à ce scrutin qu’il juge déloyal.
Jeune Afrique : Pourquoi boycotter la présidentielle de 2014 ?
Abderrezak Mokri (ci-contre © DR) : Parce que ces élections ne seront pas le vrai rendez-vous pour le changement et pour les réformes. Les mécanismes de contrôle du scrutin ne sont pas garantis. Le changement opéré en septembre 2013 au niveau du gouvernement où des hommes du président ont été placés à des postes clés, les restrictions imposées au droit de rassemblement et le verrouillage des médias publics ne constituent pas des signes d’une élection pluraliste et loyale.
Avec un vingtaine de partis, nous avions proposé la création d’une commission nationale indépendante pour organiser les élections, mais la proposition a été rejetée par le pouvoir. Donc, cette présidentielle 2014 ne sera ni démocratique ni loyale et ne permettra pas une véritable alternance par la voie des urnes.
Vous allez investir le terrain dans le cadre de ce boycott ?
Nous appellerons à la non-participation au scrutin avec les moyens politiques dont nous disposons et selon les possibilités qui nous seront offertes, sachant que les autorités ont la haute main sur les autorisations de rassemblements et de meetings. La loi n’autorise pas les partis qui boycottent à faire campagne contre le vote durant la période électorale.
Nous appellerons à la non-participation au scrutin avec les moyens politiques dont nous disposons et selon les possibilités qui nous seront offertes.
Personnellement, vous auriez aimé être candidat ?
Non, je n’ai pas d’ambitions présidentielles. L’intérêt du parti prime avant celui de l’individu et si nous devions participer, ce serait certainement pour gagner. Or, encore une fois, cette présidentielle ne sera pas une compétition ouverte.
Vous dites que le président est sous influence…
Tout le monde constate et peut constater que le président, âgé de 77 ans, est malade, qu’il ne bouge pas et qu’il ne s’est jamais adressé à la nation depuis son AVC survenu le 27 avril 2013. L’opinion publique sait que ce président ne gouverne pas, qu’il a délégué presque tous ses pouvoirs. On constate depuis des semaines que des individus, des responsables, parlent au nom du président de la République, qu’ils le pressent et le somment de se porter candidat à un quatrième en dépit de son état de santé et en dépit du bon sens. De plus, selon nos informations, et au vu de ce qui se publie quotidiennement dans la presse nationale, il y a des divergences profondes au sein du pouvoir autour de cette élection et de cette candidature de Bouteflika.
Craignez-vous qu’une éventuelle réélection rendrait le chef de l’État impuissant face à ces lobbies ?
Il y a de vrais dangers pour la stabilité et la souveraineté de l’Algérie lorsque, avec des enjeux stratégiques nationaux, des frontières instables et un front social en ébullition permanente, celle-ci est dirigée par un président malade, impuissant, absent et qui est l’otage d’un clan…
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Propos recueillis par Farid Alilat
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