Portrait : Francis Rougier, le défricheur

Francis Rougier a africanisé le groupe en misant sur les forêts du Gabon, du Cameroun et du Congo. Le directeur général de Rougier envisage désormais d’investir dans des plantations industrielles jusqu’en Côte d’Ivoire.

À 65 ans, Francis Rougier, petit-fils du fondateur, n’entend pas passer la main de sitôt. © Vincent Fournier/JA

À 65 ans, Francis Rougier, petit-fils du fondateur, n’entend pas passer la main de sitôt. © Vincent Fournier/JA

Publié le 27 septembre 2013 Lecture : 3 minutes.

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À l’heure de fêter ses 90 ans, le groupe Rougier ne ressemble plus guère à l’entreprise fondée par Alexandre Rougier dans l’ouest de la France. Cotée à la Bourse de Paris depuis 1959, la firme qui exploitait des forêts en Afrique centrale pour alimenter ses usines de Niort est devenue plus africaine que française. Les trois quarts de son chiffre d’affaires (143 millions d’euros en 2012) sont désormais issus de sa production au Gabon, au Cameroun et au Congo, où elle possède huit usines (fabrication de contreplaqué, de lambourdes, de blocs aboutés…) et gère plus de 2 millions d’hectares de forêts.

Francis Rougier, directeur général et petit-fils du fondateur, est le principal architecte de cette reconversion géographique. Lorsque, avec son cousin Jacques Rougier (président du conseil d’administration), il prend la tête de l’entreprise, au début des années 1980, celle-ci vient à peine de céder ses unités industrielles en France, n’y conservant qu’une activité de négoce. « C’est à cette époque que nous avons commencé à réellement nous africaniser, même si la création de nos premières usines sur le continent remonte à la fin des années 1960 », explique celui qui a rejoint le groupe en 1971 après des études à Sciences-Po Paris. Cette politique a connu ces dernières années une accélération forcée à la suite de la décision inattendue du Gabon, en 2010, d’interdire l’exportation des grumes non transformées.

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Nous sommes des forestiers, nous savons être patients.

Une mesure dont les effets fragilisent encore les finances du groupe, avec des résultats dans le rouge en 2012 et des prévisions pessimistes pour 2013. « Même si nous transformions déjà 60 % de nos grumes sur place, la rupture a été très soudaine », reconnaît Francis Rougier. Pour lui, nul doute que cette période d’instabilité prendra fin en 2015 au plus tard. « Nous sommes des forestiers, nous savons être patients », dit-il, rappelant que la firme a connu les mêmes difficultés au Cameroun dix ans auparavant.

Okoumé

Ce bouleversement a été en partie compensé, fin 2011, par la prise d’une participation de 35 % de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) du Gabon dans le capital de Rougier Afrique International, la filiale dévolue au continent. Un gentleman’s agreement dont se félicite aujourd’hui le patron. Au passage, ce rapprochement a permis à la famille Rougier de renforcer son contrôle sur le groupe (62 % du capital et 75 % des droits de vote) en rachetant les parts d’actionnaires minoritaires.

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Mais Francis Rougier, amateur de récits d’explorateurs, voit plus loin. En plus des forêts naturelles, il veut désormais investir dans des plantations industrielles. Une nouvelle activité qui a démarré en juillet au Gabon avec des parcelles d’okoumés et qui pourrait bientôt se développer en Côte d’Ivoire et au Congo, où il négocie avec les gouvernements pour obtenir la gestion de plantations en déshérence. Pour mener à bien ces projets, il s’est associé, via une coentreprise dénommée Lignafrica, à Forêt Ressources Management, un cabinet d’ingénierie forestière basé à Montpellier (France).

Au Gabon, il a financé sa plantation d’okoumés grâce à une nouvelle prise de participation de 15 % de la CDC dans la filiale locale de Lignafrica. Ailleurs, il envisage de cultiver du teck, de l’acacia et de l’eucalyptus et d’y associer des usines de transformation. Pour ses débouchés, il table notamment sur l’essor du marché de la construction en Afrique. Le continent devrait donc encore renforcer son poids dans les résultats du groupe.

À 65 ans, Francis Rougier n’entend pas passer la main. À terme, la présence d’une nouvelle génération d’héritiers aux commandes semble toutefois assurée. Romain, son fils unique, fait partie du comité de direction en tant qu’adjoint du directeur exécutif, tandis que Luc Auguin, gendre de Jacques Rougier, occupe un poste de directeur commercial.

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