Haribo : racisme sucré ?

Est-ce le fruit d’une paranoïa de militants antiracistes ? La pression du politiquement correct a poussé la société Haribo à retirer de la vente des bonbons noirs. Il est vrai que le marketing, de tout temps, incita à la vigilance…

L’oeil de Glez. © Glez

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Publié le 21 janvier 2014 Lecture : 3 minutes.

"Haribo rend les enfants heureux, mais aussi les parents", affirment les publicités de la marque allemande de confiserie. Cette réputation de consensus semble ébréchée depuis quelques semaines. Il y a déjà plusieurs années, la société lançait le produit "Skipper Mix", un assortiment censé évoquer ce que pouvait rapporter chez lui "un marin qui aurait fait le tour du monde". Puisant dans l’imaginaire d’un enfant rêvant d’explorations exotiques à travers la planète, certains bonbons étaient à la réglisse – donc de couleur noire – et évoquaient des masques de ces arts qu’on dit primitifs. Pédagogiques ?

Si la réglisse est réputée pour relever la tension des hypotendus, elle a fait exploser celle de quelques Suédois et Danois hurlant aux clichés racistes. Mi-janvier, la représentation suédoise d’Haribo jetait l’éponge. Déclarant avoir entendu les critiques des internautes, le confiseur décida d’extirper de l’assortiment ces caricatures sucrées et d’en effacer les photographies sur le site.

Ce sont les traditions du monde "blanc" comme du monde "noir" qui passent à la moulinette du marketing.

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Peut-être des spécialistes des cultures africaines auraient-ils pu se sentir froissés, en voyant des friandises banaliser le caractère sacré du masque dans les sociétés ancestrales. La production d’Haribo est-elle pour autant raciste ? Ce sont les traditions du monde "blanc" comme du monde "noir" qui passent à la moulinette du marketing. Depuis belle lurette, les légendes occidentales sont molestées, une à une, par le rouleau compresseur des scénaristes de dessins animés américains. Quand Haribo récupère une image exotique, le racisme n’est donc pas patent. Quoique…

Il serait indigne de lire dans ces bonbons noirs un racisme patent si l’imagerie publicitaire occidentale n’était pas truffée, depuis des décennies, de stéréotypes plutôt dégradants. Au début du XXe siècle, les clichés faisaient florès. Des années après l’abolition de l’esclavage, l’homme à la peau noire apparaissait comme soumis à l’homme blanc, sur les affiches des marques de café "Maxwell House Coffee", de bourbon "Fairfax County" ou même de chaussettes "Interwoven". Quand il n’interprétait pas l’éternel majordome ou cuisinier, il était envoyé au front. Tirailleur sénégalais, il ne parlait censément pas bien la langue française, s’exclamant "Y’a bon Banania" avec un air d’imbécile heureux au physique toujours caricatural.

Est-ce le racisme qui s’insinue de manière toujours plus insidieuse ?

Est-ce pour se faire pardonner d’avoir exagéré le noir du teint et le rouge des lèvres que la publicité contemporaine commet une autre erreur : l’éclaircissement presque systématique de l’épiderme de ses mannequins "afro" ? Erreur aux conséquences sanitaires dramatiques. Erreur cohérente, à bien y réfléchir, avec certaines publicités plus que centenaires. Dans une très ancienne réclame pour une marque de savon, une petite fille blonde demandait à un enfant noir : "Pourquoi ta maman ne te lave-t-elle pas avec "Fairy soap"" ? Le savon "Dirtoff", à la même époque, représentait carrément la main d’un noir réjoui devenir blanche lorsqu’il la plongeait dans un lavabo.
Les masques en réglisse d’Haribo sont-ils de cet ordre ? Pour éviter le scandale, la marque ne cherche guère à répondre à cette question, même si elle nie une représentation négative des pays du Sud. C’est qu’elle fut échaudée. En 2013, après avoir rebaptisé "Melting pote" les bonbons "Tête de nègre", elle avait finalement décidé de les retirer de la vente en France.

Est-ce le racisme qui s’insinue de manière toujours plus insidieuse ? Est-ce un politiquement correct obsessionnel qui pratique la lecture biaisée de toute imagerie médiatique ? Si la marque Benetton entendait affronter la "bien-pensance" au bénéfice de la tolérance à l’égard des variations de couleurs de peau, la plupart des entreprises font le dos rond. En Suède toujours, et toujours en 2013, la chaîne de grands magasins Ahléns retirait un catalogue de ses points de vente. En cause ? Deux figurines à la peau noire et aux lèvres roses…

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Damien Glez

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