Charles Blé Goudé, le pied dans la moustiquaire

Pourquoi Charles Blé Goudé n’a-t-il toujours pas été livré à la Cour pénale internationale ? Par fierté nationale ivoirienne ? Par réticence idéologique vis-à-vis d’une Institution “afrophobe” ? Ou par peur de devoir ensuite livrer des personnalités d’autres bords ?

L’oeil de Glez. © Damien Glez

L’oeil de Glez. © Damien Glez

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Publié le 18 janvier 2014 Lecture : 2 minutes.

Un paludéen chronique, fatigué de raccommoder sa vieille moustiquaire qui emprisonnait invariablement un anophèle par nuit, décida un jour de laisser un de ses pieds hors de la camisole de dentelle. "Voilà pour les moustiques, piquez autant que vous voulez et ne touchez plus au reste de mon épiderme", asséna-t-il avant de chercher le sommeil. Laurent Ggabgo serait-il l’os que la Côte d’Ivoire aurait donné à ronger à la Cour pénale internationale (CPI), en espérant que son cas occupe les juges au point que la liste des inculpés ne s’allonge plus ?

Si la CPI héberge à La Haye l’ancien président ivoirien inculpé de quatre chefs de crimes contre l’humanité, Charles Blé Goudé, appréhendé il y a un an, se trouve toujours dans un lieu ivoirien inconnu et serait privé de visite depuis le mois d’août. Le tribunal de la Haye souhaite pourtant juger l’ancien ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo pour "crimes contre l’humanité et crimes de guerre". Gbagbo, Goudé, deux poids deux mesures ?

Un dialogue entre sourds qui jouent la montre, à défaut de savoir sur quel pied danser.

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Et voilà un dialogue entre sourds qui jouent la montre, à défaut de savoir sur quel pied danser. Car, à la CPI qui réclame l’ex-leader des Jeunes patriotes, Abidjan répond moins par une catégorique position de principe que par une demande de sursis pour poursuivre une procédure judiciaire interne. Le 13 janvier dernier, c’est un délai de trois mois que des autorités ivoiriennes manifestement embarrassées demandaient à la première Chambre préliminaire de la Cour de La Haye, afin de laisser travailler le tribunal de première instance d’Abidjan. La patate chaude aura-t-elle le temps de refroidir en 90 jours ?

"La justice ivoirienne est capable de le juger", soutient le responsable du comité de défense de Blé Goudé, Maître Claver N’Dri. Chaque État africain voit midi sa porte, selon que les individus cernés par la justice internationale sont au pouvoir ou dans l’opposition. Mais ceux qui veulent que Blé Goudé soit jugé en Côte d’Ivoire embouchent opportunément la même trompette que ceux qui se scandalisent de voir les présidents en exercice inculpés par la Cour pénale internationale. Et le front anti-CPI d’hurler à l’afrophobie, cri d’orfraie agrémenté de menaces de claquement de porte. Même s’ils n’avaient certainement pas envisagé de retirer effectivement leurs pays de la Cour pénale internationale, une kyrielle de présidents membres de l’Union africaine en brandissaient la perspective, en octobre dernier, à Addis-Abeba, évoquant une "chasse raciale" du "jouet des pouvoirs impérialistes en déclin" contre "la souveraineté des États et peuples africains".

Alassane Ouattara n’a-t-il laissé un pied hors de la moustiquaire judiciaire ivoirienne que pour mieux protéger un bras qui lui serait cher ? Si, pour l’heure, le sommet de son régime n’est pas formellement mis à l’index comme celui du Soudan ou du Kenya, le président ivoirien pourrait craindre un effet domino. S’il avait livré Simone Gbagbo et Charles Blé Goudé, se sentirait-il obligé de lâcher, le moment venu, quelque soutien qui l’aurait aidé à accéder au pouvoir ?

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Damien Glez

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