Qui veut acheter un Noir ?

Les esclavagistes se seraient-ils mis aux nouvelles technologies ? Un internaute brésilien vient de proposer la « vente de Noirs » sur le plus grand site d’achats en ligne d’Amérique latine. Rires jaunes, malaise et cris d’indignation…

L’oeil de Glez. © Glez

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Publié le 15 janvier 2014 Lecture : 3 minutes.

Il va falloir s’y faire, pas une semaine ne passe sans qu’une nouvelle polémique sur fond de racisme n’agite le web mondial. Tandis que la France était obnubilée par le fait de savoir s’il fallait ou non interdire le spectacle de Dieudonné, humoriste accusé d’antisémitisme, de l’autre côté de l’Atlantique un internaute brésilien déposait une bien curieuse annonce sur le site d’achats en ligne MercadoLivre. Il proposait aux entreprises de renoncer à salarier leurs employés en achetant plutôt quelques… Noirs. Le prix d’un réal l’unité (0,28 centimes d’euro) défiait toute concurrence et la variété des compétences donnait le tournis. "Ils serviront comme charpentiers, maçons, cuisiniers, agents de sécurité, vigiles de discothèques, balayeurs, éboueurs ou homme de ménage", affirmait l’annonce. Pour finir de convaincre le prospect, achever le bon goût ou choquer les plus coriaces, la photographie de deux enfants noirs agrémentait la présentation de la référence commerciale.

Pure plaisanterie ? Le décalage satirique suppose une certaine complicité avec son public. En septembre 2007, lorsqu’un internaute mettait aux enchères la Belgique sur le site eBay, personne ne doutait qu’il s’agissait d’un trait d’humour en pleine crise politique. Juste avant le retrait de l’annonce, deux jours après sa publication, les enchères atteignaient tout de même 10 millions d’euros. Au Brésil, c’est une seule réponse positive qu’a obtenue l’offre de vente de Noirs. À côté de cet unique "j’achète", 1 700 messages d’indignation se sont bousculés sur le serveur de MercadoLivre. Non seulement le site de vente en ligne a immédiatement retiré l’annonce raciste, mais le gouvernement s’est saisi de l’affaire. Le Secrétariat brésilien pour l’égalité raciale a demandé les données d’inscription et d’accès de l’auteur du message. Invoquant la peine de prison prévue pour toute "incitation à la discrimination ou préjugé de race, couleur, ethnie ou religion", le premier responsable de l’institution a dénoncé "une offense à toute la société" et envisagé de porter plainte. La police civile de Rio de Janeiro a ouvert une enquête.

L’internaute vendeur de Noirs a-t-il provoqué consciemment ou inconsciemment un électrochoc salutaire ?

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Pour les moins pisse-froid, l’annonce de la mise aux enchères du royaume de Belgique était un gag salvateur dont l’incongruité avait souligné l’absurdité de cet État privé de gouvernement pendant plus de 100 jours. Doit-on lire dans l’annonce brésilienne la dénonciation d’un ascenseur social à deux vitesses dans le deuxième pays à la plus forte population noire du monde ? Le Brésil est l’un des derniers pays à avoir aboli l’esclavage, en 1888. 126 ans plus tard, les Noirs appartiennent toujours, en majorité, aux classes les plus défavorisées. L’internaute vendeur de Noirs a-t-il provoqué consciemment ou inconsciemment un électrochoc salutaire ?

La troublante anecdote ouvre à nouveau le débat sur les conditions de mise en vente sur Internet. Peut-on ne modérer les annonces qu’à posteriori ? Est-il nécessaire d’installer des filtres sur les serveurs pour bloquer toute offre à contenu raciste ? Et surtout, peut-on tout vendre ?

Le site www.humainavendre.com annonce avoir déjà vendu "573 593  humains". En réalité, il s’agit moins de céder un homme ou une femme contre une somme d’argent que de fixer le prix de chacun. "Non, HumainAVendre.com n’est pas un site d’esclavage", précise la page d’accueil, ajoutant : "n’avez-vous jamais voulu savoir combien vous valez d’euros ?". L’internaute est invité à dévoiler ses caractéristiques physiques et mentales, son cadre de vie, son comportement et même ses croyances, afin d’être évalué. Comme l’annonce brésilienne, ce n’est sans doute pas très sérieux, mais difficile de savoir si c’est drôle.

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Damien Glez

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