La RDC post-M23 reste une poudrière pour la région des Grands Lacs

Publié le 14 janvier 2014 Lecture : 6 minutes.

La narrative anti-rwandaise reste omniprésente au Congo, et pour cause ; sans elle, comment expliquer l’incapacité de cette même classe dirigeante à gérer un territoire rivalisant en superficie l’Europe de l’Ouest ? Car, après tout, qu’on se le dise, il en incombe aux Congolais de toutes les régions, ethnies, tribus et origines culturelles de trouver une solution durable aux problèmes auxquels fait face leurs pays depuis bien trop longtemps.

Malheureusement, la stigmatisation du Rwanda et, in extenso, des "rwandophones" congolais semble être le chemin voulu et choisi des dirigeants de la RDC. Et pour en arriver là, une manipulation constante des faits, mêlant réalité et fiction, fait office de pain quotidien servit au peuple avec une bonne dose de folklore et de dramatisation.

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Comment expliquer autrement la mise en scène morbide relayée par les media du monde, ou l’on ne pouvait que constater avec consternation la bêtise humaine à pied d’œuvre aux mains de dirigeants à court d’idées pour cacher leur propre incompétence ? C’était effectivement le 10 Janvier dernier que les rues de Goma furent submergées d’une foule répondant de façon soit disant spontanée à l’annonce de la mort du Président Kagame, présenté comme l’ennemi juré de toujours de la nation congolaise.

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Bien que l’absence d’offuscation ou d’excuses officielles du leadership congolais à l’endroit de son voisin rwandais nous indique clairement sa position vis-à-vis de toute cette histoire, permettez-moi d’éclairer votre lanterne quant à la vrai version des faits, la véritable chronologie de cette machine bien huilée qu’est la propagande anti-rwandaise au Congo :
  • Depuis plus d’une semaine les rumeurs les plus folles au sujet du Président Rwandais courraient les rues de Kinshasa. Paul Kagame était au centre des discussions de l’ombre dans la capitale Congolaise, où l’on exprimait le pire au sujet de sa santé et comme quoi il avait été invisible depuis sa visite à Dakar.
  • Puis soudainement, comme par miracle, un site français dénommé fr.necropedia.org, le site qui tue selon sa propre propagande,  postait aux alentours de minuit le Jeudi 9 Janvier 2014 l’annonce de la mort du Président Kagame. Il est intéressant de noter que ce site connu pour ces nécrologies à outrance ne traitait auparavant jamais de l’Afrique. Pourquoi ce timing ? Pourquoi maintenir jusqu’à ce jour le Président Kagame sur la liste des nécrologies anticipées les plus célèbres ?  

La reprise de cette rumeur calculée par un site congolais basé en France connu pour son radicalisme anti-rwandais, congosynthese.com, en dit long. Le site va en effet reprendre la rumeur véhiculée par fr.necropedia.org  avec en bonus plus de détails et une traduction en Anglais et en Espagnole. Congosynthese.com est répertorié comme faisant partie du réseau utilisé par l’ANR (Agence nationale de renseignements) et fort probablement financé par ce dernier.

Le reste est évidemment bien connu de tous ; véhiculée sur Facebook par activistes interposés, la rumeur fera son petit bonhomme de chemin jusqu’à Goma, où les réseaux habituels de dissémination, dont les tristement célèbres motards, mirent à exécution la mascarade morbide dont nous avons tous été les témoins forcés.  

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Ce n’est un secret pour personne que les motards de Goma sont régulièrement utilisés par l’ANR pour diverses opérations, entre autres les déclenchements et l’organisation des manifestations soit disant spontanées de la population.

Plus choquant est le fait que des véhicules de la Monusco leur ont prêté main forte en participant au sinistre cortège.

Plus choquant est le fait que des véhicules de la Monusco leur on prêté main forte en participant au sinistre cortège. C’est sans doute la pression développée sur Twitter qui a fait réagir le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU auprès de la Monusco, Mr. Kobler qui finalement a dénoncé l’usage "frauduleux" de véhicules des Nations unies lors de ces manifestations macabres, usage qu’il décrit d’inacceptable.

Quant à la foule à proprement parler, elle a été décrite par les témoins visuelles comme étant diverses en classes sociales et rangs, allant du simple motard aux hautes instances autoritaires de la région, le privé et le publique en unisson dans le mensonge et la honte.

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L’incident a aussi été répercuté dans d’autres villes du Congo telles que Bukavu et Lubumbashi mais à plus petite échelle.

Force est donc de faire, après avoir essuyé un tel affront, les observations suivantes :

  • Premièrement, qu’au Congo il y a clairement des institutions spécialisées dans la manipulation de l’opinion qui peuvent amener des foules à l’action dans l’un ou l‘autre sens souhaité. Cette manipulation peut aller aussi loin que l’attaque ciblée de populations dites ennemies de la Nation.
  • Deuxièmement, il est on ne peut plus clair que le Rwanda est une cible continue de cette désinformation et manipulation. Ce dernier évènement illustre magistralement le statut du Rwanda contre qui, ayant été démonisé depuis près de vingt ans sans relâche, il est facile de monter l’opinion.
  • Troisièmement, l’absence à ce jour de réaction officielle de la part des autorités Congolaise démontre plus une complicité sinon une bienveillance criante. Le protocole international prévoit normalement une prise en main des manifestations ainsi que des excuses auprès des autorités voisines en gage de bon voisinage. À moins de se considérer en état de guerre avec le pays visé (et c’est peut-être le cas !).
  • Quatrièmement, la Monusco se retrouve quand même toujours embarqué du mauvais côté de l’histoire et faillit à nouveau à sa mission de maintient de la paix.
  • Cinquièmement, il est notoire que le(s) véhicule(s) de l’ONU utilisé(s) pendant le cortège macabre ont été "prêtés" par le contingent tanzanien, pays qui a dernièrement contribuer à faire monter la tension régionale et développé une animosité certaine envers le Rwanda. Ce geste ne passera certainement pas inaperçu à Kigali.

Les "opinions" en RDC sont le fruit d’une construction primordialement à charge contre le Rwanda.

Mais dans quel contexte s’inscrit donc cette tentative maladroite de manipulation de l’opinion tant congolaise qu’internationale ? Dans un contexte d’instabilité et incapacité politique flagrante, illustrée par les attaques récentes à Kinshasa, Lubumbashi et Kindu par une faction de jeunes hommes armés de vuvuzelas, ainsi que l’assassinat du fameux général Amadou Ndala en zone gouvernementale. Le bilan des derniers évènements fera état de plus de 200 morts, passé sous silence par une communauté internationale coupable de passivité face à la violence meurtrière. Ces deux évènements ont ceci en commun que le Rwanda a été cité comme ennemi à combattre dans l’un et suspect habituel dans l’autre.

Le risque encouru  en se voilant la face sur l’évidence de se ralliement des troupes vers un ennemi commun de la part du gouvernement de Kinshasa n’est qu’une fuite vers le chaos. Comment ne pas apprécier à sa juste valeur cette récente intox à la situation d’instabilité qui prévaut dans le Congo post-M23. Ne pas voir que les "opinions" en RDC sont le fruit d’une construction primordialement à charge contre le Rwanda risque d’entrainer tôt ou tard le déclenchement d’évènements regrettables pour la région. Et il est dors et déjà clair que l’on ne saurait compter sur l’impartialité de la Monusco dans sa mission de "maintient de la paix" au Congo.

La RDC, en l’absence du Rwanda comme bouc émissaire, se retrouve confrontés à ses propres démons, ses propres échecs et à l’absence flagrante de ses propres solutions ; alors on recherche par touts les voies et moyens à attirer l’ennemi juré de toujours dans un nouvel imbroglio politique en le déclarant, Paul Kagame.

 

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