Algérie : un an après, dix questions sur In Amenas

Au petit matin du 16 janvier 2013 débutait une sanglante prise d’otages de quatre jours sur le complexe gazier de Tiguentourine, près d’In Amenas, dans le sud de l’Algérie. Un an après, retour en dix questions sur ce 11 Septembre algérien.

L’entrée du complexe gazier de Tiguentourine. © Reuters

L’entrée du complexe gazier de Tiguentourine. © Reuters

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Publié le 13 janvier 2014 Lecture : 7 minutes.

Un an après le drame, difficile de dresser un bilan humain précis de la prise d’otages d’In Amenas. Officiellement, les autorités algériennes en sont restées aux chiffres annoncés le 21 janvier, soit deux jours après la fin de la prise d’otages, par le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Ce jour-là, le chef du gouvernement annonce que 37 ressortissants étrangers de huit nationalités différentes, un employé de sécurité algérien et 29 assaillants ont été tués. Le rapport d’enquête commandé par la firme Statoil fait lui état de 39 étrangers et un Algérien tués.

  • Que sont devenus les terroristes qui ont survécu ?

Le commando qui a pris d’assaut le complexe gazier de Tiguentourine, au petit matin du 16 janvier, était composé d’une quarantaine de terroristes. D’après le bilan communiqué par Abdelmalek Sellal le 21 janvier, 29 d’entre eux ont été tués lors de l’assaut et 3 autres arrêtés par les forces spéciales algériennes. De son côté, l’hebdomadaire El Watan Week-end évoque plus de trente jihadistes tués et sept arrestations. Un mystère demeure : selon plusieurs sources sécuritaires, plusieurs jihadistes – au moins trois – auraient réussi à s’échapper au cours de la deuxième nuit de la prise d’otages. Leur trace n’a semble-t-il jamais été retrouvée.

  • Les responsables du commando ont-ils été arrêtés ?
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Le commanditaire de l’attaque, l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, n’a jamais été arrêté. Devenu le chef jihadiste le plus recherché de la bande sahélo-saharienne, il a de nombreux services de renseignement régionaux et occidentaux sur le dos. Depuis la prise d’otages d’In Amenas, "Le Borgne" – il a perdu un œil en Afghanistan – a fusionné sa katiba avec le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et fondé un nouveau groupe terroriste, Al-Mourabitoun (Les Almoravides), avec lequel il a mené deux attentats sanglants dans le nord du Niger, en mai 2013.

S’il est toujours introuvable, ses deux lieutenants chargés de mener l’attaque de Tiguentourine ont, eux, péri sur le complexe gazier. Le premier, Abderrahmane el-Nigiri, est un Maure du Niger qui a mené plusieurs attentats en Mauritanie, notamment celui de Lemgheity, en 2005. Le second, Lamine Becheneb, est un Algérien issu de la région d’Illizi, au sud d’In Amenas. Il dirigeait le Mouvement des jeunes du Sahara pour la justice islamique, organisation jihadiste implantée dans le sud-est de l’Algérie et proche de la katiba de Belmokhtar.

  • Une enquête internationale a-t-elle été lancée ?

Un an après les faits, aucune enquête internationale n’a été lancée. Les autorités judiciaires étrangères peinent à récupérer des données importantes de la part d’Alger, qui a ouvert sa propre enquête. Seuls les Américains du FBI ont pu accéder aux procès-verbaux d’audition des trois terroristes arrêtés pendant la prise d’otages. Selon la radio Europe 1, des juges d’instruction français seraient désormais eux aussi en possession de ces documents (voir ci-dessous).

Autre enquête sur le drame, qui elle est consultable par tous : celle menée par des anciens membres des services de renseignement norvégiens pour le compte de la firme scandinave Statoil. Dans ce rapport fouillé de près de 100 pages publié en septembre 2013, les enquêteurs dénoncent un dispositif sécuritaire insuffisant, pointent les manquements de l’armée algérienne et remettent en cause "l’étendue de la dépendance des opérateurs du site" vis-à-vis des militaires algériens.

  • Le site gazier de Tiguentourine a-t-il redémarré sa production ?
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Largement endommagé par les quatre jours de prise d’otages et l’assaut de l’armée algérienne, le complexe gazier de Tiguentourine a d’abord été rénové et en partie reconstruit. Il a ensuite partiellement repris son activité en février 2013, un mois après l’attaque. Aujourd’hui, l’exploitation tourne à nouveau normalement mais fonctionne uniquement grâce au personnel technique et aux employés algériens de Sonatrach.

  • Les travailleurs expatriés sont-ils de retour sur le site ?

Près d’un an après l’attaque, et alors que leur retour avait été plusieurs fois annoncé pour "bientôt", les travailleurs expatriés de British Petroleum, Statoil et JCG Corporation, qui exploitaient le gisement gazier avec la Sonatrach, ne sont toujours pas de retour sur le site de Tiguentourine. Pour ces firmes étrangères, le dispositif de sécurité actuel, bien que renforcé, n’apporte pas suffisamment de garanties.

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Des réunions regroupant de hauts responsables militaires et des dirigeants de ces sociétés étrangères ont eu lieu ces derniers mois afin de faire avancer les choses. Parmi les solutions envisagées figurerait la mise en place d’une navette aérienne quotidienne pour les expatriés entre Hassi Messaoud et le complexe de Tiguentourine, à proximité duquel une nouvelle piste d’atterrissage est en cours de construction.

  • Quel est le nouveau dispositif de sécurité ?

En un an, la sécurité autour de la ville d’In Amenas et de son aéroport a été renforcée et les accès au site gazier de Tiguentourine soigneusement bouclés. Pour franchir les nombreux barrages militaires, il faut impérativement être muni d’un laissez-passer sous peine d’être expulsé manu militari.

Selon un spécialiste des questions de Défense, les effectifs de l’armée de l’armée algérienne ont été doublés le long de la frontière algéro-libyenne, atteignant désormais environ 25 000 hommes. Des moyens de surveillance aériens ont également été développés. La mise en place de ce nouveau dispositif sécuritaire a conduit un journaliste de Reuters qui s’est rendu sur place à qualifier le site de "véritable bunker".

  • Les victimes et familles de victimes ont-elles été dédommagées ?

Pour le moment, il semble que la majorité des victimes ou familles de victimes n’ont pas été dédommagées après le drame qu’elles ont vécu à In Amenas. Dans certains pays, comme la France ou le Royaume-Uni, il existe des fonds publics de soutien aux victimes du terrorisme. En France, ce service public, baptisé Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), est rattaché au ministère de l’Économie et des finances et alimenté par les contributions des assurés sociaux. Géré par des assureurs, ses dédommagements mettent généralement des mois, voire des années, à se mettre en place.

Quant aux sociétés Sonatrach, BP, ou encore Statoil, il est très difficile de savoir si elles ont fourni une compensation à leurs salariés. À l’image du service de communication de BP, qui nous a assuré qu’il ne "faisait pas de commentaires sur les affaires personnelles entre l’entreprise et ses salariés", elles préfèrent maintenir ces informations sous silence.

  • Des procédures judiciaires ont-elles été ouvertes ?

Des enquêtes ou informations judiciaires ont été ouvertes en Algérie et en France. Dans une déclaration à la presse, le 9 janvier, le garde des Sceaux algérien Tayeb Louh a indiqué que l’attaque contre le site gazier de Tiguentourine faisait l’objet d’une enquête instruite par un juge spécialisé. Selon lui, cette affaire est désormais "entre les mains de la justice algérienne" et "quiconque ayant subi des préjudices suite à cette agression" pourra se constituer partie civile.

Quelques jours plus tôt, le parquet de Paris avait ouvert une information judiciaire sur la prise d’otages d’In Amenas. D’après la radio Europe 1, les juges d’instruction français seraient notamment en possession des procès-verbaux d’audition de trois terroristes interrogés par les services algériens. Me Casubolo-Ferro, l’avocat de Murielle Ravey, infirmière française rescapée de l’attaque, nous a confié que sa cliente allait se constituer partie civile dans "les jours à venir".

  • La réaction de l’armée algérienne a-t-elle été disproportionnée ?

Dès le lendemain de l’attaque, plusieurs responsables occidentaux se sont interrogés sur les méthodes de l’armée algérienne, accusée d’avoir été trop brutale et d’avoir manqué de discernement. En faisant le choix de ne pas négocier avec les preneurs d’otages et de lancer l’assaut, les militaires algériens ont fait plusieurs victimes parmi les otages.

>> Lire aussi Prise d’otages d’In Amenas : récit d’une opération kamikaze

La semaine dernière, les autorités algériennes ont à nouveau défendu leur bilan à In Amenas, ripostant aux critiques émises à leur égard. "L’intervention des forces de sécurité algériennes était impérative pour sauver des centaines de vies humaines et pour protéger un site stratégique que les terroristes projetaient de faire exploser", a indiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Amar Belani, dans un communiqué. Cette déclaration intervient en réaction à des articles de presse étrangers, citant des ex-otages pointant des failles dans la sécurisation du site. L’Algérie déplore "l’agitation tendancieuse de certains médias étrangers autour de l’anniversaire" et "les présentations biaisées et les allégations absurdes émises par ces médias qui, de parti pris en préjugés, en viennent quasiment à disculper les auteurs de cet odieux attentat terroriste".

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Benjamin Roger 

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