La Tunisie à nouveau en proie à l’agitation sociale
Trois ans après le soulèvement révolutionnaire de janvier 2011, de nombreux troubles ont éclaté en Tunisie. Mardi et mercredi, des grèves et des heurts entre manifestants et forces de l’ordre ont éclaté à Thala, Sfax, Sidi Bouzid, El Guettar et Kasserine.
Les débats autour des articles de la nouvelle Loi fondamentale en cours de ratification par l’Assemblée nationale constituante (ANC) détournent l’attention de l’agitation sociale qui s’est progressivement emparée du pays. En moins de 24 heures, des troubles ont éclaté dans plusieurs villes : à Thala (nord-ouest), où l’on compte déjà deux morts, à Sfax, à Sidi Bouzid (centre) et à El Guettar, au cœur du bassin minier de Gafsa (sud-ouest), tandis que des grèves secouent différentes corporations comme celles des minotiers, des médecins et des magistrats.
Mercredi matin, c’était au tour de la ville de Kasserine (centre) de basculer dans la grève générale. À l’appel de la centrale syndicale de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), les administrations et institutions publiques ainsi que les commerces de la ville ont gardé leurs portes fermées. Ce nouveau débrayage a été organisé à une date symbolique : il y a précisément trois ans, le 8 janvier 2011, la ville pleurait son premier mort de la révolution.
Crispation
La Tunisie entre donc dans une nouvelle phase de crispation sociale. Les magistrats protestent contre la perte de leur indépendance et les jeunes médecins s’insurgent contre la condition que leur impose l’État pour leur délivrer leur diplôme : accomplir trois ans de service dans les régions intérieures après leurs études.
Les agriculteurs aussi sont mécontents : l’augmentation des taxes sur les véhicules et l’obligation qui leur est faite d’acquérir une patente sont mal vécues.
"Trois ans c’est long, trois ans c’est trop, d’autant que les hôpitaux manquent de moyens", assure une interne. Les syndicats étudiants soulignent quant à eux qu’à aucun moment le ministère de la santé n’a voulu examiner leurs propositions. Mais les agriculteurs aussi sont mécontents. L’augmentation des taxes sur les véhicules et l’obligation qui leur est faite d’acquérir une patente sont mal vécues dans un secteur déjà fortement endetté.
"L’État aurait dû mettre en place un système graduel ; là, il nous étrangle dès le début de l’année. Payer des impôts est normal, mais encore faut-il que l’on sache à quoi ils servent. Pour le moment ils permettront surtout de payer les salaires des nominations massives effectuées par Ennahdha dans l’administration", s’insurge un membre de l’Union régionale de l’agriculture et de la pêche (Urap) à Sfax.
Remplir les caisses de l’État
Certes, les caisses de l’État sont vides et la loi de finances 2014 vise à les remplir. Mais des analystes estiment que la pression fiscale est une entrave à la relance tant par l’investissement que par la consommation. "Il serait mieux de lutter contre l’économie parallèle et opérer une refonte des régimes forfaitaires d’imposition", explique un chef d’entreprise, Dali Mankai, membre du parti Afek Tounes.
"On nous impose 7 % de plus sur les factures d’eau. Mais on peut s’attendre à pire : quand les prix du pain et des hydrocarbures augmenteront ! La caisse de compensation des biens de première nécessité est une soupape, et en s’en désengageant l’État plonge les classes moyennes et pauvres dans une crise aigüe", déplore Nejla, propriétaire d’une boulangerie.
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Frida Dahmani, à Tunis
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