L’égalité entre « citoyens et citoyennes » inscrite dans le projet de Constitution tunisienne

Les députés tunisiens ont approuvé lundi l’égalité « sans discrimination » entre « citoyens et citoyennes » dans le projet de la future Constitution. Une concession parmi d’autres accordée par les islamistes d’Ennahdha, sous la pression de la société civile et de l’opposition.

Les députés tunisiens en séance, le 6 janvier 2014 à Tunis. © AFP

Les députés tunisiens en séance, le 6 janvier 2014 à Tunis. © AFP

Publié le 7 janvier 2014 Lecture : 3 minutes.

"Tous les citoyens et les citoyennes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune". L’article 20 du projet de Constitution tunisienne, adopté lundi 6 janvier par 159 voix sur 169 votants à l’Assemblée nationale constituante (ANC), est unique dans le monde arabe.

La formulation de cet article est le fruit d’un compromis entre les islamistes d’Ennahdha, majoritaires à l’assemblée, et l’opposition laïque. Le parti au pouvoir avait en effet fait scandale durant l’été 2012 en annonçant vouloir introduire le concept de "complémentarité" homme-femme. Confronté à une levée de boucliers, les islamistes avaient finalement renoncé à ce projet.

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Ennahdha a aussi accepté au fil des mois de renoncer à inscrire l’islam comme source de droit et à punir les "atteintes au sacré". Ses députés ont aussi voté dimanche, sous la pression de l’opposition laïque, l’interdiction des "accusations d’apostasie", un élu de gauche ayant affirmé avoir été menacé après avoir été qualifié d’ennemi de l’islam, alors que deux opposants ont été assassinés en 2013 par la mouvance jihadiste.

Le pays arabe accordant le plus de droits aux femmes

Pour plusieurs analystes, Ennahdha a été contrainte d’adapter des vues conservatrices à une société arabe libérale. "On peut dire que Ennahdha a montré qu’elle était un mouvement modéré, mais on peut aussi dire qu’elle n’avait pas le choix car la société tunisienne est moderne et progressiste, relève Sami Brahem, chercheur en civilisations islamiques. Si Ennahdha veut exercer en politique, elle doit être à la page de ce modernisme sauf à devenir un mouvement radical". Pour le sociologue Tarek Belhadj Mohamed, "c’est face au militantisme des femmes tunisiennes et de la société civile, qu’ils ont du faire des concessions".

La Tunisie, sans consacrer l’égalité des sexes, est depuis 1956 le pays arabe accordant le plus de droits aux femmes. L’article validé lundi a néanmoins été critiqué par des ONG comme Human Rights Watch et Amnesty, qui jugent la formule "citoyens et citoyennes" trop réductrice. "La Constitution devrait préciser que les hommes et les femmes sont égaux et ont droit à la pleine égalité en droit et en fait", relevaient vendredi ces organisations. Elles souhaitent aussi que la non-discrimination soit élargie aux raisons de "race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre".

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Néanmoins, les militantes féministes se sont félicitées de l’adoption de l’article 20. "C’était notre revendication et c’est une victoire", a ainsi déclaré Ahlem Belhaj, l’ex-présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates.

La liberté d’expression garantie

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La Constituante a aussi approuvé lundi l’article stipulant que "les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, d’informations sont garanties". Des dispositions garantissant les droits des justiciables et l’imprescriptibilité du crime de torture ont été validées. Ces textes sont hautement symboliques après cinq décennies de dictature, jusqu’à la révolution de janvier 2011.

L’ANC a également voté l’article 21, qui dispose que "le droit à la vie est sacré. Nul ne peut lui porter atteinte sauf dans les cas extrêmes fixés par la loi". Mais ce compromis a été critiqué car il n’abolit pas la peine de mort. Un amendement en ce sens a été rejeté, bien qu’aucune exécution n’ait eu lieu depuis le début des années 1990.

Le vote de la Constitution, entamé vendredi, a été très chaotique et interrompu par de multiples polémiques. Après l’examen article par article en cours, le texte doit obtenir les votes des deux-tiers des élus pour éviter un référendum. La classe politique s’est engagée à adopter la Loi fondamentale avant le 14 janvier, date symbolique du troisième anniversaire de la révolution tunisienne.

Son adoption et la formation d’une loi et d’une commission électorales sont les clefs de voûte d’un accord entre opposants et Ennahdha pour résoudre une profonde crise déclenchée par l’assassinat, le 25 juillet, du député de gauche Mohamed Brahmi. À l’issue de ce processus, Ennahdha s’est engagée à céder la place à un gouvernement d’indépendants pour conduire le pays à des élections. Le principal médiateur de la crise politique, le syndicat UGTT, a exigé que le Premier ministre Ali Larayedh démissionne au plus tard le 9 janvier.

(Avec AFP)

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