Constitution tunisienne : l’opposition obtient l’interdiction de l’accusation d’apostasie

L’opposition laïque tunisienne a obtenu dimanche, sur fond de vive polémique entre deux députés, le vote d’un amendement au projet de Constitution interdisant « les accusations d’apostasie ». Les élus doivent désormais s’atteler à la formation de l’instance électorale qui sera chargée d’organiser les prochains scrutins courant 2014.

Lors d’une session de l’Assemblée Constituante, le 3 janvier 2014 à Tunis. © AFP

Lors d’une session de l’Assemblée Constituante, le 3 janvier 2014 à Tunis. © AFP

Publié le 6 janvier 2014 Lecture : 3 minutes.

Sur impulsion de l’opposition laïque – et après une altercation entre deux élus -, les députés tunisiens ont voté, dimanche 5 janvier, un amendement au projet de Constitution interdisant "les accusations d’apostasie". L’amendement en question, adopté par 131 voix sur 182 votants, "prohibe les accusations d’apostasie et l’incitation à la violence". Présenté une première fois samedi mais rejeté, il s’ajoute à un article consacrant la liberté de conscience, l’islam comme religion d’État et rejetant l’islam comme source de droit.

Cet amendement intervient à l’issue d’une longue journée de négociations et de polémique entre les islamistes du parti Ennahdha et l’opposition laïque, qui menaçait de boycotter les séances de la Constituante sur l’adoption de la Constitution.

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Dans la société civile, des voix se sont élevées contre ce texte, estimant qu’il constituait une atteinte à la liberté d’expression. "Les constituants tunisiens du camp islamiste jusqu’au camp dit démocrate ont voté aujourd’hui contre la liberté d’expression", a dénoncé sur Twitter Amira Yahyaoui, présidente de l’ONG Al Bawsala, qui milite notamment pour la transparence dans la vie politique.

Insultes et Menaces

La polémique qui a paralysé la Constituante dimanche a été provoquée par les propos, la veille, de Habib Ellouze, un élu de la frange radicale d’Ennahdha, qui avait jugé notamment que le député de gauche Mongi Rahoui était "connu pour son animosité pour l’islam".

Ce dernier s’est ensuite insurgé dans l’hémicycle que ces propos étaient à l’origine de menaces de mort à son encontre. "Ce qui a été dit hier (samedi) par ce cheikh, comme quoi (…) j’étais l’ennemi de l’islam, a conduit à des menaces de mort contre moi", a-t-il dit. Pour l’opposition, les propos en question ont fait de l’élu une cible, alors que deux opposants de gauche ont été assassinés en 2013, crimes attribués à la mouvance jihadiste. Les détracteurs d’Ennahdha jugent d’ailleurs les islamistes au pouvoir responsables, au moins par leur laxisme, de l’essor de ces groupes salafistes.

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De son côté, le ministère de l’Intérieur a indiqué dans un communiqué avoir reçu des informations sur des menaces contre Mongi Rahoui et deux autres personnes circulant sur Facebook. Une enquête a été ouverte et des "précautions sécuritaires" prises. Ennahdha a pour sa part condamné à plusieurs reprises les propos de Habib Ellouze qui, après avoir un temps tergiversé, a aussi présenté des excuses.

L’examen du projet de Constitution, lancé vendredi dans un climat chaotique, a été régulièrement suspendu par des accusations et des disputes entre députés. Dans la soirée de dimanche, la Constituante a finalement repris ses travaux, achevant l’approbation des "dispositions générales" avec les article 16 à 19. À partir de lundi, les élus devront examiner le chapitre consacré aux "Droits et Libertés".

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>> Lire aussi : Les 15 premiers articles de la Constitution adoptés par l’Assemblée tunisienne

Instance électorale

Les députés devaient surtout s’atteler dans la nuit de dimanche à lundi à la formation de l’instance électorale qui sera chargée d’organiser les prochains scrutins courant 2014. La classe politique s’est engagée à adopter la Loi fondamentale avant le 14 janvier, troisième anniversaire de la révolution qui marqua le début du Printemps arabe.

L’adoption de ce texte et la formation d’une loi et d’une commission électorales sont les clefs de voûte d’un accord entre opposants et Ennahdha pour résoudre la profonde crise politique actuelle, déclenchée par l’assassinat, le 25 juillet, du député de gauche Mohamed Brahmi. À l’issue de ce processus, Ennahdha s’est engagé à céder la place à un gouvernement d’indépendants dirigé par l’actuel ministre de l’Industrie, Mehdi Jomaâ.

Le principal médiateur de la crise politique, le syndicat UGTT, a exigé que le Premier ministre islamiste Ali Larayedh démissionne au plus tard le 9 janvier. Une rencontre entre médiateurs de la crise, Larayedh et Jomaâ doit avoir lieu lundi. Élue en octobre 2011, la Constituante devait achever sa mission en un an, mais le processus a été ralenti par un climat politique délétère, l’essor de groupes jihadistes armés et des conflits sociaux.

(Avec AFP)

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