Turquie : Erdogan remanie le gouvernement suite à un scandale de corruption
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a procédé mercredi soir à un vaste remaniement ministériel d’urgence après la démission de trois ministres, mis en cause dans un retentissant scandale de corruption.
Le 25 décembre, au terme d’un entretien avec le chef de l’État, Abdullah Gül, Recep Tayyip Erdogan a présenté devant la presse sa nouvelle équipe ministérielle. Des manifestants exigeaient au même moment sa démission, faisant ressurgir le spectre de la fronde antigouvernementale qui a défié son autorité en juin dernier.
En plus du remplacement des trois ministres démissionnaires, le chef du gouvernement en a profité pour remercier son fidèle ministre des Affaires européennes, Egemen Bagis, dont le nom a été cité par la presse dans le contexte de l’enquête ouverte par la justice.
Au total, dix ministres ont été remplacés à la faveur de ce renouvellement, dont ceux de la Famille, de la Justice et des Transports, tous les trois candidats aux élections municipales de mars prochain.
Après huit jours de controverses, l’opération anticorruption sans précédent engagée par la justice turque s’est transformée mercredi en épreuve politique majeure pour Erdogan avec les démissions successives de trois de ses proches, les ministres de l’Intérieur, Muammer Güler, de l’Économie, Zafer Caglayan et de l’Environnement, Erdogan Bayraktar. Les deux premiers concentraient sur eux toutes les critiques, après l’incarcération samedi dernier de leurs fils, inculpés de corruption, fraude et blanchiment d’argent dans le cadre d’une enquête judiciaire liée à des ventes illégales d’or à l’Iran sous embargo.
Une vingtaine d’autres personnes ont été inculpées et écrouées dans le cadre de cette affaire qui éclabousse le Parti de la justice et du développement (AKP) d’Erdogan, en pleine campagne pour les élections locales du 30 mars 2014.
Erdogan dénonce une conspiration à grande échelle
Sur la même ligne que leur Premier ministre depuis le début du scandale, Güler et Caglayan ont nié toute implication dans ce scandale et dénoncé un "complot" ourdi pour déstabiliser le pouvoir. Mais leur collègue Erdogan Bayraktar, dont le fils a également été inculpé mais laissé libre dans le cadre d’un autre volet de l’affaire lié à des marchés publics immobiliers, a jeté un pavé dans la mare en réclamant la démission d’Erdogan lui-même. Visiblement furieux d’avoir été poussé hors du gouvernement, il a assuré que le Premier ministre était parfaitement au courant de ses faits et gestes.
Fidèle à sa rhétorique depuis le début de l’affaire, Erdogan, lui, a une nouvelle fois dénoncé une "conspiration à grande échelle" contre son gouvernement. "C’est une affaire présentée sous la forme d’une opération judiciaire qui vise en fait à porter atteinte à l’avenir de la Turquie", a-t-il proclamé sous les ovations de ses partisans, mercredi après-midi.
Le Premier ministre s’en est également pris de façon très virulente à la confrérie du prédicateur musulman Fetullah Gülen, accusé implicitement de diriger ce complot. "Nous ne tolérerons jamais des institutions parallèles à l’Etat", a-t-il martelé en promettant d’en finir avec les "bandes qui ne pensent qu’à leur propres intérêts, sous le couvert de la religion".
Fidèle alliée de l’AKP depuis sa conquête du pouvoir en 2002, l’organisation de Gülen, très influente dans la police et la magistrature turques, est récemment entrée en guerre ouverte contre le gouvernement à cause de son projet de supprimer les établissements de soutien scolaire privées, l’une de ses principales sources de revenus.
Ce divorce menace la position de M. Erdogan qui, contraint en 2015 de quitter ses fonctions, ne fait plus mystère de son intention de briguer en août 2014 le poste de chef de l’État, qui sera pour la première fois élu au suffrage universel direct.
(Avec AFP)
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