Turquie : démission de trois ministres proches d’Erdogan, suite à un scandale financier

Le scandale financier qui agite la Turquie a viré mercredi à la crise politique ouverte avec la démission successive de trois ministres dont l’un a appelé, de manière inédite, le Premier ministre islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan, à quitter le pouvoir.

Au c. et à dr. : les ministres Muammer Güler (Intérieur) et Zafer Caglayan (Economie). © Adem Altan

Au c. et à dr. : les ministres Muammer Güler (Intérieur) et Zafer Caglayan (Economie). © Adem Altan

Publié le 25 décembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour à 15h21.

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Le départ de ces trois proches de M. Erdogan devrait précipiter un remaniement ministériel déjà prévu dans la perspective des élections municipales le 30 mars, selon la presse. M. Erdogan pourrait à tout moment rencontrer le chef de l’Etat Abdullah Gül pour lui présenter un nouveau cabinet. C’est d’abord le ministre de l’Economie Zafer Caglayan qui a annoncé tôt mercredi avoir quitté ses fonctions, suivi de celui de l’Intérieur, Muammer Güler.

Ces deux ministres clé, au coeur d’un scandale de corruption sans pareil, ont vu leurs fils arrêtés le 17 décembre dernier avec de nombreuses autres personnalités proches du pouvoir. Leurs enfants ont par la suite été inculpés et incarcérés pour corruption active, malversations et fraude notamment avec une vingtaine d’autres suspects. Le fils du ministre de l’Environnement a aussi été interpellé mais a, par la suite, été relâché.

MM. Güler et Caglayan ont utilisé la rhétorique du Premier ministre dénonçant l’opération policière et le scandale qui en a découlé, comme un "complot" visant à déstabiliser le parti de la Justice et du développement (AKP).

Un appel sans précédent

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En annonçant sa démission de l’Environnemnt, Erdogan Bayraktar, a quant à lui jeté un pavé dans la mare en pressant M. Erdogan de le suivre, un appel sans précédent en politique turque. M. Bayraktar, visiblement furieux d’avoir été forcé de quitter ses fonctions par le chef du gouvernement, a affirmé n’avoir "rien à se reprocher" dans l’enquête menée autour de projets de construction cités dans un vaste scandale financier et avoir agi "en toute connaissance du Premier ministre". "De ce fait, je crois que le Premier ministre devrait aussi démissionner", a-t-il dit, se disant victime d’une "pression" de la part de M. Erdogan.

Un quatrième ministre, celui des Affaires européennes, Egemen Bagis, est lui aussi la cible d’une procédure judiciaire pour son implication présumée dans le scandale, soupçonné notamment d’avoir reçu des pots-de-vin. Les quatre ministres ont nié toutes les accusations. "L’appel d’un ministre demandant au Premier ministre de démissionner est un événement sans précédent. Cela a provoqué une onde de choc à l’AKP", a commenté le chef de bureau du journal Hürriyet, Deniz Zeyrek.

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Le chef de l’opposition parlementaire, Kemal Kiliçdaroglu du parti républicain du peuple (CHP), a quant à lui salué ces démissions, estimant cependant qu’elles "arrivent un peu trop tard". M. Erdogan qui tient les rênes de la Turquie depuis 2002, est rentré à Ankara mardi soir après une visite de deux jours au Pakistan.

Accueilli par des milliers de partisans à l’aéroportsous le froid, M. Erdogan a répété la thèse du "complot" qu’il ne cesse d’évoquer depuis la vague d’arrestations. "Qu’ils continuent à nous tendre des pièges (…) Nous ne nous ferons pas prendre. Nous continuerons dans la voie que nous estimons être la bonne", a-t-il insisté devant la foule.

Erdogan contesté dans son propre camp

Il a aussi dénoncé les attaques de la confrérie musulmane de Fethullah Gülen, qu’il accuse implicitement d’avoir ourdi ce complot, visant selon lui, à détruire les avancées politiques et économiques de gouvernement ces dix dernières années.

Mis en cause en juin par une vague de contestation sans précédent à travers la Turquie pour ses dérives autoritaires et islamistes, M. Erdogan est cette fois contesté dans son propre camp, par la confrérie Gülen sur laquelle il s’était jusque-là appuyé pour fortifier son autorité et se débarrasser de l’influence politique de la puissante armée, gardienne des principes laïques.

Longtemps larvée, cette guerre fratricide se joue désormais sur la place publique. L’enjeu est d’autant plus crucial pour le Premier ministre que les élections municipales de mars doivent lui servir de tremplin pour la présidentielle de l’été prochain. M. Erdogan n’a pas encore déclaré ses intentions mais, contraint par les règles en vigueur au sein de l’AKP à quitter la tête du gouvernement aux législatives de 2015, il ne fait plus mystère de vouloir briguer le poste de chef de l’Etat, qui sera élu pour la première fois au suffrage universel direct.

Signe du divorce avec la confrérie Gülen, M. Erdogan a lancé une purge sans précédent dans les rangs de la haute hiérarchie policière, où les Gülenistes sont très présents. Plus d’une centaine de haut gradés ont ainsi été limogés en une semaine à travers le pays.

 

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