RDC : la mini-jupe peut-elle « entraîner le viol » ?
Le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) a organisé en RDC, du 25 novembre au 10 décembre, une campagne de sensibilisation aux violences sexuelles à l’école. L’occasion de débattre de questions qui sont loin d’être évidentes pour tout le monde. Reportage à Buburu, dans la province de l’Équateur.
Buburu, localité enclavée de la province de l’Équateur, dans le nord-ouest de la RDC, est détrempée et boueuse. Malgré tout, quelques dizaines de personnes se sont rendues en voiture, à moto ou à pied au centre de transit du Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR).
Protégés par des bâches en plastique fixées sur des troncs d’arbres, assis sur des bancs en bois, ils assistent à une rencontre de la campagne "La sécurité à l’école : union des enseignants, parents et des élèves pour éliminer les violences sexuelles et de genre", organisée en RDC du 25 novembre au 10 décembre.
Par voie fluviale, Buburu se situe à quelque 200 km au Nord de Mbandaka, capitale provinciale. En 2009, ses habitants et ceux de la région ont fui au Congo voisin un conflit interethnique meurtrier, pendant lequel des violences sexuelles ont été perpétrées, notamment par des militaires, affirment des habitants. "Nous sommes rentrés au pays mais on s’est rendus compte qu’il y a beaucoup de cas de mariages précoces, et nous avons une recrudescence des cas de violences sexuelles. Cette campagne vient encore nous rappeler nos responsabilités pour que nous puissions aller de l’avant", estime Gabriel Dokombo Likela, enseignant.
Des jupes "de la taille d’une ceinture"
Selon le HCR, le viol reste la principale des violences sexuelles commises dans le pays. Mais difficile de connaître l’ampleur des crimes : pour septembre et octobre, l’agence onusienne compte quelques dizaines de cas rapportés pour tout l’Équateur, des statistiques jugées très faibles. Les auteurs ? Surtout des militaires, selon plusieurs sources humanitaires, qui accusent aussi de simples citoyens.
>> Lire Viols en RDC : quand les victimes doivent "payer pour obtenir justice"
Au centre du HCR, on s’indigne. "Aujourd’hui, nous voyons que des enfants s’habillent en mini-jupe, portent des collants… Quand elles s’assoient, toutes les cuisses sont dehors ! Vous, adulte, vous regardez… Et si vous voulez corriger cette attitude, l’enfant se met à vous insulter !", déplore une autorité locale, dénonçant le port de jupes ayant parfois la "taille d’une ceinture".
À l’époque de Mobutu, nous avions des ciseaux, et quand on trouvait une mini-jupe, on la déchirait !
Un participant
Un notable truculent, Étienne Mangoy, fait part de sa nostalgie. "Quand on se rappelle de l’époque de (l’ex-président Joseph) Mobutu, nous avions des ciseaux, et quand on trouvait une mini-jupe, on la déchirait !", lâche-t-il en fustigeant la "faiblesse" actuelle des autorités, et en provoquant des rires dans l’assistance. Un autre homme, en polo rayé, estime pour sa part que "le premier milieu où on doit très bien éduquer l’enfant, c’est dans la famille".
"Dès sa naissance, il faut lui montrer comment bien s’habiller, estime-t-il. C’est à nous, parents, de montrer quelle voie suivre. Si je ne veux pas que mon enfant porte une mini-jupe, elle ne le fera pas !" Céline Schmitt, porte-parole du HCR en RDC, s’engouffre dans la brèche. "Si une femme porte une mini-jupe, c’est une raison pour la violer ?" Séance de dribble : Étienne Mangoy qualifie le port de ce vêtement d’attentat à la pudeur, tandis qu’un homme à chapeau lance que, "si on voit les jambes ou la poitrine d’une femme, ça laisse à désirer…"
Jupe, pagne ou pantalon… même combat ?
Un autre participant juge carrément qu’une "mini-jupe peut entraîner un viol. (…) Une femme en mini-jupe, qui se penche… Ses cuisses, ça peut exciter l’homme !" Gabriel Dokombo Likela sera le premier à répondre sans détour que si une femme porte un habit léger, ça "ne devrait pas être une raison pour la violer". Et d’inviter ceux qui seraient trop excités par ce genre de tenues à "ne pas aller à l’étranger".
Le notable Mangoy Leleke, lui, n’en démord pas. Il se plaint en bougonnant que "la personne en mini-jupe n’a pas de problème" avec la justice, et que seul son violeur est inquiété. Au final, que retiendra-t-on de la séance de sensibilisation ? Espoir, 13 ans, qui a pris quelques notes, fait le point : "Pour éviter les violences sexuelles, on peut éviter les mini-jupes"… Quant à Nzele, 23 ans, décolleté généreux, elle fulmine : "En jupe, en pagne, en pantalon… on peut te violer ! Les garçons te laissent comme ça, avec tes habits en morceaux… Je connais une fille violée qui portait un pantalon slim. Les gens parlent seulement de la mini-jupe, mais ce n’est pas ça ! Le problème, ce sont les pensées des hommes !"
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Habibou Bangré, à Buburu
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