ONU : des Casques bleus pour donner une chance à la paix en Centrafrique
Mgr. Dieudonné Nzapalainga est archevêque de Bangui, et l’Imam Omar Kobine Layama est président de la Communauté islamique de la République centrafricaine.
L’arrivée des soldats français a beau avoir ralenti l’effusion de sang, une présence onusienne de maintien de la paix de plus longue durée est nécessaire pour assurer la paix dans notre pays.
Alors que nous sommes nombreux à préparer les fêtes de fin d’année, notre pays, la République centrafricaine (RCA), que la plupart des habitants de la planète auraient du mal à situer sur la carte, reste au bord d’une guerre aux aspects religieux. Plus de deux millions de personnes, soit près de la moitié de la population du pays, ont désespérément besoin d’aide. À l’heure où nous écrivons, près de 40 000 personnes sont entassées dans l’enceinte de l’aéroport de Bangui, la capitale, sans abri ni toilettes. Des centaines de personnes ont été tuées, certains d’entre eux des patients qu’on a fait sortir de force des hôpitaux pour les exécuter. Le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon s’est dit "gravement préoccupé par le danger imminent d’atrocités de masse". Nous craignons que faute d’une réponse internationale plus importante, notre pays ne soit condamné aux ténèbres.
En tant que principaux dirigeants religieux des communautés chrétienne et musulmane de notre pays, nous avons conscience qu’il nous incombe de montrer un chemin loin des violences communautaires. Certains de nos confrères, qu’ils soient prêtres ou imams, ont payé le prix ultime pour assumer cette responsabilité, et nous craignons que le pire ne reste encore à venir.
C’est en mars de cette année que les violences ont éclaté, lorsque la Séléka, une coalition de groupes armés peu structurée et composée majoritairement de musulmans, s’est emparée du pouvoir après un coup d’État. Dans les mois qui ont suivi, la Séléka a pillé et tué, déclenchant des attaques de représailles par des groupes d’auto-défense civile, chrétiens pour la plupart. Lorsque les troupes françaises sont arrivées pour tenter de rétablir la sécurité et désarmer tous les groupes armés, l’ancienne milice Séléka s’est mise à fuir vers le Nord, ses membres déguisés en civils. Il existe aujourd’hui un danger bien réel d’effroyables représailles contre des musulmans ordinaires qui se retrouvent dans une situation précaire et sont susceptibles d’être visés par des actes de vengeance.
En réponse à cette crise, nous avons crée une plateforme interconfessionnelle dont l’objectif est d’apaiser les tensions et empêcher l’aggravation des divisions et du chaos. Le conflit dans notre pays n’est pas en soi un conflit entre musulmans et chrétiens, c’est une crise humanitaire grave provoquée par une instabilité politique et militaire chronique. Mais, si rien n’est fait, la crise pourrait enclencher sa propre dynamique irrépressible, et dangereuse. Nous nous sommes rendus aux quatre coins du pays, dans des centaines de villages, nous entretenons avec de nombreux Centrafricains pour leur transmettre un message de paix et de réconciliation qui leur offre une vision alternative au carnage. Lors de nos déplacements, qui n’ont été possibles que grâce à la protection de soldats africains, nous avons été témoins de la peur omniprésente que ressent tout un chacun.
On retrouve chaque jour des corps sans vie le long des routes ou dans les buissons ; nous avons rencontré des personnes si pressées de fuir qu’elles ne pouvaient même pas enterrer leurs enfants.
On retrouve chaque jour des corps sans vie le long des routes ou dans les buissons ; nous avons rencontré des personnes si pressées de fuir qu’elles ne pouvaient même pas enterrer leurs enfants. Si les forces françaises et africaines ont donné à notre pays la possibilité d’amorcer un nouveau départ, les progrès réalisés sont fragiles, et les troupes ne sauraient porter ce fardeau à elles seules. En autorisant le déploiement de troupes supplémentaires dans notre pays, la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU votée ce mois-ci nous a redonné espoir. Cependant, seule une force onusienne de maintien de la paix disposera des ressources nécessaires pour protéger nos civils de manière satisfaisante. L’ONU devrait de toute urgence convenir d’envoyer sur place une telle force.
Lors de nos rencontres avec le président Hollande et Laurent Fabius ainsi qu’avec l’ambassadrice américaine à l’ONU, Samantha Power, nous leur avons expliqué que la sécurité que conférerait une force de maintien de la paix onusienne nous permettrait de sauvegarder l’avenir de notre pays. Grâce à l’aide des Casques bleus de l’ONU pour sécuriser nos routes et nos habitations, l’acheminement d’une aide et de vaccins pourrait éliminer le sentiment de peur en le remplaçant par un espoir, et s’avérer un véritable dividende de la paix propre à unir notre peuple. Un engagement de l’ONU à l’égard de notre pays nous permettra de nous concentrer sur le rétablissement d’une coexistence entre nos communautés.
La réconciliation et la paix sont possibles. Nous sommes tous les deux nés dans un climat de tolérance. Nous avons toujours eu pour habitude de célébrer et de respecter les différentes religions ; Noël et le Ramadan sont des jours fériés. Il nous faut reconstruire aussi bien notre pays que notre tissu social, et nous comptons sur l’ONU pour nous en donner la possibilité. La paix n’a pas de prix ; nous espérons que la communauté internationale nous aidera à l’obtenir.
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