Abdoulaye Wade : le poil à gratter revient !

Depuis qu’il a perdu l’élection présidentielle, l’octogénaire Sénégalais joue les spectres vengeurs depuis l’étranger. Mais depuis peu, il se rapproche progressivement du Sénégal…

L’oeil de Glez. © Glez

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Publié le 20 décembre 2013 Lecture : 4 minutes.

"Il revient et il n’est pas content". La sentence barre souvent les affiches des séries B américaines qui trônent sur les façades des dernières salles de cinéma sénégalaises. Mais en ce mois de décembre 2013, ce n’est ni Chuck Norris, ni Arnold Schwarzenegger qui s’apprête à en découdre avec de sempiternels adversaires. S’il a quitté la politique comme "Schwarzy", celui dont le retour retient l’attention des Sénégalais ressemble moins à Terminator qu’à Gollum, le personnage chauve et voûté du Seigneur des Anneaux…

Si Abdoulaye Wade a reconnu sa défaite dès le soir du deuxième tour du scrutin présidentiel, le 25 mars 2012, le "cheval de retour" ne semble pas avoir digéré l’arrivée au pouvoir de celui qui fut l’un de ses poulains. L’ancien avocat n’a manifestement pas fini de régler ses comptes. Mais la vengeance n’est-elle pas un plat qui se mange moins chaud que le tieboudienne ? Même s’il s’apprête à fêter ses 88 ans, l’ex-président prend son temps avant de monter au front contre le pouvoir actuel ; et avant de l’affronter, yeux dans les yeux, au Sénégal. Interprétant le rôle du prétendu retraité dans sa villa de Versailles, "Gorgui" n’en a pas oublié de téléguider autant que faire se peut son ancienne formation politique, le Parti démocratique sénégalais (PDS). Et s’il n’a pas encore remis les pieds au pays de la Teranga, il tournoie en spirale autour de Dakar, comme un oiseau de proie qui attend que trébuche le zébu Macky Sall qu’il n’a pas su terrasser dans les urnes. D’Europe où il réside depuis un an et demi, de Dubaï où il a ouvert un cabinet dénommé "Wade international consulting", et maintenant d’Afrique de l’Ouest, il jette des pavés de plus en plus gros dans la marre politique sénégalaise, profitant de l’altitude que lui confère son statut d’ancien chef d’État.

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En ce début de semaine, Abdoulaye Wade faisait un retour remarqué sur le continent africain. Invité de l’Amicale des jeunes juristes africains, mardi et mercredi, dans un grand hôtel d’Abidjan, l’ex-président sénégalais a donné une conférence intitulée "Le jeune avocat africain au service du développement de l’Afrique". Si l’on considère qu’on a davantage l’âge de ses artères que celui d’une pile de calendriers, le vieil avocat peut s’exprimer au nom de la jeunesse…

Karim n’a rien fait et un jour, il sera innocenté

Si sa visite en Côte d’Ivoire était qualifiée de "privée", il ne s’est pas privé de rencontrer une délégation venue de Dakar, aréopage notamment composé de membres du PDS. L’occasion faisant le larron – ou est-ce le larron qui a suscité l’occasion ? –, papa Wade a certainement échangé avec les Ivoiriens sur la situation de son fiston. Car c’est bien le dossier de Karim Wade, sous mandat de dépôt pour présumé détournement depuis le mois d’avril, qui constitue l’accroche du pugilat annoncé entre Macky Sall et son prédécesseur. Et c’est bien le président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, qui avait été présenté comme un éventuel médiateur dans cette affaire.

Le rhéteur sénégalais sait bien ménager les "off" et les "in". Peu a filtré de son programme privé en Eburnie. Mais beaucoup de bile a été déversée devant la presse. Sur les ondes de Radio France internationale, et pour la première fois, Wade s’est prononcé sans nuances sur l’incarcération de son fils qu’il présente comme la manifestation d’une chasse aux sorcières : "Karim n’a rien fait et un jour, il sera innocenté. Pour lui, c’est une affaire purement politique". Un point, un trait. Pour "Gorgui", qui a lui-même goûté au cachot, le fait d’être rejeton de président serait moins, en Afrique, une aubaine qu’un "délit". Les sommes incriminées dans cette affaire, déposées à Monaco, appartiendraient au père et non au fils. Et d’ailleurs, l’ancien président s’amuse en affirmant que les poches de Karim Wade et de Macky Sall ont été remplies par les mêmes "fonds politiques" du précédent régime.

Agacé, le gouvernement sénégalais, par la voix de son secrétaire général Seydou Guèye a indiqué que l’ancien président voulait "toujours être la tour de contrôle de la vie politique du Sénégal". Alors à quand le combat Sall-Wade dans une arène de laamb, la lutte traditionnelle sénégalaise ? "Gorgui" sait que la guerre des nerfs est déterminante avant d’en découdre dans la poussière. Bien qu’il ait maintes fois annoncé son retour au pays, et qu’il ait répété, à Abidjan, qu’il avait " la nostalgie du Sénégal", il ne devrait pas revenir à Dakar avant le Magal, la commémoration du départ au Gabon d’Ahmadou Bamba, le fondateur de la confrérie mouride. Fin décembre, célébrera-t-on à la fois un départ en exil et un retour d’exil ? Peut-être Abdoulaye Wade annoncera-t-il sa candidature à la présidentielle de 2017… 

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Damien Glez

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