Algérie : la bataille des « soft drinks » fait rage

Le marché algérien des boissons sans alcool ne connaît pas la crise. Les producteurs rivalisent d’ingéniosité et ne manquent pas d’idées… pétillantes !

Le limonadier Hamoud Boualem, à Alger, s’est diversifié dans les jus de fruit et l’eau de source. © Samir Sid

Le limonadier Hamoud Boualem, à Alger, s’est diversifié dans les jus de fruit et l’eau de source. © Samir Sid

Publié le 27 septembre 2013 Lecture : 4 minutes.

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Agro-industrie : un potentiel en jachère

Sommaire

La scène se déroule en 2009, à Toudja (160 km à l’est d’Alger), une ville célèbre pour son eau minérale. Rafik, la trentaine, se rend à son cybercafé habituel. Mais une fois sur place, il découvre une unité d’embouteillage de jus, installée aussi vite qu’elle allait disparaître les semaines suivantes ! Ce type d’entreprise locale aux normes douteuses a longtemps caractérisé une industrie des boissons dont la croissance ne se dément pas. Dans un rapport publié en juin, l’Association des producteurs algériens de boissons (Apab) estime cette dernière à 14 % en 2012, celle des jus et de l’eau étant plus forte que celle des sodas. Mais le nombre d’entreprises du secteur est passé de 1 400 en 2005 à 695 l’an dernier – pour environ 300 marques -, en raison de la disparition des petits acteurs saisonniers, actifs notamment durant le ramadan.

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Marché

Qui sont les leaders ?

Ils sont une vingtaine à s’accaparer 99 % du marché. Coca-Cola, représenté par Fruital (détenu majoritairement par l’espagnol Cobega) et par le français Castel (via la Société des boissons de l’Ouest algérien et Skikda Bottling Company), domine le segment des sodas. Suivent Hamoud Boualem, limonadier local créé en 1889, et Pepsi, via Atlas Bottling Corporation (groupe Mehri). La photo est moins nette pour les marchés des jus et de l’eau, plus fragmentés et accessibles aux nouveaux entrants. En juillet 2012, NCA-Rouiba, Vitajus et Fruital (qui distribue Minute Maid) ont ainsi vu débarquer une nouvelle marque, Judor, commercialisée par le groupe Castel. Hamoud Boualem, qui s’était lancé deux ans plus tôt dans les jus, a acquis en 2011 deux eaux de source. Le leader de ce segment, Ifri, est aussi présent dans les « eaux fruitées » et les sodas. À ces acteurs s’ajoutent les groupes Cevital Agro, Sim et Yaïci, qui ont repris depuis 2005 les actifs d’entreprises publiques dans les jus et l’eau.

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Nouvelles saveurs, jus lactés, boissons énergisantes… Les goûts sont toujours plus variés.

Capacités

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Produire toujours plus

Pour faire face à la demande, les producteurs accroissent leurs capacités. « En 2012, notre usine a tourné à 80 % de ses capacités. Certaines unités étaient à flux tendu, incapables de satisfaire la demande », indique Sahbi Othmani, directeur général de NCA-Rouiba, qui a inauguré cette année deux lignes de production – l’une de bouteilles en plastique PET, l’autre pour des emballages Tetra Pak – et fait deux demandes de terrains, à Sétif et dans l’Oranie, le mètre carré dans la zone industrielle de Rouiba (à l’est d’Alger) étant cédé à un prix prohibitif pouvant atteindre 700 euros. Hamoud Boualem, qui affirme tourner à 100 % de sa capacité sur son site d’Alger, où les transporteurs rencontrent les pires difficultés de circulation, pourrait déménager dès cette année dans sa nouvelle usine de Boufarik, à 35 km de la capitale. De même, « Fruital cherche désespérément un terrain dans l’Algérois, et Mami [jus et sodas] va s’étendre sur son site de Sétif », selon un consultant spécialiste du secteur.

softdrinks-algerie infoMarketing

Tous azimuts

Dans cet environnement compétitif, « le marketing ne concerne plus seulement les leaders de chaque segment », affirme notre expert. « Ramy, créé en 2005, est très agressif sur les coûts et la publicité, et on le trouve partout, poursuit-il. Les effets bénéfiques pour la santé sont plus souvent mis en avant, mais parfois dans des communications mensongères vantant des produits naturels, alors que seuls NCA-Rouiba et Vitajus offrent des boissons 100 % pur fruit. » Parmi les rares entreprises à communiquer leurs chiffres, NCA-Rouiba, entré à la Bourse d’Alger cette année, a dépensé en 2012 quelque 3,5 % de son chiffre d’affaires (lequel s’est élevé à environ 55 millions d’euros) en marketing, contre 2,6 % en 2011 ; une part qui devrait atteindre 4,5 % de 2013 à 2017. Environ 30 % de ces frais sont destinés à maintenir la présence et la visibilité de la marque, « des facteurs de compétitivité déterminants dans un pays qui compte 70 000 points de vente, dont 90 % d’épiceries », souligne Sahbi Othmani. La concurrence se joue aussi sur les goûts, toujours plus variés (nouvelles saveurs, jus lactés, boissons énergisantes…), et sur les contenants : le plastique l’a emporté sur le verre, synonyme de consignes, dont les grandes surfaces ne s’embarrassent plus. Hamoud Boualem espère ainsi doubler sa production d’embouteillage PET.

Export

Cap au sud Bien qu’occupés à satisfaire la demande algérienne, les producteurs accélèrent leur croissance à l’export. Celle-ci est surtout tirée par la diaspora, notamment en France. Mais l’Afrique subsaharienne, où Fruital exporte dans une dizaine de pays, est de plus en plus perçue comme un débouché. L’entreprise Mami, qui écoule ses produits au Sénégal, au Niger et au Burkina Faso, réalise 3 % de son chiffre d’affaires à l’export. NCA-Rouiba, qui ambitionne de s’allier à un partenaire industriel au Maroc et d’être « leader au Maghreb dans dix ans », travaille à la réalisation d’une plateforme de distribution à Dakar et réfléchit à la transformation sur place de produits locaux comme la mangue.

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