Cameroun : guerre de succession au sein de Chanas Assurances

C’est la guerre à la tête de la compagnie camerounaise Chanas Assurances, entre fuite de documents et accusations réciproques. En jeu : la succession de la fondatrice, Jacqueline Casalegno, âgée de 86 ans et sans héritier connu.

La société cherche à préserver son leadership national sur la branche dommages. © Kepseu Jean Pierre

La société cherche à préserver son leadership national sur la branche dommages. © Kepseu Jean Pierre

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Publié le 8 septembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Un climat délétère plombe le quotidien chez Chanas Assurances. La faute au conflit qui oppose Jacqueline Casalegno, PDG de la compagnie camerounaise, à ses deux directeurs généraux adjoints, Dominique Pheulpin et Henri Ewele. Dernier épisode en date dans cette guerre de tranchées, une lettre adressée le 19 août par la patronne de Chanas à Ewele, lui demandant des explications au sujet d’un courrier électronique envoyé à certains clients ainsi qu’à la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (Cima, le régulateur régional). Le directeur général adjoint technique y faisait part de son inquiétude face à la dégradation du portefeuille de l’assureur, notamment à la désaffection de gros clients.

En jeu, le contrôle des 35 % de parts qui font de Jacqueline Casalegno l’actionnaire principale

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Dans la même lettre, la fondatrice de la compagnie accuse Dominique Pheulpin, chargé des questions administratives et financières, et Henri Ewele d’avoir déjà fait fuiter, en février, des « états financiers prévisionnels » indiquant un déficit de plus de 3 milliards de F CFA (4,6 millions d’euros) pour l’année 2012. Alors que quelques mois plus tard le commissaire aux comptes a, souligne-t-elle, constaté un résultat d’exploitation positif de plus de 985 millions de F CFA pour le même exercice. Sollicité par Jeune Afrique, Henri Ewele a indiqué qu’il ne fera pas de commentaires avant le conseil d’administration prévu le 13 septembre.

Une meilleure répartition des pouvoirs

Cette rivalité au sein de la direction fait rage depuis fin 2012, après que la Cima, à travers la Commission régionale de contrôle des assurances (CRCA), a demandé une plus grande répartition des pouvoirs entre les dirigeants. Une exigence à laquelle le conseil d’administration a répondu en créant les deux postes de directeur général adjoint. Depuis, la tension n’a cessé de monter. Les principales personnalités du conseil d’administration le désertent. Adolphe Moudiki, administrateur directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH, qui détient 20 % des parts), se fait désormais représenter aux réunions, tandis qu’André Siaka, le directeur général de la Société anonyme des brasseries du Cameroun (SABC) a suspendu sa participation pour des raisons personnelles.

« Il s’agit clairement d’une atmosphère de fin de règne, avec une âpre bataille pour la succession de Jacqueline Casalegno », analyse un concurrent. Créée en 1953, la société d’intermédiation d’assurances Chanas & Privat est devenue assureur en 1999 avec la reprise de l’ancienne Société camerounaise d’assurances (Socar, publique). À 86 ans, sa fondatrice semble « fatiguée », selon l’un de ses détracteurs, mais n’est pas disposée à lâcher le gouvernail. Veuve, sans héritier connu, la Française est observée de près.

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En jeu, le contrôle des 35 % de parts qui font d’elle l’actionnaire principale. Ayant déjà annoncé son départ prochain de la direction générale pour conserver uniquement la présidence du conseil d’administration, elle sait que celui sur qui elle jettera son dévolu pour la remplacer acquerra le statut de successeur putatif. Perçu jusqu’ici comme tel, Martin Abega, arrivé au sein de la compagnie en mars 2012, a déjà fait les frais de la bataille interne. Le conseil d’administration a exigé et obtenu la suppression du poste de secrétaire général qu’il occupait. Désormais, il n’officie qu’en tant que conseiller spécial de la PDG.

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Des failles dans la gouvernance

Cette guerre de succession a éclaté alors même que Chanas est déjà dans le collimateur de la CRCA, qui l’a placé sous la « surveillance permanente » de la Direction nationale des assurances du Cameroun. Les raisons ? Le régulateur a décelé, après une inspection en 2011, des failles dans la gouvernance de la compagnie. Il a notamment jugé que le contrôle interne ne répondait pas aux normes de la profession et a exigé la mise en place d’un plan visant à réduire les frais généraux et l’établissement d’un organigramme clair.

En attendant que ces différents dossiers, qui seront sans doute à l’ordre du jour de la réunion du 13 septembre, se dénouent, Chanas s’efforce de conserver sa première place sur le marché camerounais de l’assurance dommages. Avec un chiffre d’affaires en hausse de 28,2 % en 2012, à 23,3 milliards de F CFA, le groupe a toujours une longueur d’avance sur ses principaux rivaux dans ce domaine, la Société africaine d’assurances et de réassurance (Saar, 14,6 milliards de F CFA en 2012 dans les dommages) et Activa (14,1 milliards de F CFA). Il faut dire que son portefeuille de clients est enviable : SNH, la Société nationale de raffinage (Sonara), Tradex et le transporteur aérien national Camair-Co, entre autres. La compagnie réalise ainsi près de la moitié de ses primes dans les secteurs pétrolier et aérien.

Leader dans l’assurance dommages, Chanas travaille désormais sur la création d’une branche dans l’activité vie, sur laquelle ses principaux concurrents (Allianz, Activa, Axa, Saar) sont déjà présents.

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