Prudence en Tunisie après la désignation du nouveau Premier ministre Mehdi Jomaâ
L’accord arraché à la dernière minute sur le nom du nouveau Premier ministre, Mehdi Jomaâ, a suscité dimanche un mélange de soulagement et d’appréhension en Tunisie.
Mehdi Jomaâ, un ingénieur discret de 51 ans et ministre sortant de l’Industrie, a été désigné samedi 14 décembre au soir pour former un gouvernement d’indépendants et tenter de sortir la Tunisie de la profonde crise politique dans laquelle elle est engluée depuis l’assassinat, le 25 juillet dernier, du député d’opposition Mohamed Brahmi.
L’intéressé ne s’est pas exprimé publiquement depuis sa désignation, à l’issue de deux mois de tractations tendues regroupant 21 partis, dont les islamistes d’Ennahdha qui se sont engagés à quitter le pouvoir. "Mercredi nous allons annoncer la date de prise de fonction du nouveau gouvernement", a indiqué le secrétaire général du syndicat UGTT, Houcine Abassi, principal médiateur de la crise politique.
Malgré l’engagement du Premier ministre islamiste Ali Larayedh à démissionner, de nombreux défis subsistent. Ennahdha a ainsi répété ces dernières semaines que le futur cabinet apolitique, qui doit conduire la Tunisie vers des élections en 2014, ne pourra entrer en fonction que si en parallèle la Constitution, en cours d’élaboration depuis deux ans, et la loi électorale sont adoptées.
La presse prudente
Néanmoins, pour le journal Adhamir, le choix du futur Premier ministre est "un nouvel espoir" pour les Tunisiens. "Le choix de Mehdi Jomaâ montre que notre grand peuple est capable de résoudre ses désaccords via le dialogue", note ce quotidien arabophone. "Enfin le Mehdi attendu est venu", glisse malicieusement le journal Attounsia, usant d’un jeu de mots comparant le prénom du prochain chef de gouvernement au "Messie".
Le quotidien francophone La Presse se montre beaucoup plus prudent. C’est "au terme d’un désespérant marathon émaillé du multiples coups de théâtres et de dérapages", que le dialogue national a abouti "dans la confusion, et avec le retrait ou l’abstention de plusieurs partis, à un choix".
Car, faute de consensus samedi, la question a finalement été soumise au vote des 21 partis représentés aux pourparlers. Une partie de l’opposition – en particulier son principal mouvement Nidaa Tounès, qui a boycotté le vote – a rejeté ce choix. Certains opposants estiment que ce vote sans consensus témoigne du fait que les islamistes ne comptent pas abandonner le pouvoir.
L’opposition dénonce une "erreur"
"Le travail de plusieurs semaines a abouti à un résultat négatif, la Troïka (coalition au pouvoir dominée par les islamistes d’Ennahdha) a répété ses erreurs et a choisi un ministre du gouvernement sortant", a déclaré à la radio Mosaïque FM, Ridha Belhaj, porte-parole de Nidaa Tounès. "C’est vrai que c’est un technocrate, mais tout le monde sait qu’il est proche d’Ennahdha", a-t-il affirmé.
Son parti a d’ailleurs quitté samedi les négociations avant même la désignation de Mehdi Jomaâ. Le chef d’Ennahdha, Rached Ghannouchi s’est de son côté félicité de ce choix, un "succès pour la démocratie en Tunisie (…) le premier pays à avoir connu une révolution et qui sera le première à être un modèle démocratique".
Le futur chef du gouvernement, relativement inconnu du grand public, est un ingénieur sans appartenance partisane déclarée, diplômé de l’École national d’ingénieurs de Tunis en 1988 et titulaire d’un diplôme supérieur de mécanique.
C’est dans ce contexte tendu que la Tunisie s’apprête à célébrer mardi le troisième anniversaire du début de soulèvement populaire. Depuis, le pays a vu se succéder les crises politiques. L’économie, minée par l’instabilité politique, reste anémique. Le futur Premier ministre devra aussi faire face à l’essor de la mouvance jihadiste, accusée de nombreuses attaques.
(Avec AFP)
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