Avec les Sud-Africains sur le cercueil de Mandela

Les Sud-Africains viennent en masse, depuis mardi, se recueillir auprès du corps de Nelson Mandela. Un moment d’intense émotion populaire. Reportage de notre envoyé spécial à Pretoria.

Le cercueil de Nelson Mandela transporté à l’Union Buildings, le 11 décembre 2013, à Pretoria. © Marco Longari/AFP

Le cercueil de Nelson Mandela transporté à l’Union Buildings, le 11 décembre 2013, à Pretoria. © Marco Longari/AFP

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Publié le 12 décembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Une impression étrange s’est dégagée de la cérémonie du stade FNB de Soweto en hommage à Nelson Mandela, mardi 10 décembre. En laissant tant de travées inoccupées, les Sud-Africains avaient-ils été à la hauteur de l’évènement ? Avant même la fin de la cérémonie, et en particulier pendant le discours du président Jacob Zuma, hué, des centaines de participants avaient en outre commencé à quitter l’enceinte.

Il y avait, bien sûr, des explications rationnelles à cette participation relativement faible. D’abord, l’absence de jour férié qui n’a pas permis à tout le monde de se libérer. Une pluie dense, ensuite, qui n’a cessé de se déverser, du matin au soir. Un bon présage, selon la tradition zouloue. Mais aussi un facteur de démobilisation.

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Mais depuis l’arrivée du corps de Nelson Mandela à Union Buildings, siège de la présidence, les Sud-Africains, présents en masse, ont balayé tous les doutes sur leur volonté de rendre hommage au fondateur de la nation Arc-en-ciel. Le 11 décembre, de 12 000 à 14 000 personnes ont ainsi pu se recueillir sur le cercueil, selon les autorités.

Avec sa casquette de base-ball et ses lunettes de soleils, Lwle Château et sa petite famille ont quitté leur maison de Durban à quatre heures du matin dès le premier jour, pour avaler les six heures de route qui les séparaient de Pretoria. En tant que petit chef d’entreprise – comme beaucoup dans la file d’attente -, il a pu prendre sa journée sans problème. Solomon, 36 ans, est aussi son propre patron, ce qui lui a permis d’emmener son fils de 9 ans Marang, en vacances scolaires, pour lui montrer "qui sont ses vrais leaders".

Retrouver notre dossier sur Nelson Mandela, l’Africain du XXe siècle.

 

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Bonne humeur

Dans la file d’attente qui mène aux bus de la municipalité, lesquels assurent le tout dernier transport jusqu’à Union buildings, pas un seul visage blanc n’est visible. La bonne humeur est en revanche de mise pendant la longue attente, comme si la célébration de la vie de Mandela et le frisson de la participation à un évènement historique étaient plus fortes qu’un deuil commencé en réalité bien avant sa mort.

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Avec ses chaussures pointues et son pantalon sans un pli, Itu, 29 ans, courtier pour prêts bancaires a tenu lui aussi à faire partie de la foule pour un dernier hommage à Madiba. "J’étais trop jeune lorsqu’il était président. Et là, c’est ma dernière chance de voir en vrai cet homme qui a changé nos vies".

 

Les files d’attente de Sud-Africains qui veulent rendre hommage à Mandela le 12 décembre 2013 à Pretoria. © AFP

Après quelques trois heures d’attente, l’on peut enfin prendre place à bord du bus, avant d’arriver sur les marches de la présidence. Certains lèvent le poing en l’air, comme Mandela lors de sa libération, en 1990. Il y a encore des sourires sur les visages. Mais ils cèdent la place à un air solennel dès qu’on pénètre dans l’amphithéâtre à ciel ouvert, où le cercueil est posé sous un dais. Notre groupe s’arrête, le temps pour quatre gardes en tenue d’apparat d’effectuer une courte parade militaire.

À cet instant, le vol à basse altitude d’un avion de chasse vient déchirer un épais silence. Puis, c’est le moment de s’élancer vers le cercueil, transparent au niveau du buste et du visage. Chacun n’a que quelques secondes pour observer Madiba, sans s’arrêter de marcher. De sa traditionnelle chemise bariolée noir et or, dépasse un visage inerte et plus blanc que d’habitude. Son éternel sourire n’est plus. Après cette vision, chacun est sous le choc, comme si l’on avait enfin réalisé que le grand homme était parti pour de bon. La foule quitte le bâtiment en silence, les yeux embués de larme.

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Par Pierre Boisselet, envoyé spécial à Pretoria

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