Esther Madudu, sage-femme ougandaise en lice pour le Nobel
Soucieuse de mobiliser la communauté internationale autour de l’objectif n°5 du Millénaire pour le développement, « Améliorer la santé maternelle », l’Association pour la médecine et la recherche en Afrique (Amref) a décidé de présenter une sage-femme ougandaise, Esther Madudu, au prix Nobel de la paix 2015.
"Avant, personne ne portait attention aux sages-femmes en Afrique. Avec moi, les gens ont pris conscience de notre importance". Les quelques bâillements qu’Esther Madudu laisse s’envoler sont les seules marques d’un Paris-Kampala effectué quelques heures plus tôt. Il en faut plus pour lasser l’infatigable l’ambassadrice des sages-femmes africaines, qui vient de s’embarquer dans une nouvelle aventure.
Car sa candidature au prix Nobel de la paix n’est pas, pour elle, un geste symbolique. C’est une mission qu’elle est persuadée de pouvoir remplir : "Je ne suis pas encore très connue, mais il me reste deux ans pour le devenir. Et la vedette, sourit-elle, ce ne sera pas moi, Esther, mais toutes les femmes du continent". Pour convaincre le public de la soutenir, cette mère de trente-trois ans mise sur l’échange tranquille plutôt que sur les grands discours : "En Europe, les gens ne connaissent pas nos conditions de travail, ni l’environnement dans lequel on pratique. Tous ceux à qui je raconte mon histoire sont touchés par notre cause. Il faut donc que je parle, encore et encore !", s’amuse la jeune femme.
L’histoire d’Esther commence le jour où sa grand-mère, accoucheuse traditionnelle, l’autorise à venir voir ce qui se passe derrière la porte de la maison.
L’histoire d’Esther commence le jour où sa grand-mère, accoucheuse traditionnelle, l’autorise à venir voir ce qui se passe derrière la porte de la maison, que franchissent des femmes au ventre rond : "J’avais dix ans, c’était la première fois que j’assistais à un accouchement, raconte Esther. C’est à ce moment que j’ai voulu devenir infirmière. Lorsque j’en ai parlé à ma grand-mère, elle m’a répondu : "tu iras à l’école pour apprendre ce que je ne sais pas". La fillette déménage alors chez son oncle, le seul de la famille qui dispose des ressources suffisantes pour lui payer une scolarité.
Un manque cruel de sages-femmes
Douze ans aujourd’hui qu’elle a obtenu son diplôme de sage-femme. Douze ans qu’elle exerce dans sa région rurale natale, à plus de six heures de route de Kampala. Là où les accouchements se font parfois à la lueur du téléphone portable et où la main qui palpe les ventres remplace le scanner. "C’est sûr, on manque d’équipement, lance Esther. Mais ce qui manque surtout, ce sont des sages-femmes. Nous savons comment arrêter des hémorragies ou prendre en charge des femmes enceintes qui sont atteintes du sida. Ce sont des gestes de base, mais qui sauvent des vies".
L’appel d’Esther Madudu : Formons plus de sages-femmes africaines (2012).
D’ici 2015, l’Amref a pour objectif de former 15 000 sages-femmes sur le continent pour réduire la mortalité maternelle, mais aussi infantile. "Lorsque la mère arrive à pied à l’hôpital, épuisée, le bébé naît fatigué et peine à respirer, explique Esther. L’Amref nous forme à ce genre d’accouchements difficiles, à agir vite avec un masque à oxygène par exemple".
Selon les estimations de l’organisation, Esther aurait déjà sauvé plus de mille vies au cours de sa carrière. La sage-femme se contente d’hausser les épaules : "Voir une mère et son enfant en bonne santé après l’accouchement, c’est ce qui me rend heureuse chaque jour. Je crois que j’ai ça dans le sang". Un don, dirait peut-être sa grand-mère.
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>> À lire aussi : Hitler, Michael Jackson, Chelsea Manning… les dix prix Nobel de la Paix auxquels vous avez échappé
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