Centrafrique : l’opération française « Sangaris » a commencé
L’intervention française a officiellement débuté dans la nuit de jeudi à vendredi alors qu’un calme précaire régnait à Bangui, après une journée de violence qui a fait plus 140 morts. Dans la nuit, des tirs sporadiques d’armes automatiques ont encore été entendus.
L’opération militaire française en Centrafrique "a commencé", a déclaré, vendredi 6 décembre, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Dans la nuit, les forces déjà présentes à Bangui ont multiplié les patrouilles. "Une compagnie est arrivée de Libreville hier soir [avec à son bord le général Francisco Soriano qui commandera l’opération "Sangaris] et aujourd’hui un détachement d’hélicoptères sera sur zone", a précisé le ministre.
À Bangui, la nuit a été calme et au petit matin, les rues étaient totalement vides. Mais les affrontements qui ont eu lieu la veille dans la capitale et à Bossangoa ont sans doute transformé la nature du conflit en République centrafricaine.
>> À lire aussi : Le récit des évènements de jeudi en RCA
Tout a commencé jeudi, aux premières lueurs de la journée. Vers 5 heures 30 (locales, 4 heures 30 TU), des éléments des milices d’autodéfense anti-balakas accompagnés d’ex-Faca (forces armées centrafricaines) opposés au régime tentent d’encercler la capitale. Équipés d’armements modernes et lourds, les assaillants, dont on ignore le nombre, mènent plusieurs attaques coordonnées : les milices d’auto-défense interviennent au PK 12 (12 km au nord de Bangui), les ex-Faca au camp Kassaï (non loin du centre-ville, dans la zone du fleuve) et dans le quartier Boy-Rabe.
Pris par surprise, les ex-Séléka sont d’abord mis en difficultés, perdant pendant un moment le contrôle du camp Kassaï. Les combats, à l’arme lourde et légère, sont violents et font plusieurs victimes des deux côtés. Avec l’arrivée de renforts, les soldats de l’ancienne rébellion reprennent le dessus en fin de matinée alors que 250 soldats français sont déployés dans les rues. Les assaillants se replient dans le nord de Bangui, notamment autour du PK 12.
Au moment où la situation semble se calmer dans la capitale, les anti-balakas attaquent une position des ex-Séléka à Bossangoa (250 km au Nord). Ces derniers, qui viennent d’apprendre la mort à Bangui de leur chef, le général Yaya, se défendent avec leurs armes d’appoint. Les combats durent plusieurs heures, avant que la Séléka ne batte en retraite. Pris entre deux feux, les civils ne doivent leur survie qu’à la bravoure et la réactivité des forces de la Fomac – un soldat de cette force d’Afrique centrale a d’ailleurs été blessé. Depuis, la ville est coupée en deux.
Nouvelle rébellion en formation
Les combats de jeudi marquent un tournant. L’objectif de l’opération menée à Bangui et prévue de longue date n’était pas de prendre la capitale mais bien de lancer un signal fort : une nouvelle rébellion est sur le point de se constituer en Centrafrique. Malgré un rapport de force défavorable, les miliciens anti-balakas et les ex-FACA ont infligé de sérieuses pertes aux ex-Séléka. Plusieurs "généraux" ont ainsi été tués. Pendant un moment, les assaillants ont tenu certains endroits importants de la ville, pillant la villa que le président Michel Djotodia s’est fait construire dans le quartier de Ngaragba.
À Bossangoa, les assaillants, organisés et bien armés ont pris le dessus sur l’ex-Séléka.
Surtout, jamais les violences intercommunautaires n’avaient atteint une telle ampleur. Après avoir attaqué les ex-Séléka, les milices d’autodéfense se sont répandues dans plusieurs quartiers du nord de Bangui (Boy-Rabe, Gobomgo et Fouh) à la recherche de musulmans. Les exécutions sommaires se sont alors multipliées, une mosquée a même été attaquée. Les représailles des forces de la Séléka ont alors débuté, les quartiers ratissés et les pick-up souvent accompagnés par des civils armés de couteaux, de machettes ou de gourdins.
Le bilan provisoire de cette journée d’affrontements est à la hauteur de l’horreur de scènes de violences observées : au moins 140 morts, dont de nombreux civils.
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Par Vincent Duhem
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