Cinéma : Afrique leur Afrique
Belge, britannique ou franco-américain, le cinéma occidental utilise à nouveau les mésaventures africaines comme toile de fond : expatriation désabusée de footballeur du Sud vers le Nord, piraterie au large de la corne du continent ou encore violence urbaine postapartheid. Alerte aux clichés !!
L’Afrique alimente toujours les trames dramaturgiques du cinéma mondial. Déjà, les paysages kenyans ou sierra-léonais avaient nourri la fibre romantique de "Out of Africa", les ressorts comiques des "dieux sont tombés sur la tête", les vertiges tragiques de "The constant garderner" ou le vrai-faux réalisme de "Blood diamond".
Année de Coupe du monde de football oblige, "Les rayures du zèbre" (voir la bande annonce-ci dessous), long-métrage prévu sur les écrans au mois de février 2014, dépeint les mésaventures d’un footballeur africain tentant sa chance en Belgique. Le comédien belge Benoît Poelvoorde avait déjà arpenté le désert africain pour le film "Le Boulet". C’est toujours pour une comédie qu’il est allé sur le continent noir, mais cette fois en Côte d’Ivoire. Il incarne un dénicheur de talents footballistiques qui traverse l’Afrique à la recherche de la poule aux œufs d’or. Dans ce film de Benoit Mariage, le joueur noir Yaya et le coach blanc José sont confrontés à un véritable parcours du combattant avant de rejoindre le Sporting de Charleroi. Le ton résolument burlesque du long métrage, s’il élude largement le débat sur les chimères que l’on fait miroiter aux sportifs du Sud, met à l’abri des poncifs. On ne devrait pas crier au racisme, le personnage occidental, beauf moustachu, n’étant guère à son avantage. En avant-goût des projections, l’affiche du film se joue des clichés pour mieux les renverser. Si le comédien blanc y arbore un casque colonial, c’est bien l’acteur noir qui est fièrement assis sur un trône…
Dans "Capitaine Phillips", peu de place pour la psychologie de pirates somaliens crève-la-faim…
"Les rayures du zèbre" ne devraient donc pas passer à la moulinette critique des garants d’un impérieux réalisme ; à l’inverse de "Capitaine Phillips", film adapté d’une histoire vraie. En portant à l’écran le livre "A Captain’s Duty : Somali Pirates, Navy Seals, and Dangerous Days at Sea", le réalisateur britannique Paul Greengrass entendait "viser l’authenticité". Le long-métrage raconte la prise d’otage de l’équipage du cargo Maersk-Alabama, au large de la Somalie, entre le 8 et le 12 avril 2009. Le parti pris de tourner caméra à l’épaule laisse transparaître cette volonté de "documentariser" la fiction. Mais les critiques de cinéma soulignent que le produit final n’échappe pas aux canons des thrillers hollywoodiens. Peu de place pour la psychologie de pirates somaliens crève-la-faim, anciens pêcheurs devenus chasseurs de rançons pour le compte de seigneurs de guerre. Ni pour le contexte politique général de cette zone forcément présentée comme une jungle aquatique sans foi ni loi.
Pour autant, l’Afrique a-t-elle besoin que la cinématographie des autres filme à ce point ses plaies ? Préférerait-elle qu’elle évite de s’y appesantir ? Cette année déjà, le film "Hijacking" relatait la même prise d’otage. Le réalisateur et producteur français Jacques Perrin travaille également sur un film traitant des actes de piraterie au large de la Somalie…
En cette fin d’année 2013, l’histoire d’un autre long-métrage se déroule en Afrique. "Zulu", du réalisateur français Jérôme Salle, plonge les comédiens Forrest Whitaker et Orlando Bloom dans une Afrique du Sud ultra-violente. Comme dans "Capitaine Phillips", le réalisateur avoue avoir eu la noble intention de faire un film politique et social sur l’Afrique contemporaine. Au final, "Zulu" semble d’abord un thriller policier qui élude la question du pardon, quand il ne la traite pas de façon ambiguë. Cédant aux codes des blockbusters, il enivre le spectateur avec une brutalité jugée "complaisante" par nombre de critiques de cinéma. Une violence qui finit par légitimer largement l’auto-justice.
Les films occidentaux prenant comme cadre l’Afrique ne font pas grincer les dents de toutes les mâchoires africaines.
Les décors africains ne sont-ils que des faire-valoir pour scénarios occidentaux fantasmagoriques ? Si les films aux ingrédients africains ne jettent pas toujours un regard profond sur l’Afrique, c’est aussi qu’ils dépeignent parfois prioritairement l’Occident lui-même. En décrivant le traitement subi par la Vénus hottentote, le dérangeant "Vénus noire" n’intentait-il pas un procès à la société européenne du XIXe siècle ?
Au final, en 2013, les films occidentaux prenant comme cadre l’Afrique ne font pas grincer les dents de toutes les mâchoires africaines. "Mandela : Long Walk to Freedom", le film biographique où Nelson Mandela est incarné par le comédien britannique Idris Elba, est un succès populaire en Afrique du Sud. Même si les critiques, eux, se sont montrés frileux face à un film jugé hagiographique.
Le cinéma africain rend-il au cinéma occidental la monnaie de sa pièce ? Les "Blancs" sont, eux aussi, abondamment caricaturés dans les productions audiovisuelles africaines. Quoique dans "Moi et mon Blanc", le film du cinéaste burkinabè Pierre Yaméogo, le plus ridicule des deux personnages principaux n’est pas forcément celui qu’on croit…
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Damien Glez
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