De Mogadiscio à « Capitaine Phillips », le rêve hollywoodien de Barkhad Abdi
Barkhad Abdi, acteur américain d’origine somalienne, débute fort au cinéma aux côtés de Tom Hanks dans la super-production « Capitaine Phillips », sortie le 20 novembre en France. Portrait et interview de la nouvelle coqueluche d’Hollywood, donné favori pour l’Oscar du meilleur second rôle…
Adolescent, Barkhad Abdi avait adoré Tom Hanks dans le film "Forrest Gump". À l’époque, il était loin d’imaginer qu’il se retrouverait un jour sur un plateau de tournage, avec son idole. À l’affiche du nouveau blockbuster "Capitaine Philipps", sorti en France le 20 novembre dernier, l’acteur américain d’origine somalienne est devenu en quelques semaines la nouvelle coqueluche d’Hollywood. A l’écran, il joue Abduwali Abdukhadir Muse, le chef de pirates somaliens qui prend en otage le capitaine d’un cargo, incarné par Tom Hanks. À 28 ans, l’acteur est déjà pressenti comme l’un des favoris pour l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle.
Au départ, le cinéma était pourtant loin d’être une vocation. "Je n’ai jamais étudié la comédie ni vraiment envisagé sérieusement de devenir acteur. J’étais à la maison, devant la télé avec des amis quand nous avons vu l’annonce pour le casting, sur une chaîne locale. Ils recherchaient des acteurs somaliens. J’ai postulé comme ça, en me disant que je n’avais certainement aucune chance". Barkhad est finalement choisi parmi plus d’un millier de candidats.
Un énième rebondissement dans la vie de ce jeune immigré, arrivé aux États-Unis à 14 ans, et habitué aux tours que lui a joué jusqu’à présent le destin. À l’époque du casting, Barkhad Abdi est chauffeur de taxis et de limousines à Minneapolis. "J’ai rapidement dû arrêter mes études, car je n’avais pas assez d’argent pour payer les droits de scolarité. J’ai ensuite enchaîné les petits boulots".
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Barkhad est né à Mogadiscio en 1985. Son père est enseignant au Yémen et revient l’été, pendant les vacances scolaires. Il a 7 ans, en 1991, quand la guerre éclate. "Je me rappelle du premier cadavre que j’ai vu, des coups de feu qui résonnaient dans la nuit, de cette femme, violée. Notre voisinage qui était plutôt calme, s’est métamorphosé d’un coup avec la guerre. Nous sommes alors partis rejoindre mon père au Yémen". Là-bas, la transition n’est pas facile. "Nous étions les seules personnes noires d’un tout petit village. Il a fallu que nous apprenions l’arabe".
Venir aux États-Unis signifiait que j’allais enfin avoir une vie plus stable, (…) tourner définitivement la page de la guerre.
Quelques années plus tard, sa famille gagne la carte verte à la loterie américaine. Direction Minneapolis, dans le Minnesota. "C’était la première fois que je voyais de la neige !" se souvient-il. Barkhad Abdi ne parle pas un mot d’anglais. C’est en regardant les épisodes de la série "Seinfeld" qu’il rattrape son retard. "Les relations avec la communauté afro-américaine n’étaient pas simples au début. Nous sommes arrivés en même temps que de nombreux autres immigrants somaliens (Minneapolis possède la plus importante communauté somalienne aux Etats-Unis, environ 14 000 personnes, NDLR). On nous regardait avec curiosité car nous étions différents. Parfois, des bagarres éclataient avec les gamins du quartier, sur les terrains de basket. Mais rien de grave, des histoires de gosses", relativise-t-il, estimant qu’il a eu de la chance. "Venir aux États-Unis signifiait que j’allais enfin avoir une vie plus stable, aller à l’école, devenir quelqu’un, tourner définitivement la page de la guerre".
Bande annonce du film "Capitaine Phillips".
Jouer aux côtés de Tom Hanks n’a pas été une mince affaire. "Le réalisateur m’a tenu à l’écart le plus longtemps possible pour que je ne sois pas intimidé. J’ai pu apprendre à nager, à manier une arme, dans le calme, sans jamais le rencontrer. Au final, je crois que c’était une bonne idée, car cela s’est très bien passé. Sans cela, j’aurais été bien trop stressé !".
Le succès ne lui fait en tous cas pas tourner la tête : "Je ne me considère pas comme une célébrité" explique-t-il, modeste. "Mais j’envisage de déménager à Los Angeles et j’ai pris un agent là-bas : j’ai vraiment très envie de continuer à jouer".
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