Hael Al Fahoum : « Pour la Palestine, le statut d’État membre de l’ONU n’est plus très loin »

L’ambassadeur de Palestine en France, Hael al Fahoum, répond aux questions de Jeune Afrique à l’occasion de l’anniversaire de l’accession de son pays au rang d’État non-membre observateur. Il y a un an, le 29 novembre 2012,  la diplomatie palestinienne remportait une victoire importante. Douze mois après, quelles ont été les avancées ? La Palestine a-t-elle vraiment profité de son nouveau statut ? Interview.

Hael Al Fahoum, ambassadeur de Palestine en France. © DR

Hael Al Fahoum, ambassadeur de Palestine en France. © DR

MATHIEU-OLIVIER_2024

Publié le 28 novembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Jeune Afrique : Vous avez obtenu le statut d’État non membre observateur à l’ONU, il y a tout juste un an. Cela a-t-il bouleversé la diplomatie palestinienne ?

Hael Al Fahoum : Ça dépasse la diplomatie. C’est d’abord la renaissance de l’identité palestinienne et le début de l’effondrement de toute une stratégie basée sur la négation du peuple palestinien, menée par tous les gouvernements israéliens. Bien sûr, cela a affecté de façon extrêmement positive la diplomatie palestinienne : maintenant nous sommes traités en tant que représentants d’État. Un État occupé mais un État. Auparavant, tout le monde se demandait comment on pouvait aider la Palestine. Mais aujourd’hui, il y a un début de tendance sur la scène internationale, surtout en Europe, pour dépasser cette phase d’aide et on commence à voir la Palestine comme un État partenaire qui est un élément indispensable dans la sécurité internationale.

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Certains observateurs estiment pourtant que votre nouveau statut a été un frein dans le processus de paix.

Je crois qu’ils jouent un jeu extrêmement négatif. C’est une stratégie suicidaire. Les dirigeants israéliens ont été atteints d’une myopie qui les a empêchés de voir la réalité en face. Cette réalité, c’est le peuple palestinien. À mon avis, la meilleure garantie de stabilité dans la région du Proche Orient, c’est l’État palestinien dans ses frontières de 1967. Il faut mettre en place un mécanisme d’action et pas de paroles ou de discours. Ce qui s’est passé il y a un an à l’ONU, c’est le début de ce mécanisme.

Avec ce statut, vous aviez acquis le droit d’intégrer une soixantaine d’organisations internationales. Cela a-t-il servi de moyen de pression sur Israël ?

Non, ce n’est pas une tactique. Nous avons une vision stratégique basée sur les intérêts de tous. Il faut avancer pour l’intérêt des Palestiniens, des Israéliens, du monde arabe, des États-Unis, de l’Europe… On voit que la stratégie de complot contre l’existence du peuple palestinien commence à s’effondrer. Aujourd’hui, nous travaillons pour développer un partenariat direct, d’égal à égal, une stratégie de coopération et de jumelage, notamment avec les représentants des pays européens. Ce sont ces gens-là qui représentent vraiment quelque chose, qui voient en la Palestine une porte d’entrée pour développer leur propre futur. Ce qu’il faut voir, c’est que la Palestine représente à leurs yeux un atout pour la stabilité. Cela manquait dans le passé.

Nous travaillons pour développer un partenariat direct, d’égal à égal.

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La Palestine a voté en tant qu’État pour la première fois, le 18 novembre, pour la désignation d’un juge au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Est-ce un pas de plus vers un statut d’État-membre de l’ONU à part entière ?

Cela signifie que la Palestine est en train de s’intégrer à la communauté internationale. Le statut d’État-membre n’est plus très loin. Les grandes puissances ont les moyens de faire pression, de faire comprendre aux dirigeants israéliens la réalité qu’ils ne veulent pas voir. Le problème, c’est que, dès qu’il y a un accord entre les grandes puissances sur la Palestine, les Israéliens se vengent des Palestiniens en annonçant la construction de nouvelles colonies ou en détruisant les champs d’oliviers des fermiers palestiniens. Cela se passe sous les yeux de l’armée israélienne. On a besoin d’action et pas de condamnations ni de paroles. Il faut dire aux dirigeants israéliens : "ça suffit".

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Vous avez désormais la possibilité d’intégrer la Cour pénale internationale. Pensez-vous à saisir la justice internationale ?

Pour le moment, nous nous sommes engagés à entrer sérieusement dans des négociations de fond pendant neuf mois. C’est une promesse que nous avons donnée à la communauté internationale et nous irons jusqu’au bout. Mais, si à la fin du neuvième mois, les Israéliens font tout pour détruire les opportunités de paix réelle, toutes les portes seront ouvertes, sans exception.

Israël a déjà été visé par un avis de la Cour internationale de justice, qui estimait le mur de séparation illégale. Cela n’a pas été suivi d’effet…

Quelqu’un qui se considère au-dessus de la loi est un hors la loi. Soit il y a une justice pour tout le monde, soit tout ça est inutile. Si les grandes puissances continuent à subventionner ce gouvernement extrémiste israélien, c’est qu’elles ne sont pas crédibles et qu’elles entretiennent un grand mensonge.

François Hollande était en visite au Proche-Orient récemment. Qu’avez-vous pensé de ce voyage ?

La visite a été extrêmement positive, notamment lors du discours du président au parlement israélien, puisqu’il a demandé l’arrêt des constructions dans les colonies. Cela a montré l’intérêt de la France pour la paix au Proche-Orient et surtout pour accélérer les démarches pour un État de Palestine dans ses frontières de 1967. Nous considérons la France comme une locomotive pour l’ensemble des pays européens. Son rôle est extrêmement important en Europe et autour de la Méditerranée où nous avons des intérêts communs.

Nous considérons la France comme une locomotive pour l’ensemble des pays européens.

Les Israéliens ont, eux aussi, trouvé la visite positive…

Tant mieux ! S’ils sont d’accord avec le discours de François Hollande, qui a parlé de Jérusalem comme capitale pour les deux États, qui a dit qu’il fallait accélérer la reconnaissance d’un État palestinien dans ses frontières de 1967, qu’il fallait geler le processus de colonisation, c’est très bien. Mais, si c’est le cas, qu’ils agissent ! Qu’ils gèlent la colonisation, ce serait un geste très important.

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Propos recueillis par Mathieu OLIVIER

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