Éthiopie : concours de ventres !
Qui a dit que les Éthiopiens étaient efflanqués à force de disettes et de marathons ? Loin de la caricature des années 1980, les ressortissants de la vallée de l’Omo organisent un concours de ventres. Pendant ce temps, l’obésité se répand en Afrique, entre parti pris esthétique et séquelles de la malnutrition…
Les Bodi vivent dans le sud-ouest de l’Éthiopie. Chaque année, à l’approche du festival dénommé "Kael", ils cultivent leur embonpoint, soignent leur corpulence, surveillent leurs rondeurs. Un gros ventre est un tel signe extérieur de richesse que chaque enfant rêve de devenir ventru. Au moment où le festival approche, le simple goût du prestige fait place à une ambition… dévorante. Un concours très prisé donne lieu à une cérémonie particulièrement suivie. Le célibataire dont le ventre sera élu deviendra le héros de la communauté. Alors les hommes entreprennent une course aux bourrelets, parfois six mois avant l’élection…
Le célibataire dont le ventre sera élu deviendra le héros de la communauté.
Chaque famille a son poulain – ou son bourrin, c’est selon – et s’investit corps et âme. Le candidat est isolé dans une hutte, gavé en continu, principalement avec un mélange de lait et de sang de ruminant. Le régime grossissant n’a rien d’alléchant mais la bedaine, ça se mérite ! À force de discipline, le marathonien du tour de taille grossit tellement qu’il a du mal à marcher, le jour de la finale. Ce jour-là, essoufflé, chacun parade comme un coq obèse, pendant des heures, autour d’un arbre sacré. Le "roi de beauté" désigné, il se "laissera aller" rapidement. Comme un footballeur professionnel prend du poids après les compétitions, un beau Bodi bedonnant en perd rapidement. Heureusement pour sa santé. Mais sa célébrité n’est pas appelée, elle, à fondre au soleil. Sa réputation d’élu corpulent devrait le suivre jusqu’à la fin de son existence. "Je panse donc je suis" ?…
L’adiposité n’est plus le (triste) privilège des sociétés industrialisées. Les spécialistes de la santé savent que l’obésité n’est plus une "maladie de riches". Si l’Afrique s’enorgueillit d’avoir largement résisté à l’impérialisme alimentaire des fast-foods à l’américaine, elle n’échappe pas à la malbouffe et son cortège d’effets secondaires, parmi lesquels le surpoids. Le continent noir connaît, lui aussi, une transition nutritionnelle mal (di)gérée. Dès le début des années 2010, l’Organisation mondiale de la santé mettait en garde contre le spectre de l’obésité dans les pays du Sud. L’épidémie mondiale touche 300 millions de personnes. En Afrique, un tiers des femmes et un quart des hommes seraient en surpoids. Et la jeunesse du continent n’est pas, sur ce point, un atout : le nombre des obèses âgés de moins de 5 ans est passé de 4 millions en 1990 à 13,5 millions en 2010.
>> À lire aussi "Niger-RDC : deux exemples des ravages de la malnutrition en Afrique"
Le continent noir connaît, lui aussi, une transition nutritionnelle mal (di)gérée.
Le péril adipeux est d’autant plus alarmant que les courbes généreuses font partie des canons de beauté, davantage en Afrique qu’en Occident. Quand des Européennes se ruinent en liposuccions, des Africaines rembourrent leur culotte avec quelque boule de tissus. Suivant un procédé moins inoffensif, certaines se gavent, parfois de lait de chamelle, parfois de produits chimiques. Certaines ne rechignent pas à ingurgiter des produits à base de cortisone ou de psychotropes, souvent destinés à engraisser le bétail. Au nord, on scrute avec angoisse l’arrivée de la "culotte de cheval". Au sud, on se désespère lorsque tardent à poindre les "pistolets". D’autant plus que dans certaines régions d’Afrique, une femme maigre suscite des rumeurs de maladie ou suggère que son époux ne l’entretient pas comme il faut. Aux ventres, citoyens !
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