Centrafrique : les enjeux de l’intervention française

Avec l’envoi imminent d’environ 800 hommes supplémentaires, c’est près de 1 200 soldats français qui seront déployés en Centrafrique. Ils interviendront en soutien à la Misca, après l’adoption d’une résolution des Nations unies début décembre, pour mettre fin aux violations des droits de l’homme et rétablir l’ordre dans le pays. Les détails de ce que l’on sait, en cinq questions-réponses.

Un militaire à l’aéroport international de Bangui. © Sylvain Cherkaoui pour J.A.

Un militaire à l’aéroport international de Bangui. © Sylvain Cherkaoui pour J.A.

VINCENT-DUHEM_2024

Publié le 27 novembre 2013 Lecture : 5 minutes.

Mis à jour le 28/11 à 18h

Malgré quelques réticences initiales de l’état-major des armées, la France a finalement décidé de renforcer sa présence militaire en Centrafrique et d’apporter son soutien à la mise place de la Misca (la Mission internationale de soutien à la RCA).

  • Pourquoi intervenir ?
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Pour trois raisons. La première est sécuritaire. Si les termes de "génocide" ou de "pré-génocide" ne sont pas appropriés à la situation en Centrafrique, les craintes de voir les affrontements et exactions à caractère confessionnel se multiplier sont bien réelles. En somme, le statu quo n’est pas envisageable.

Ensuite parce qu’en dehors des pays d’Afrique centrale, la France est la seule nation prête à le faire. Indifférence et lassitude caractérisent en général les réactions des puissances occidentales face à la crise centrafricaine.

Enfin, l’engagement entérine le retour, aperçu avec l’intervention au Mali, de la France en Afrique. Une stratégie confirmée par la tenue du sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité qui aura lieu les 6 et 7 décembre à Paris.

  • Quel calendrier ?

Les troupes françaises se déploieront après l’adoption d’une nouvelle résolution par le Conseil de sécurité de l’ONU, où des discussions sur la Centrafrique ont eu lieu lundi 25 novembre. Un premier texte, rédigé par la France, a été communiqué aux 15 pays membres, à l’Union africaine (UA) et à la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac). Les retours des uns et des autres doivent y être intégrés avant que la résolution ne soit adoptée, sans doute le 4 décembre (la France prend, au début du mois, la présidence du Conseil de sécurité).

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Le texte prévoit de doter la Misca et la France d’un mandat robuste, sous chapitre 7 de la charte de l’ONU, qui autorise l’emploi de la force. La force africaine sera également soutenue financièrement par le biais d’un fond de concours. Les États-Unis et l’Union européenne ont déjà promis d’y participer : 40 millions de dollars côté américain, 60 millions d’euros pour les Européens, ce qui devrait permettre de financer les opérations pendant six mois. La résolution pourrait également inclure un embargo sur les armes à destination de la Centrafrique.

En parallèle, le Conseil de sécurité devrait demander à Ban Ki-moon, le secrétaire général, de présenter dans les trois mois à venir un concept d’opération de maintien de la paix à plus long terme. Ce dernier y est favorable, mais les États-Unis s’y opposent pour le moment.

  • Quels effectifs ?
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Interrogé par les médias français, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a évoqué un déploiement "de l’ordre d’un millier de soldats (…) pour une période de six mois". Imprécise, la formulation peut prêter à confusion. Selon nos informations, entre 700 et 800 militaires supplémentaires vont être dépêchés sur place, ce qui portera le contingent français à un peu plus de 1 200 hommes (450 soldats sécurisent déjà l’aéroport international de Bangui dans le cadre de l’opération Boali). Des hommes et du matériel ont déjà été acheminés.

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Une réserve opérationnelle de 300 soldats a quitté Toulon le 16 novembre, à bord du bâtiment de projection et de commandement Dixmude. Il a fait plusieurs escales (Abidjan, Dakar) avant d’arriver le 28 novembre à Douala, la France disposant au Cameroun d’une mission de coopération militaire et de défense. Dans le même temps, les troupes stationnées dans la sous-région, notamment celles de la base des Forces françaises au Gabon et du dispositif Épervier au Tchad, vont être mises à contribution.

  • Quels objectifs ?

La France espère que son intervention sera "ponctuelle" et "ciblée". En premier lieu, les renforts pareront à l’urgence : sécuriser Bangui et les deux principaux axes routiers au nord, qui mènent vers le Cameroun et le Tchad. Le premier, vital pour l’économie centrafricaine, est contrôlé par les ex-rebelles de la Séléka qui y ont établi des dizaines de barrages illégaux et prélèvent des taxes. Il faudra donc neutraliser ces groupes armés. Reste à définir l’ennemi, car en provinces, les exactions sont commises par les ex-rebelles comme par les anti-balakas, ces groupes d’autodéfense soutenus par des déserteurs de l’armée restés fidèles à l’ancien président, François Bozizé. Avec, en filigrane, la question de savoir si la France et l’UA viennent ici prêter main forte à un régime en perdition qui ne contrôle plus rien, ou le mettre sous tutelle.

Deuxième interrogation : les troupes françaises s’aventureront-elles plus à l’est du pays, dans cet hinterland abandonné par l’État ? Ou laisseront-elles la Misca s’y déployer ?

  • Quelles relations avec la Misca ?

Officiellement, l’armée française sera une "force de relais". Elle viendra soutenir, pendant au moins six mois, la mise en place de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca). Celle-ci succédera officiellement, le 19 décembre, à la Fomac (la force multinationale de l’Afrique centrale) dont les éléments (environ 2 600) constitueront le socle. Ses effectifs pourraient rapidement dépasser les 3 650 hommes initialement prévus. À lui tout seul, le Burundi ne devrait pas dépêcher 450 mais 800 soldats sur le terrain – des militaires dont le déploiement et l’équipement vont être financièrement pris en charge par le Congo-Brazzaville. Le Rwanda s’est lui aussi dit prêt à envoyer des troupes, malgré les réticences de la RDC.

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L’équipe dirigeante de la Misca sera exclusivement composée de personnalités issues des pays de la sous-région. Le général congolais Jean-Marie Michel Mokoko en sera le chef. Il assurera le rôle de représentant spécial de l’UA en RCA. Chef d’état-major des armées à la fin des années 1980, conseiller spécial auprès du chef de l’État congolais Denis Sassou Nguesso, Mokoko est un bon connaisseur des opérations de paix. Le commandement militaire sera, lui, assuré par le général camerounais Martin Tumenta Chomu. Natif du nord-ouest anglophone, ce diplômé de l’école militaire interarmées (Emia) a été l’un des acteurs de la libération, en avril, de la famille française Moulin-Fournier, enlevée sur une route de l’extrême-nord du Cameroun par un groupe se revendiquant de Boko Haram. Enfin, un Gabonais, le colonel Patrice Ostangue Bengone, a été nommé chef de la composante police de la Misca.

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Par Vincent Duhem

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