RDC : JB M’Piana au Zénith de Paris, un concert sous haute tension
Des groupes d’opposants congolais de la diaspora, qui se font appeler les « combattants », interdisent depuis 2009 tout spectacle d’artistes de la RDC en Europe. Une « sanction » politique que brave JB M’Piana en programmant son concert le 21 décembre au Zénith de Paris. L’événement enflamme les réseaux sociaux.
C’est l’effervescence dans le milieu des Congolais de la diaspora. Depuis l’annonce du concert de l’artiste musicien de la RDC JB M’Piana dans la salle de Zénith de Paris, programmé pour le 21 décembre, l’agitation est à son comble. D’un côté, les "combattants", ces opposants radicaux anti-Kabila, investissent les réseaux sociaux pour annoncer qu’ils empêcheront par tous les moyens la tenue du spectacle, et de l’autre, des groupes de fans qui appellent au "retour de la musique congolaise" à Paris.
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Depuis bientôt quatre ans, les "combattants" se sont arrogé le droit d’interdire tout concert des musiciens congolais en Europe, aux États-Unis, voire en Afrique du Sud. Ils les accusent d’être des "collabo" du pouvoir en place à Kinshasa. "Nous reprochons notamment à JB M’Piana comme aux autres artistes de la RDC d’avoir chanté pour Joseph Kabila" lors de la dernière présidentielle" en 2011, explique Anderson, qui a lancé un site internet dédié au "combat".
La chanson de JB M’piana pour Joseph Kabila lors de la campagne électorale de 2011.
Très hostiles à Joseph Kabila, les "combattants" soupçonnent déjà le président congolais d’avoir "financé" le concert de JB M’Piana au Zénith de Paris. Même s’ils ne présentent aucune preuve de leurs allégations. "Nous sommes prêts à tout pour empêcher le retour de ces distractions au moment où notre pays est encore occupé, des morts se comptent par millions, des femmes continuent à être violées par des groupes armés", argumente Anderson. Et sur Youtube, ses "compagnons de lutte" annoncent déjà la couleur. Les menaces, les appels à la violence se multiplient…
Mobilisation et réservations des places d’autocars des combattants de Belgique pour le concert ya JB Mpiana http://t.co/rLYZy3GRTn
— banamikili (@banamikili) 21 Novembre 2013
Appel à l’apaisement
Claude Alain, producteur du concert, prend au sérieux ces " intimidations", mais assure que des "dispositions sécuritaires exceptionnelles" ont été prises pour garantir la sécurité de spectateurs. "Début novembre, nous avons eu une réunion avec la préfecture de police et la Mairie de 19e arrondissement autour de la question", confie-t-il, soulignant que "de la gare du Nord au lieu du spectacle, la sécurité sera assurée".
Il s’agit d’un concert humanitaire dont les bénéfices seront versés aux associations congolaises qui s’occupent des personnes vulnérables.
Roger Ngandu, manager de Wenge Musica Bcbg
Du côté de JB M’Piana, on multiplie des gestes d’apaisement pour tenter de calmer les esprits. L’artiste est passé début octobre à Paris pour demander "pardon" aux "combattants". "Il est temps que cette sanction, qui n’a que trop duré, cesse. Nos frères ‘combattants’ ne doivent plus continuer ainsi à étouffer la musique congolaise", lâche Roger Ngandu, le manager de l’artiste. Et d’ajouter : "D’autant plus que JB M’Piana a promis de ne plus chanter pour les politiciens". Pour prouver sa bonne foi, "l’artiste ne touchera pas de cachet pour le spectacle du 21 décembre", soutient Roger Ngandu. "Il s’agit d’un concert humanitaire dont les bénéfices seront versés aux associations congolaises qui s’occupent des personnes vulnérables à Kinshasa et à celles qui prennent en charge des victimes des violences sexuelles dans le Kivu", détaille Roger Ngandu.
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En espérant que le message sera entendu, les musiciens poursuivent leurs séances de répétition à Kalina, dans la commune de La Gombe, au centre-ville de Kinshasa. "JB M’Piana et son orchestre Wenge musica travaillent, du lundi à dimanche, pour pouvoir présenter un spectacle époustouflant aux mélomanes qui répondront présents au Zénith", commente William dit Bcbg, le chargé de communication du groupe.
Avec l’appui financier de sponsors, notamment une société brassicole locale, le spectacle sera diffusé en direct sur la télévision nationale congolaise. Une façon de fêter le retour de la musique congolaise sur la scène parisienne. Même si, sur place, au Zénith, l’affluence risque de ne pas être au rendez-vous. "Tout ce climat de tensions autour du concert aura réussi à terroriser le public. Beaucoup de parents déconseilleront sans doute à leurs enfants de s’y rendre", analyse Roger Musandji du site Œil d’Afrique, qui suit de près l’évolution de la situation.
"Même devant 100 personnes, le concert aura lieu, martèle-t-on néanmoins du côté de Wenge musica Bcbg. Ne plus jouer en Europe constitue un manque à gagner énorme pour les artistes musiciens congolais". De fait, aucune star congolaise ne s’est produite à Paris depuis le dernier concert de Fally Ipupa dans la même salle du Zénith, qui avait été très fortement perturbé par les combattants. C’était en 2011…
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Par Trésor Kibangula
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