L’Angola est-il islamophobe ? Retour sur un malentendu…

La rumeur d’une interdiction de l’islam en Angola a provoqué de la colère dans une partie du monde musulman. Un emballement qui a pour toile de fond les difficultés de la communauté musulmane dans ce pays de tradition catholique.

L’Angola a été contraint de démentir toute interdiction du culte musulman. © DR

L’Angola a été contraint de démentir toute interdiction du culte musulman. © DR

Publié le 26 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Il n’aura fallu qu’une petite phrase pour enflammer le monde musulman. Tout est parti d’une malheureuse déclaration de la ministre angolaise de la Culture, Rosa Cruz e Silva. "Toutes les sectes qui figurent dans la liste publiée par le ministère de la Justice dans le Journal d’Angola [officiel, NDLR] sont interdites d’exercer leur culte et, par conséquent, elles doivent fermer leurs portes", a-t-elle indiqué, le 19 novembre dernier, lors de discussions au Parlement.

La ministre faisait référence à une liste de 194 organisations religieuses ayant vu leur demande de légalisation rejetée. Parmi elles, des églises évangéliques, pentecôtistes, des sectes, mais aussi – d’où le malentendu –  une organisation musulmane, la Communauté islamique d’Angola. Une traduction approximative de la phrase rapportée par Angop, l’agence de presse angolaise officielle, avec un peu d’emballement, et voici l’interdiction de l’islam proclamée !

La décision de l’Angola "est scandaleuse et doit être dénoncée dans les termes les plus vifs", a réagi l’Organisation de la coopération islamique (OCI).

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Depuis le début de la semaine, la pseudo information fait le buzz, reprise par des sites internet dans le monde entier. Les articles sensationnels annonçant que Luanda a interdit la pratique de l’islam sur son territoire se multiplient. Seul problème : tout est faux. Mais les critiques se déchaînent contre l’Angola. La décision du pays lusophone "est scandaleuse et doit être dénoncée dans les termes les plus vifs", a ainsi réagi depuis l’Arabie Saoudite l’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui compte 57 membres.

Destructions de mosquées

Un incroyable pataquès qui a pour toile de fond les difficultés que rencontre ces derniers mois la communauté musulmane angolaise. Son représentant, David Ja, un ancien catholique converti à l’islam et devenu imam, dénonce des fermetures et même des destructions de mosquées. "Au niveau national, neuf mosquées ont été fermées par le gouvernement ces derniers mois et certaines ont même été détruites, comme dans la province de Moxico (est) au début du mois de septembre", déplore-t-il, soulignant que ces incidents se poursuivent encore à l’heure actuelle.

Les autorités expliquent que les destructions sont légitimes, les mosquées n’ayant pas sollicité de permis de construire ou d’autres documents administratifs obligatoires.

"À chaque fois, on ne nous donne aucune raison et nos tentatives de sollicitations des autorités locales comme nationales sont restées sans réponse", ajoute cet Angolais qui préside la Communauté islamique d’Angola depuis 2005. Les autorités expliquent, elles, que ces destructions sont légitimes, les mosquées n’ayant pas sollicité de permis de construire ou d’autres documents administratifs obligatoires. Mais pour beaucoup d’observateurs, elles sont liées à une réticence générale vis-à-vis de l’islam, très souvent associé à l’extrémisme et au terrorisme.

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"Pas de guerre de religion"

Reste que Luanda a été contrainte de démentir toute interdiction du culte musulman. "Il n’y a pas en Angola une guerre contre la religion musulmane ni contre aucune autre religion", a annoncé un membre du ministère de la Culture, alors que la ministre était en déplacement en Espagne. Certes, l’organisation musulmane a vu sa demande d’autorisation rejetée. "Mais nous n’en sommes pas à prendre des mesures comme fermer des lieux de cultes, nous sommes dans une phase de discussions avec les institutions religieuses pour travailler à leur légalisation", a insisté Manuel Fernando, directeur de l’Institut national des affaires religieuses.

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Dans la pratique, aucune des 194 congrégations religieuses ne semble avoir cessé ses activités, faisant valoir la liberté de religion inscrite dans la Constitution. C’est en tout cas l’argument mis en avant par David Ja, qui ne compte pas fermer les portes de ses mosquées. Et ce dernier de déplorer l’absence de soutien de la part des autres religions du pays.

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Par Estelle Maussion, à Luanda

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