Racisme anti-Blancs : « toubabs » vs « bougnoules »

C’est reparti pour un tour. La concurrence des mémoires semble avoir cédé la place, pour un temps, à la compétition des racismes contemporains. Et voilà les traditionnels « anti-anti-racistes », pourfendeurs du soi-disant « politiquement correct », qui relancent le débat du « racisme anti-Blancs ». Celui-ci serait non seulement dénié mais foisonnant.

La dénonciation du racisme anti-Blancs a-t-il pour but de nuire à l’anti-racisme « classique » ? © Glez/J.A.

La dénonciation du racisme anti-Blancs a-t-il pour but de nuire à l’anti-racisme « classique » ? © Glez/J.A.

Publié le 25 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

En octobre 2012, un Jean-François Copé en campagne pour le poste de président de l’UMP déroulait l’abracadabrantesque affaire d’un pain au chocolat franchouillard arraché des mains d’un élève affamé à la sortie de l’école. L’histoire rocambolesque se serait déroulée tout à la fois en plein jeûne estival du ramadan et en pleines vacances scolaires. Un an plus tard, le même Copé affirme que le "péril raciste" est "un écran de fumée".

En juin dernier, c’était l’issue du procès d’Arnaud Djender qui, aux dires des dénonciateurs du racisme anti-Blancs, apportait de l’eau à leur moulin. Mais si les témoins de l’agression de Terence Cheval, en septembre 2010, affirmaient que le condamné avait traité sa victime de "sale Blanc", le tribunal correctionnel ne retint pas la circonstance aggravante de racisme.

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Pour certains, la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) aurait été gênée aux entournures, car essentiellement habilitée, selon eux, à dénoncer un "racisme structurel" procédant de la domination des Blancs sur les Arabes, les Noirs et autres populations. Or Djender, blanc de peau, a lui-même des origines berbères…

Le hashtag #déliredebabtou enfonce le clou de vieux clichés sur les visages pâles.

En ce mois de novembre où résonnent encore les insultes "bananières" envers la ministre française Christiane Taubira, les "anti-racistes-anti-Blancs" alimentent leur démonstration avec les gamineries du réseau Twitter. Le hashtag #déliredebabtou enfonce le clou de vieux clichés sur les visages pâles. Difficile de ne pas esquisser un léger sourire devant cette photographie d’un Blanc cravaté esquissant sur une piste de danse des pas délurés, typiques de celui qui s’échine à s’intégrer dans une soirée africaine ; même au prix d’un zèle contreproductif. Après tout, en 1992, personne ne s’était sérieusement déclaré offusqué par ce film "Les blancs ne savent pas sauter.

D’ailleurs, tarte à la crème pour tarte à la crème, on pourrait ironiser sur le fait que dénoncer le manque de rythme du Blanc, c’est déjà, en creux, affubler le Noir du cliché de bon danseur qui, forcément, a "ça dans le sang". Faut-il pour autant être choqué que l’on associe aux "gens sans couleurs" la pratique "du vélo en famille tous les matins" ou le goût des "ballerines" ? Ne faut-il pas y voir de joyeux clashs destinés à déminer humoristiquement les tensions interraciales ?

Cris d’orfraie

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La comédienne française Véronique Genest, elle, s’improvise à nouveau linguiste. Après avoir décortiqué l’adjectif "islamophobe" pour mieux assumer une naïve peur de l’islam, elle s’est arrêtée sur le mot "toubab" dont le verlan a inspiré la formulation du hashtag précité. Selon elle, il est curieux qu’on n’en dénonce pas l’emploi, alors que des cris d’orfraie accompagnent la moindre utilisation du terme "bougnoule" dont elle rappelle qu’il signifie "qui est noir", conformément à son étymologie wolof.

Peut-être faudrait-il identifier le piège qui consiste à ne mettre à l’index une expression discriminatoire que pour mieux anesthésier la lutte contre une autre, symétrique.

Séparer le bon grain potache de l’ivraie raciste relève du casse-tête chinois (sans faire du racisme anti-asiatiques). Sans doute pourrait-on déceler dans quelque pédoncule cérébral un racisme anti-Blancs, même peu conceptualisé. Peut-être pourrait-on voir dans ses expressions les plus anodines une simple réaction à un racisme anti-Noirs historiquement ancré dans les sociétés postcoloniales. Sans doute est-il légitime de ne banaliser aucune forme de racisme, quand bien même l’une serait aussi populiste que minoritaire. Peut-être faudrait-il tout de même identifier le piège qui consiste à ne mettre à l’index une expression discriminatoire que pour mieux anesthésier la lutte contre une autre, symétrique.

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Finalement, au moment de dénoncer les "anti-anti-racistes" sans cautionner à l’excès les "anti-anti-anti-racistes", ne serait-il pas plus simple de rappeler que suite à la publication du séquençage du génome humain, de nombreux penseurs concluaient, en 2010, que les races n’existaient pas, les humanoïdes de toutes couleurs partageant 99,99% d’un même code génétique ? Code génétique hérité, soit dit en passant, d’un aïeul vraisemblablement africain.

On n’a jamais autant parlé de racisme que depuis la remise en cause de la notion de race…

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Par Damien Glez

 

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