Anne-Sophie Simpere : au Niger, « la France doit pousser Areva à négocier dans la transparence »

Entretien avec Anne-Sophie Simpere, auteure d’une enquête sur les avantages dont bénéficie Areva au Niger pour l’exploitation des mines d’uranium.

La mine d’Areva à Arlit au Niger. © AFP

La mine d’Areva à Arlit au Niger. © AFP

Publié le 22 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Alors que le gouvernement nigérien et Areva négocient dans le plus grand secret les termes des nouvelles conventions relatives aux mines d’uranium exploitées par l’entreprise française au nord du Niger, les organisations non gouvernementales Oxfam et Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (Rotab) publient, vendredi 22 novembre, une note d’information qui lève le voile sur les avantages dont bénéficie Areva dans ce pays et appelle à "rééquilibrer" ce partenariat historique. Explications avec l’auteure de cette enquête, Anne-Sophie Simpere.

Jeune Afrique : Vous dénoncez une grande "opacité" dans les négociations actuelles entre le Niger et Areva. Pourquoi ?

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Anne-Sophie Simpere : Parce qu’il est très difficile d’avoir des informations sur les termes des négociations, sur le calendrier, sur les participants… On travaille avec le Rotab au Niger, qui souhaite que les termes des prochaines conventions fassent l’objet d’un débat au Parlement, mais d’un débat avant leur signature, pas après. Areva n’a répondu à aucune de nos demandes de rendez-vous.

>> À lire : Oxfam et Rotab dénoncent l’opacité des renégociations avec Areva

Avez-vous eu connaissance de l’audit réalisé par un cabinet indépendant sur les mines d’Areva au Niger ?

Nous savons que cet audit a été décidé d’un commun accord par les actionnaires, qu’il a été réalisé par le cabinet Bearing Point, et qu’il devait être remis le 31 octobre et présenté au comité de négociations – dont on ne connaît pas précisément la composition, d’ailleurs. Nous savons aussi qu’il ne sera pas rendu public. C’est dommage car beaucoup de rumeurs courent sur la rentabilité des mines d’Areva et sur les exonérations fiscales dont bénéficie l’entreprise.

De nombreuses institutions estiment que la législation nigérienne offre trop d’exonérations fiscales pour les investisseurs, notamment miniers.

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Justement, ces exonérations, vous les jugez disproportionnées…

Nous ne sommes pas les seuls. De nombreuses institutions (le FMI, la Banque mondiale, l’Union européenne) estiment que la législation nigérienne offre trop d’exonérations fiscales pour les investisseurs, notamment miniers. Dans le cas d’Areva, cela se justifie d’autant moins que cette entreprise est au Niger depuis plus de quarante ans. On ne peut pas parler d’un nouvel investisseur.

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>> À lire aussi : Des centaines de manifestants contre Areva dans le nord du Niger

Vous estimez aussi que dans ces négociations, "la France a un rôle à jouer". Lequel ?

La France se présente comme un champion de la transparence dans les industries extractives. Et l’État français est actionnaire à plus de 80% d’Areva. Il serait cohérent que le gouvernement pousse Areva à mener des négociations dans la plus grande transparence.

Les menaces d’Areva ne sont sans aucune mesure avec la réalité.

Vous parlez également d’une "occasion historique". Pourquoi ?

D’abord parce que ce sont des contrats sur le long terme qui sont en train d’être négociés. Les derniers portaient sur dix ans. Cela nous renverrait donc à 2023 pour de nouvelles négociations. Ensuite parce que le contexte général est favorable. Une loi sur la transparence des industries extractives, la loi Dodd-Franck, a été votée aux États-Unis. Une directive a été adoptée par l’Union européenne. On parle de plus en plus de transparence. En outre, il y a au Niger une société civile très active sur ce sujet, et une Constitution qui exige que tous les nouveaux contrats de ce type soient publiés au Journal officiel. On peut espérer que le déséquilibre entre Areva, dont le chiffre d’affaires dépassait les 9 milliards d’euros en 2012, et le Niger, dont le budget annuel est de 2 milliards d’euros, soit résorbé.

En coulisses, Areva dit : "si nos filiales nigériennes sont plus taxées, elles risquent de ne pas pouvoir le supporter". Qu’en pensez-vous ?

J’ai du mal à imaginer qu’elles soient en danger. Le Niger est le deuxième fournisseur d’Areva en uranium derrière le Kazakhstan. C’est un pays clé pour cette entreprise qui se porte très bien si l’on en croit les données qu’elle communiqué à ses actionnaires. Ce raisonnement est en outre étonnant : cela signifie que la fiscalité n’est pas intégrée dans le modèle économique de ces entreprises… Les menaces d’Areva ne sont sans aucune mesure avec la réalité.
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Propos recueillis par Rémi Carayol

 

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