Algérie – Burkina : qui sont les primates ?
Entre le Burkina Faso et l’Algérie, la tension monte à l’approche de la confrontation décisive pour la participation au Mondial 2014. En témoigne le déferlement des propos racistes sur les réseaux sociaux.
Les Étalons du Burkina, inattendus vice-champions d’Afrique 2013, se sentent pousser des ailes. D’abord distancés lors des premiers matchs éliminatoires pour la phase finale du Mondial 2014, les voilà qui se rêvent petits poucets des prochaines festivités footballistiques brésiliennes. Après avoir battu, à Ouagadoudou, le 12 octobre, les Fennecs d’Algérie trois buts à deux, ils ne sont qu’à un galop de la qualification. Le dénouement aura lieu ce mardi 19 novembre à Blida. Match retour et moment de vérité pour les coéquipiers du longiligne Jonathan Pitroipa, meilleur joueur de la dernière Coupe d’Afrique des Nations.
Pour s’acclimater aux températures nord-africaines, les canassons du Faso viennent d’effectuer un stage à Casablanca. Mais il y a des “climats” auxquels on ne peut s’habituer…
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C’est une ambiance délétère qui a accompagné le match aller. L’aigreur – légitime ou non – de supporteurs algériens très critiques à l’égard de l’arbitrage du Zambien Janny Sikazhue a viré au lynchage raciste. Et comme de bien entendu, le réseau Twitter s’est fait le réceptacle du fiel de ces hooligans du verbe. "Il faut enlever les arbitres noirs. Ils ont eu leur diplôme dans un mafé", ironisait un "twittos" qui avait la fausse bonne idée de préciser "je ne suis pas raciste". Et les dérapages de dévier – tout naturellement – de la cible de "l’homme en noir" vers tous les hommes noirs du "pays des Hommes intègres". Florilège : "Burkinabè, peuple de soumis, Inch’Allah, j’irai fouetter un par un vos ancêtres, bande de gros macaques", "J’espère que l’Algérie va bouffer ces nègres" ou encore "L’entraîneur du Burkina, il leur à promis du poulet à ces singes, c’est sûr". Le match retour s’annoncerait comme "le feu" pour cette "bande de primates"…
La Fédération de football du Burkina Faso a décidé qu’elle n’enverra en Algérie aucun des 1 500 supporteurs initialement prévus, pour ne pas les "exposer".
Rendons grâce à l’inventeur de Twitter qui a limité les messages à 140 signes. Ces vomissures fleuries ont l’avantage d’être concises. Heureusement, car leur virulence anesthésie l’excuse de la spontanéité et leur manque d’esprit celle du second degré.
En concertation avec le ministre burkinabè des Sports et des Loisirs, la fédération de football du Burkina Faso l’a compris, elle qui a pris une décision aussi cruelle pour les amoureux du ballon rond que lourde de conséquences pour le mental des joueurs : elle n’enverra en Algérie aucun des 1500 supporters initialement prévus, pour ne pas les "exposer". Les rendez-vous de la convivialité sportive sont-ils donc devenus les théâtres de conflagrations guerrières ? Le souvenir d’un match de barrage opposant l’Algérie à l’Égypte a refroidi les ardeurs des organisateurs. La quête de qualification au Mondial 2010 s’était achevée en pugilat…
>> Lire l’interview de Noureddine Kourichi, sélectionneur adjoint des Fennecs : "l’Algérie doit battre le Burkina Faso à la loyale"
C’est à se demander si les "primates" amateurs de "bananes" ne sont pas, en fait, dans les gradins. Les enjeux du sport-roi, à ce niveau ultime, méritent-ils pareils vociférations ? Pourquoi la confrontation entre supporteurs blancs et joueurs noirs attise-t-elle toujours de telles passions, sur les pelouses africaines comme dans les stades italiens ? Le fossé est-il toujours aussi profond entre une Afrique revendiquée "noire" et un Maghreb qui oublie qu’il est africain ? Au-delà du football, le récent documentaire "Algérie, un transit vers nulle part" dépeignait le calvaire vécu par les réfugiés subsahariens dans le quartier Bouchbouk de la capitale algérienne.
Pour l’heure, entre l’acquisition des fumigènes, la lessive des drapeaux, les révisions des klaxons et la répétition des youyous, les supporteurs algériens se préparent. À un match cordial ou à une corrida ? Réponse mardi.
Par Damien Glez.
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