France : les insultes envers Taubira se poursuivent, le Premier ministre saisit la justice
En traitant en une la ministre de la Justice, Christiane Taubira, de singe, l’hebdomadaire d’extrême droite « Minute » a suscité mardi l’indignation générale en France. Face à cette nouvelle attaque raciste contre la garde des Sceaux, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a saisi le procureur de la République de Paris.
"Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane". Avec sa nouvelle une raciste du mercredi 13 novembre, l’hebdomadaire d’extrême droite Minute, surfant sur les insultes à caractère racial qui ont récemment visé Christiane Taubira, a suscité une importante polémique en France.
Dans la soirée, Matignon a annoncé que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait saisi le procureur de la République de Paris en portant à connaissance "ces faits susceptibles de constituer l’infraction d’injure publique à caractère racial". Un peu plus tôt, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, avait affirmé que le gouvernement étudiait "les moyens d’agir contre la diffusion" du journal, à paraître mercredi. "Nous ne pouvons pas laisser passer cela", a-t-il déclaré en marge d’un colloque à l’Assemblée nationale sur les réponses à apporter face à la montée du Front national. Christiane Taubira, présente au même colloque, n’a pas souhaité réagir. La chancellerie avait exclu un peu plus tôt d’engager des poursuites.
Minute file la métaphore simiesque dans ses pages intérieures : "Ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire la grimace". Le site internet de l’hebdomadaire n’était plus accessible depuis la mi-journée, en raison, selon Minute, d’un "piratage".
Cela n’a pas empêché l’indignation de monter dans la classe politique. Sur Twitter, le premier secrétaire du Parti socialiste, Harlem Désir, a dénoncé une "ignoble une" et la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine a critiqué des "propos honteux et nauséabonds". "Ils n’ont donc pas de limites. C’est même à ça qu’on les reconnaît. Pas une #Minute à perdre. Les nazes en cage", a également twitté Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de gauche.
Plainte de SOS Racisme
À l’Assemblée, le chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, a appelé la société à faire "rempart contre ces extrémismes" et le député de l’Union pour la majorité présidentielle (UMP-opposition), Éric Ciotti, a dénoncé "une dérive". Quant aux anonymes, nombreux ont réclamé sur la toile "un procès" contre l’hebdomadaire, taclant une "couverture abjecte", "à vomir", "honteuse", "du papier toilette"…
"Vu la nature extrêmement personnelle de l’atteinte subie, Christiane Taubira serait la seule habilitée à agir en urgence devant le juge des référés pour obtenir les mesures de réparation appropriées", a expliqué Laurent Merlet, avocat spécialiste en droit de la presse. Minute pourrait toutefois avoir à répondre sur le fond. Qualifiant cette couverture d’"absolument intolérable et abjecte", SOS Racisme a annoncé son intention de porter plainte pour incitation à la haine raciale.
"Si des associations veulent le monter en sauce, c’est leur problème (…) Nous trouvons que c’est indécent, il y a plein d’autres problèmes dans ce pays", a réagi la porte-parole de Minute, Hélène Valette. "Nous assumons cette une, c’est satirique, personne ne s’offusque des unes de Charlie Hebdo", a-t-elle ajouté. Sur le même mode, l’article consacré à Christiane Taubira qualifie de "non événement" les précédentes attaques contre la ministre guyanaise.
Nombreuses attaques racistes
Mi-octobre, cette dernière a été comparée à un singe sur la page Facebook d’une candidate du FN aux municipales, écartée depuis par le parti d’extrême droite, puis insultée par des enfants aux mots de "la guenon mange ta banane" en marge d’une manifestation contre le mariage homosexuel. Lors d’une manifestation de catholiques intégristes, un abbé avait aussi lancé "Ya bon Banania, Ya pas bon Taubira". La phrase "Allo Taubira, T’as la banane ?" a également été taguée sur un local du PS en Saône-et-Loire.
La garde des Sceaux avait dénoncé la semaine dernière une "attaque au coeur de la République" mais avait exclu tout dépôt de plainte. Elle avait aussi déploré des réactions "pas à la mesure", provoquant en retour une vague de soutiens dans la classe politique et au sommet de l’État.
Créé en 1962, Minute a soutenu le Front national dans les années 70. Mais le FN a récemment pris ses distances, en particulier depuis janvier, quand le journal avait fait sa couverture sur un supposé lobby gay dans le parti. Marine Le Pen avait alors qualifié le journal de "torchon".
(Avec AFP)
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