En Tunisie, le temps passe mais la crise politique perdure

L’incertitude était totale mardi, en Tunisie, sur les possibilités de sortie de la profonde crise politique dans laquelle le pays est enfoncé depuis plusieurs mois. Les islamistes d’Ennahdha au pouvoir et leurs opposants se rejettent la responsabilité de l’échec des pourparlers pour désigner un nouveau Premier ministre.

Le leader du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, le 4 novembre 2013 à Tunis. © AFP

Le leader du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, le 4 novembre 2013 à Tunis. © AFP

Publié le 5 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

La Tunisie est dans l’impasse et ne semble pas prête à en sortir. Même les médiateurs de la crise politique – le syndicat UGTT, le patronat Utica, la Ligue des droits de l’homme et l’Ordre des avocats – qui ont annoncé lundi la suspension sine die du "dialogue national" après 10 jours de négociations, n’étaient en mesure d’apporter des éléments de réponse sur le blocage persistant entre Ennahdha et opposants à propos de la nomination d’un chef de gouvernement indépendant.

Le secrétaire général de l’UGTT, Houcine Abassi, a simplement évoqué la possibilité d’écarter les partis politiques de la sélection du futur Premier ministre. "Si les partis n’arrivent pas à un consensus, nous assumerons notre responsabilité et présenterons les noms de personnes que nous estimons capables", a-t-il dit, sans plus de précisions.

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Tout nouveau gouvernement devra, pour entrer en fonction, obtenir le soutien des islamistes et de leurs alliés, majoritaires à la Constituante. Dans la sphère politique, islamistes d’Ennahdha et opposants s’imputaient la responsabilité de l’impasse. "C’est la responsabilité de ceux (au pouvoir) qui ne veulent pas s’inscrire dans le consensus et sortir de la crise, a dit Béji Caïd Essebsi, chef du parti Nidaa Tounes. La suspension du dialogue ne peut que nous enfoncer dans la crise qui est déjà assez grave".

Atermoiements et "calculs étroits"

Pour Ennahdha, à l’inverse, l’opposition a provoqué le naufrage du dialogue national en refusant le seul candidat valable à ses yeux : Ahmed Mestiri, 88 ans, ministre puis opposant au père de l’indépendance Habib Bourguiba, que ses détracteurs jugent trop vieux et trop faible. "Nous ne voyons aucun motif au refus de choix de M. Mestiri. C’est du devoir de la Troïka (coalition au pouvoir) de ne céder le pouvoir qu’à une personnalité connue pour son indépendance", a jugé le chef d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, sur Mosaïque FM. Le leader islamiste a néanmoins minimisé la gravité de l’échec du dialogue : "Le dialogue national a été suspendu (…) Il va reprendre à un moment ou un autre car le pays en a besoin désespérément".

Pour la presse, les deux camps sont à blâmer. "Les pourparlers ont révélé une crise qui s’ajoute aux autres crises politiques, économiques et sociales… C’est la crise de la domination de l’intérêt partisan au détriment de l’intérêt national", fustige le journal Assabah. De son côté, le quotidien Le Temps conspue "les atermoiements et les calculs étroits" alors que les Tunisiens vont "au lit taraudés par les soucis et le spectre d’un avenir incertain". "Le peuple peut patienter un peu face à l’immaturité et les désaccords des politiciens mais il ne permettra jamais de mettre en péril l’avenir du pays", met également en garde Assabah.

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Prolongation de l’état d’urgence

La suspension du dialogue national intervient alors que la Tunisie est confrontée à l’essor de la menace jihadiste. Les violences avec les islamistes armés ont culminé en octobre avec la mort de neuf policiers et gendarmes et deux attentats ratés, qui, pour la première fois, ont visé des sites touristiques. La présidence a décidé dimanche le prolongement de huit mois, jusqu’à fin juin 2014, de l’état d’urgence en vigueur depuis la révolution de 2011.

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Près de trois ans après la chute de Ben Ali, le pays n’est toujours pas doté d’institutions stables faute de Constitution et de législation électorale, deux enjeux auquel le dialogue national était aussi censé trouver des solutions.

Ennahdha et ses alliés, majoritaires à la Constituante, ont besoin du vote d’une partie de l’opposition pour permettre l’adoption de la loi fondamentale sans passer par un référendum. Arrivés au pouvoir en octobre 2011, les islamistes ont été considérablement affaiblis par la multiplication des crises politiques, les assassinats de deux opposants, les heurts avec les jihadistes, les faiblesses de l’économie et les polémiques sur leurs tentatives supposées "d’islamiser" la société ou de juguler la liberté d’expression.

(Avec AFP)

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