Le Père Fouettard et les épouvantails blancs

Le vrai Père Noël, c’est lui : Saint-Nicolas dont le nom néerlandais "Sinterklaas" est devenu, aux États-Unis, "Santa Claus". Si "petit Papa Noël", embauché par la société de consommation, s’est calé sur la supposée naissance de Jésus-Christ pour apporter des présents au milieu de l’hiver, c’est toujours la veille du 6 décembre que Saint-Nicolas, depuis le XVIe siècle, distribue ses cadeaux aux enfants sages ; essentiellement dans certaines régions des Pays-Bas, de Belgique et de France.

Si cette fête désuète attire l’attention en cette année 2013, c’est à cause de l’acolyte du vieux saint, le Père Fouettard qui dispense, lui, des coups de martinet aux vilains garnements qui n’ont pas mérité le dernier jeu vidéo à la mode. L’effrayant personnage menace les enfants les plus dévergondés de les emporter avec lui dans une hotte ou un grand sac de jute. Aux Pays-Bas, une vingtaine de plaintes ont été déposées contre la fête de Saint-Nicolas, estimant que le Père Fouettard représenterait un symbole raciste, hostile à la communauté africaine. Dénommé "Hans Trapp" en alsacien, "Père La Pouque" en Normandie ou encore “Houseker” au Luxembourg, ce personnage folklorique sinistre est toujours représenté avec un visage sombre, une longue barbe et des cheveux hirsutes. Certains expliquent qu’il n’est noir que parce qu’il descend dans les cheminées. Aux Pays-Bas particulièrement, le teint de "Zwarte Piet" (Pierre noir) est résolument d’ébène, ses lèvres bien rouges et sa coiffure souvent afro, évoquant aux anti-racistes le personnage d’anciennes publicités "Banania".

Aux Pays-Bas, une vingtaine de plaintes ont été déposées contre la fête de Saint-Nicolas, estimant que le Père Fouettard représenterait un symbole raciste.

Quant certains y reconnaissent une caricature des victimes de la traite négrière, d’autres y voient une représentation de leurs bourreaux, du fait des coups de fouet qu’il distribue. Il n’en fallait pas plus pour qu’après plusieurs siècles, la présidente d’une commission du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme – la Jamaïquaine Verene Shepherd – demande au gouvernement néerlandais de "bien vouloir indiquer dans quelle mesure le gouvernement a impliqué la société néerlandaise, y compris les Africains (…), dans les discussions sur le choix de Santa Claus et de Zwarte Piet comme symbole culturel dans ce pays". C’est l’ensemble du festival qui pourrait voir son permis révoqué cette année à Amsterdam. Les organisateurs des festivités attendent tout à la fois la décision du maire Eberhard van der Laan, d’ici quelques jours, et les conclusions de l’ONU au cours de ce même mois de novembre. 

Sur Facebook, une récente pétition de soutien au père Fouettard a réuni 2,1 millions de "like" en quelques jours. À supposer que le personnage ne braque pas la communauté blanche contre ce qui est perçu comme africain, les Africains ne risquent-ils pas d’être rendus responsables de sa mise en quarantaine ? Les traditions africaines regorgent, elles aussi, de tels ogres. Sans eux, les enfants refuseraient de finir leur dîner, de se coucher à l’heure qui convient ou de ne pas traîner dans les rues la nuit. Quelle est la couleur de l’épiderme de ces repoussoirs anthropophages ? Qui s’en préoccupe ? Mais après tout, comme une réponse du berger africain à la bergère néerlandaise, on pourrait bien promouvoir un podium d’épouvantails blancs contemporains :

• 3e – Manuel Valls. Si votre progéniture refuse de finir sa bouillie de manioc, menacez-la ainsi : "Si tu ne finis pas ton bol, les yeux de hibou du grand méchant ministre français de l’Intérieur vont remettre en cause le regroupement familial et tu ne reverras jamais ton papa parti gagner quelques sous à Château Rouge".
   
• 2e – Marine Le Pen. "Range ta chambre sinon la sorcière aux cheveux de paille va voir ton chèche traîner et te dénoncer comme suppôt du jihadisme" (la même Marine Le Pen qui n’a pas remarqué que la barbe de Saint-Nicolas est plus longue que celle du père Fouettard).
   
• 1ère – Britney Spears. Imparable pour calmer une génération qui considère déjà l’icône de la pop américaine comme has been : "Finis de balayer la cour sinon je passe la chanson "Baby One More Time" qui fait fuir les plus intrépides des pirates somaliens".