Dialogue national : la Tunisie s’enlise dans la crise politique

Des violences en marge des obsèques des sept victimes de l’attaque jihadiste du 23 octobre ont fait cinq blessés, jeudi, en Tunisie. Prévue vendredi, l’ouverture des négociations du « dialogue national » semble à nouveau compromise.

Une foule assiste aux funérailles de six gendarmes tués la veille, le 24 octobre 2013 à Kef. © Fethi Belaid/AFP

Une foule assiste aux funérailles de six gendarmes tués la veille, le 24 octobre 2013 à Kef. © Fethi Belaid/AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 25 octobre 2013 Lecture : 3 minutes.

Plus que jamais, la Tunisie est acculée au fond d’une impasse politique dont l’issue pacifique semble invisible. Alors qu’un dialogue national devait s’ouvrir mercredi pour préparer le terrain à un gouvernement de transition avant de nouvelles élections, une énième attaque jihadiste tuant six gendarmes et un policier dans la région de Sidi Bouzid a mis le feu aux poudres et provoqué le report des négociations à ce vendredi.

Si elles s’ouvrent, ce qui semblait peu probable dans l’immédiat, ce sera dans un climat particulièrement tendu. En marge de l’enterrement des victimes des attentats terroristes, des violences visant les islamistes au pouvoir ont fait cinq blessés, jeudi, avec le saccage des bureaux d’Ennahda au Kef et à Béja (nord-ouest), où des pierres et des cocktails Molotov ont été utilisés. À Kasserine, ville située au pied du mont Chaambi, où l’armée pourchasse depuis des mois un groupe lié à Al-Qaïda, des manifestants ont brûlé des pneus dans les rues. Selon des témoins, des jeunes ont aussi jeté des pierres dans la soirée sur le siège de la préfecture avant d’être dispersés par la police.

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"Équipement insuffisant"

Dans les régions du Kef, de Sidi Bouzid et de Kasserine, les obsèques des six gendarmes tués la veille ont attiré des foules très importantes, sans que des représentants officiels ne soient acceptés. "Nous refusons leurs condoléances, leur présence et en premier lieu celle d’Ali Larayedh", a indiqué Jamel Salhi, le frère d’une des victimes de Sidi-Bouzid. "Je suis choqué, ces martyrs le sont parce qu’ils n’ont pas d’équipements suffisants", s’est emporté le père du défunt, Afif Salhi.

De son côté, le gouvernement, qui a décrété un deuil national de trois jours, affirme être "en guerre contre le terrorisme" alors que l’opposition l’accuse de laxisme et d’ambiguïté, voir de duplicité dans les assassinats politiques – un avis partagé même par de nombreux policiers au sein du ministère de l’Intérieur. Lequel a indiqué que onze militants salafistes ont été arrêtés à Menzel Bourguiba (nord), où le policier a été tué mercredi soir. Il a aussi annoncé avoir retrouvé sur les lieux des combats de mercredi une voiture piégée et une quantité importante d’explosifs ainsi que des armes. Un suspect a été tué mercredi, un autre arrêté tandis qu’un troisième est toujours en fuite.

Grève générale

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Reste qu’à Sidi-Bouzid comme à Kasserine, l’ensemble des institutions publiques et des écoles étaient fermées à la suite d’un appel à la grève générale des antennes de l’UGTT, la centrale syndicale à l’origine du dialogue national. Quand à Nida Tounès, l’un des principaux partis d’opposition, il a exclu tout pourparler "sans un engagement formel et écrit du gouvernement à démissionner". Dans le cas contraire, le Premier ministre assumera la responsabilité d’un échec en "gâchant une occasion précieuse de compromis pour sauver le pays", dit un communiqué.

Jeudi soir, le Premier ministre Ali Larayedh a pourtant renouvelé à la télévision nationale son engagement de la veille à démissionner et à laisser la place à une équipe d’indépendants, mais sans pouvoir s’empêcher d’y mettre une "condition" : que le "dialogue national" débouche aussi sur une Constitution, une loi électorale et un calendrier pour les prochains scrutins – ce qui du reste est prévu dans la feuille de route…

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"Le gouvernement est déterminé et s’engage à une démission, dans les délais prévus de la feuille de route, mais à condition que toutes les phases s’achèvent aussi les unes après les autres", a-t-il ajouté.

(Avec AFP)
 

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