Côte d’Ivoire : qui défend vraiment Charles Blé Goudé ?
Depuis l’officialisation par la CPI, le 1er octobre, de l’existence d’un mandat d’arrêt pour « crimes contre l’humanité » à l’encontre de l’Ivoirien Charles Blé Goudé, la défense de l’ex-« général de la rue » pro-Gbagbo prend des allures d’armée méxicaine. Au point qu’il est parfois difficile de comprendre qui sont vraiment ses avocats. Explications.
Arrêté le 17 janvier à Accra, au Ghana, Charles Blé Goudé est un client très courtisé. Encore plus depuis la levée, le 1er octobre, des scellés du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) à son encontre. Il bénéficie d’un comité de défense, d’un collectif d’avocat, de conseillers, d’avocats ivoiriens et étrangers… Tous s’expriment, réagissent et prennent position en son nom, mais tous ne sont pas officiellement mandatés pour le faire.
À Abidjan, son avocat principal est Me Claver N’Dri qui le défend depuis 2005. Après l’arrestation de Blé Goudé, un collectif a été créé. Six personnes, dont Claver N’Dri, le composent. Me Félix Bobre en est le président, Me Hervé Gouaméné, le porte-parole. Il y a également Me Nomel Lorng, Frédéric Bledé et Serge Gbougnon. Tous exercent au barreau de Côte d’Ivoire.
D’autres avocats, comme Me Ange Rogrigue Dadjé, qui défend Simone Gbagbo, gravitent autour du collectif. Ils conseillent et s’intéressent au dossier de Blé Goudé mais ne représentent pas officiellement l’ex-"général de la rue".
Voici pour le côté ivoirien. Car avant son arrestation, Charles Blé Goudé a également pris contact avec l’Israélien Nick Kaufman pour qu’il soit son avocat auprès de la CPI. Dans une procuration signée le 26 mars 2012, Blé Goudé l’a officiellement mandaté pour qu’il le représente "avec pouvoir d’agir en (son) nom" devant la juridiction internationale.
Une défense très convoitée
Un "pouvoir" très convoité depuis l’officialisation par la CPI de l’existence d’un mandat d’arrêt pour "crimes contre l’humanité". Ainsi, 24 heures à peine après la levée des scellés, Patrice Kouté, responsable Europe du parti de Charles Blé Goudé, (le Congrès panafricain des jeunes et des patriotes, Cojep) et Alain Toussaint (ancien porte-parole de Laurent Gbagbo) publiaient un communiqué au nom du "Comité de Défense de Blé Goudé".
Certains avocats cités dans le nouveau comité de défense de Patrice Kouté et Alain Toussaint ont déclaré ne pas avoir été prévenus.
Ce Comité "prend acte de la décision de la chambre préliminaire", pouvait-on lire dans le communiqué. Les deux confrères annonçaient également la création d’"une équipe internationale de conseils constituée aux fins de suivre tous les développements de cette nouvelle procédure judiciaire et de défendre au mieux les intérêts de M. Blé Goudé".
Si l’on en croit le document, sept avocats la constituent. On retrouve notamment les pénalistes canadien et américain, Christopher Black et Morris Anyah, l’Ivoirienne Habiba Touré (l’une des avocates de la famille Gbagbo), mais également Claver N’Dri et Hervé Gouaméné. Problème : certains d’entre eux ont déclaré ne pas avoir été prévenus de la formation de ce groupe.
"Impression de cacophonie"
C’est notamment le cas de Claver N’Dri. "Ce comité n’a pas de valeur juridique. Mais les choses se sont arrangées. Nous sommes rencontrés pour aplanir les choses. Ils ont offert leur aide. Nous verrons à l’avenir si nous coopérons avec eux", explique-t-il diplomatiquement. Mais l’initiative personnelle de Patrice Kouté et d’Alain Toussaint n’a pas été appréciée par certains proches du président du Cojep. "Ils n’ont pas à parler en son nom, confie l’un deux. À aucun moment, Charles Blé Goudé ne les a mandatés pour le faire. Ils ont agi seuls, sans l’avis des autres."
"Cela donne une impression de cacophonie, regrette de son côté l’ami et docteur de l’ex-leader des Jeunes patriotes, Patrice Saraka. Il ne peut pas y avoir des intérêts et des objectifs différents. Cela nuit à la défense de Charles Blé Goudé." Ainsi, quand Claver N’Dri demande au gouvernement ivoirien "de refuser le transfert de Charles Blé Goudé" à la Haye, Patrice Saraka précise que ce positionnement est seulement la conséquence "du précédent Simone Gbagbo. (…) On imagine que son cas fait jurisprudence et que Abidjan va donner la même suite pour cette affaire", explique-t-il. Mais pour Me Kaufman, "il est prématuré de faire de tels commentaires avant de recevoir des instructions de Charles Blé Goudé".
Dans cet imbroglio, le principal intéressé n’a pas eu voix au chapitre. De fait, privé de visites depuis le 2 août, Blé Goudé n’a pas encore eu l’occasion de mettre les choses au clair. Veut-il être jugé en Côte d’Ivoire ou à la CPI ?
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Par Vincent Duhem
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