Présidentielle à Madagascar : une bataille de seconds couteaux
Sans les principales figures de la politique malgache que sont Andry Rajoelina, Marc Ravalomanana ou Didier Ratsiraka, la présidentielle du 25 octobre n’en est pas moins disputée. Focus sur les neuf candidats qui ont le plus de chances d’être élus parmi les 33 en lice.
Longtemps annoncée, souvent repoussée, l’élection présidentielle censée mettre fin à près de cinq ans d’une crise politique mortifère pour l’économie de Madagascar se tient vendredi 25 octobre. Quelque 7,8 millions d’électeurs (pour une population estimée à 22 millions) sont appelés aux urnes pour ce premier tour indécis, auquel beaucoup de Malgaches ne croyaient pas jusqu’il y a peu, et qui pourrait être entaché par un certain nombre de défaillances, notamment à cause de la distribution problématique des cartes électorales. D’où l’inflation sur place d’observateurs nationaux (environ 5 000) et internationaux (près de 800 missionnés par la Communauté de développement de l’Afrique australe, l’Union africaine, la Commission de l’océan Indien, l’Organisation internationale de la francophonie, l’Union européenne, le Japon et les États-Unis). Le second tour est prévu le 20 décembre.
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Sont en lice 33 candidats. Un chiffre considérable si on le compare à la précédente élection qui remonte à la fin 2006 (il y en avait 14), mais qui aurait pu être plus important encore si la communauté internationale n’avait pas pesé de tout son poids en juillet dernier pour que plusieurs prétendants ne répondant pas à certains critères de la loi électorale soient exclus de la course. Huit postulants ont ainsi été empêchés de se présenter, et pas des moindres, puisqu’on trouve dans le lot les deux ex-principaux favoris du scrutin – le président de la transition Andry Rajoelina et l’épouse du président déchu, Lalao Ravalomanana – ainsi que l’ancien chef de l’État Didier Ratsiraka.
Dans un contexte de grande incertitude et en l’absence d’étude d’opinion fiable, le scrutin s’annonce ouvert.
En leur absence, les Malgaches devront choisir entre des seconds couteaux dont certains sont novices en politique. Dans un contexte de grande incertitude et en l’absence d’étude d’opinion fiable, le scrutin s’annonce ouvert. "Le vainqueur pourrait être celui qui dispose du plus gros budget de campagne", estime un outsider. Une petite dizaine de candidats devraient jouer les premiers rôles. Revue de détail.
Hajo Andrianainarivelo (46 ans)
Cet homme d’affaires issu de la haute bourgeoisie merina fut pendant quatre ans l’une des figures du gouvernement de transition en tant que ministre (puis vice-Premier ministre) en charge du Développement et de l’Aménagement du territoire, un portefeuille stratégique dans un pays où le foncier est source de nombreuses convoitises. Peu connu avant la chute de Ravalomanana, il doit son ascension politique à Andry Rajoelina, dont il fut un proche avant de s’en éloigner à l’approche de l’élection. Il dispose d’un budget de campagne conséquent.
Jean Lahiniriko (60 ans)
Côtier originaire de Toliara, au sud, cet ingénieur de formation est une figure de la vie politique malgache depuis une décennie. Ministre de la Culture de Ravalomanana en 2002, il s’en démarqua puis l’affronta à la présidentielle de 2006 (2e avec 11,68% des suffrages loin derrière son ex-mentor). En 2009, il rejoint Rajoelina dans la rue et devient, via la plateforme UDR-C, un de ses principaux soutiens, avant de prendre ses distances début 2013.
Roland Ratsiraka (47 ans)
Cet entrepreneur originaire de Toamasina (est), la ville qu’il a dirigé entre 1999 et 2007, est entré en politique à l’âge de 30 ans en soutenant son oncle, Didier Ratsiraka, avant de s’en démarquer définitivement. Opposant de la première heure à Ravalomanana, il a finit 3e à la présidentielle de 2006 (10,14% des suffrages), puis, accusé de malversations, a goûté aux geôles malgaches. Acteur de la transition, il a soutenu Rajoelina en 2009 mais l’a critiqué dès l’année suivante.
Pierrot Rajaonarivelo (67 ans)
Le doyen des favoris, originaire de la côte est, fut le bras droit de Didier Ratsiraka dans les années 1990. En 2002, après l’élection de Ravalomanana, il fuit lui aussi le pays. Condamné par contumace à cinq ans de prison pour "complicité d’usurpation de fonction", il ne reviendra qu’après la chute de Ravalomanana en 2009. Fâché avec Ratsiraka, il a fondé son propre parti et a rejoint le gouvernement de transition. Bien que ministre des Affaires étrangères, il s’est toujours présenté comme un opposant à Rajoelina.
Robinson Jean-Louis (61 ans)
Depuis que le couple Ravalomanana lui a apporté son soutien mi-septembre, Robinson Jean-Louis, dont la candidature était auparavant passée inaperçue, est entré dans une autre dimension. Ce médecin originaire du centre-est, relativement peu connu des Malgaches, a été un cadre du TIM (Tiako i Madagasikara), le parti de Ravalomanana, et son ministre de la Santé puis de la Jeunesse et des Sports entre 2004 et 2009. Il avait disparu de la circulation depuis la chute de son patron.
Roindefo Monja (48 ans)
Le fils du grand nationaliste Jaona Monja a hérité de son parti, le Mouvement national pour l’indépendance de Madagascar (Monima), mais pas de sa popularité. En 2006, cet homme d’affaires n’avait recueilli que 21 voix à l’élection présidentielle. Il a toutefois profité de la contestation de 2009 pour prendre la lumière, d’abord dans la rue puis en tant que premier Premier ministre de Rajoelina. Il est plus discret depuis qu’il s’est fâché avec ce dernier, fin 2009.
Edgard Razafindravahy (52 ans)
Cet homme d’affaires influent (il dirige un puissant groupe médiatique) natif d’Antsirabe est à l’origine de l’ascension de Rajoelina, dont il avait financé la conquête de Tana en 2007. Ce dernier lui a renvoyé l’ascenseur en 2009 en le nommant à la tête de la capitale. Quoique soutenu par le parti de Rajoelina, le TGV, ce merina n’est pas le favori du président. Il dispose toutefois d’un budget conséquent pour sa campagne.
Albert-Camille Vital (61 ans)
Il doit son entrée en politique à Rajoelina, qui l’a sorti de sa retraite militaire fin 2009 pour le nommer à la primature. Mais cet officier formé en URSS originaire de Toliara, qui a su se reconvertir dans les affaires sous Ravalomanana, dont il était un opposant, a rompu les liens avec le président de la transition depuis qu’il n’est plus Premier ministre (octobre 2011). Il est soutenu par de nombreux hommes d’affaires.
Hery Rajaonarimampianina (55 ans)
Cet expert-comptable issu de la haute société merina, franc-maçon, est un novice en politique, mais c’est lui que Rajoelina a décidé de soutenir. Nommé ministre des Finances en 2009, il a gagné la confiance du président de la transition au fil des ans et jouit d’une bonne réputation auprès des chancelleries étrangères. Proche de l’homme d’affaires Mamy Ravatomanga, il dispose de moyens sans limites.
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Par Rémi Carayol
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