Justice : la Côte d’Ivoire face aux critiques des ONG

Dans son dernier rapport, « Côte d’Ivoire : « La lutte contre l’impunité à la croisée des chemins », la FIDH estime que les autorités ivoiriennes doivent mener une politique judiciaire plus engagée et cohérente. C’est le troisième rapport d’ONG en moins de trois mois qui critique Abidjan. 

Le président ivoirien, Alassane Ouattara, en décembre 2012. © AFP

Le président ivoirien, Alassane Ouattara, en décembre 2012. © AFP

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Publié le 23 octobre 2013 Lecture : 3 minutes.

"S’il convient de souligner que les premier actes posés sont encourageants et à même de rétablir la confiance de la population ivoirienne en la justice, force est de constater que, faute de réelle volonté politique de lutter contre l’impunité de tous les crimes perpétrés, le processus en cours ressemble à ce jour à une justice de vainqueurs".  Rendu public mercredi 23 octobre, le dernier rapport de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), intitulé "Côte d’Ivoire : "La lutte contre l’impunité à la croisée des chemins" dresse un état des lieux critique du processus de réconciliation.

"On ne doute pas de la volonté du président Ouattara mais plutôt de sa capacité", précise Florent Geel, responsable Afrique de la FIDH. En juin 2011, une cellule spéciale d’enquête a été mise sur pied pour enquêter sur les crimes commis pendant la crise postélectorale. Son mandat initial (12 mois) a été prolongé jusqu’à la fin de l’année 2013. Mais aujourd’hui, le ministère de la Justice ne souhaite pas le renouveler. La FIDH estime que sa suppression serait un "très mauvais signe".

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"Poursuites disproportionnées"

"Elle sera fondue dans le fonctionnement de notre justice", répond de son côté le porte-parole du gouvernement, Bruno Koné. Mais au-delà du cadre juridique, l’ONG estime que "les poursuites intentées demeurent largement disproportionnées, pour ne viser qu’un seul camp, celui des pro-Gbagbo". Pourtant, écrit la FIDH, les juges disposent de nombreux témoignages qui mettent en cause des membres des FRCI, parfois nommément et de manière très détaillée".

"Si des proches d’Alassane Ouattara sont mis en cause, ils seront jugés", assure pourtant Bruno Koné. "Les instructions en cours s’illustrent également par des défaillances importantes en termes d’enquêtes", poursuit le rapport. En outre, le parquet a décidé d’ouvrir des instructions séparées pour les mêmes auteurs présumés, par type de crime et par zone géographiques. "Ce morcellement des informations judiciaires ne contribue pas à la conduites d’enquêtes exhaustives", regrette la FIDH.

L’organisation dénonce également le manque de volonté de coopération des autorités ivoiriennes avec la Cour pénale internationale (CPI). "Contraire aux obligations prévues par le Statut de Rome", ce comportement "rend d’autant plus nécessaire la mise en place d’un véritable processus de justice indépendante, équitable et impartiale en Côte d’Ivoire", peut-on lire dans le rapport. Le travail de la CPI est dans le même temps mis en cause. L’ONG estime que "la décision de lever les scellés sur le mandat d’arrêt à l’encontre de Charles Blé Goudé, ne semble pas aller dans un rééquilibrage des poursuites, puisque c’est la troisième personne issue du clan Gbagbo qui est visée".

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>> À lire aussi : Me Kaufman : "Le mandat d’arrêt de la CPI contre Blé Goudé met la pression sur la Côte d’Ivoire"

Le rapport de la FIDH n’est pas le premier à mettre en cause les autorités ivoiriennes. Début octobre, Human Right Watch (HRW) s’est inquiété des conséquences de la dépossession de terres et le risque de violences intercommunautaires que cela engendre dans l’ouest du pays. Dans ce rapport, HRW appelait "le gouvernement ivoirien à prendre des mesures rapides et efficaces pour résoudre de manière équitable toutes les plaintes de dépossession de terres et pour aider les personnes à enregistrer leur propriété au cadastre". Dans un courrier adressé à la puissante ONG, Abidjan s’était engagé à prendre des mesures pour la restitution des terres à leurs propriétaires.

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En juillet, Amnesty International avait mis l’accent sur l’enquête concernant l’attaque par des Dozos du camp de Nahibly, le 20 juillet 2012, qui accueillait environ 2 500 personnes déplacées ayant fui les violences postélectorales. "Il est inhumain de faire encore attendre ceux qui ont perdu des êtres chers et souhaitent savoir où se trouvent les corps de leurs proches, alors même que les responsables ne sont pas inquiétés", estimait Amnesty.

Les autorités ivoiriennes coopèrent à chaque fois avec ces ONG. Lors de sa mission, l’équipe de la FIDH a eu accès à un nombre important de documents et a pu rencontrer les acteurs judiciaires et politiques. Abidjan regrette seulement que les progrès consécutifs à la politique du gouvernement ne soient pas plus mis en avant. "Aujourd’hui, nous discutons avec l’opposition, beaucoup de prisonniers ont été libérés. Le chef de l’État a mis tout en œuvre pour aller à l’apaisement", assure Bruno Koné.

Le porte-parole du gouvernement estime également que le contexte de la crise postélectorale est parfois oublié. Et de conclure : "On ne peut pas ignorer que la chronologie des faits et que le camp Gbagbo ait mis le feu au poudre".

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Par Vincent Duhem

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