Mettre fin à l’esclavage moderne

Nick Grono est directeur général de la Fondation Walk Free.

Publié le 18 octobre 2013 Lecture : 4 minutes.

L’esclavage existe depuis des milliers d’années. On en trouve des preuves gravées sur des tablettes datant de 4 000 ans. Dans l’un des épisodes les plus sombres de l’humanité, il a conduit à l’enlèvement et au déplacement de millions de femmes, d’hommes et d’enfants enchaînés d’Afrique en Amérique.
Il serait bien sûr rassurant de se convaincre que l’esclavage est une relique du passé, mais ce n’est malheureusement pas le cas. Bien qu’il soit banni par les lois nationales et internationales, l’esclavage continue à gangréner de nombreuses sociétés sur chaque continent.

Bien que l’esclavage moderne ne soit peut-être pas aussi visible qu’auparavant, il reste présent dans les pays les plus riches et les plus pauvres, dans les grandes villes et dans les campagnes. L’esclavage a évolué avec le développement de nos sociétés. Les victimes sont transportées aussi bien en 747 qu’en charriot tiré par des bœufs. Il permet de produire de tout, des produits électroniques, à l’acier, en passant par la nourriture et le coton de nos vêtements. Il fait de ses victimes des serviteurs dociles que l’on peut utiliser et mettre au rebut. 

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La violence est au cœur de tout esclavage. Que les victimes soient contraintes de travailler dans des carrières et des usines, de se marier, ou soient dupées à travailler dans des maisons closes, elles ont toutes un point commun : elles ne sont pas libres de partir. Bien que nous en sachions suffisamment pour admettre que l’esclavage, sous ses formes modernes, se trouve tout autour de nous, nous le comprenons pourtant mal. Cela lui permet de rester dissimulé et fait obstacle à nos efforts pour l’éradiquer. 

Sans informations précises, nous ne savons pas comment cibler nos efforts, ni les meilleurs moyens d’y faire face. Malheureusement, ce manque d’informations permet également aux gouvernements, aux entreprises et aux communautés d’ignorer ce fléau.

C’est pour cela qu’il est important de mettre l’accent sur l’esclavage moderne en rassemblant autant d’informations fiables que possible. C’est l’objet du premier indice mondial de l’esclavage publié par la Fondation Walk Free dont la vocation est de mettre fin à l’esclavage moderne au cours de cette génération.

Au moins 29,8 millions de personnes sont victimes de l’esclavage.

Le rapport trie les informations et permet d’obtenir l’estimation la plus précise à ce jour du nombre des victimes de l’esclavage moderne, aux niveaux mondial, régional et national. Le rapport présente également un classement de 162 pays basé sur la mesure pondérée de la prévalence de l’esclavage moderne par population, de la fréquence du mariage des mineurs et l’échelle du trafic à destination et en provenance du pays analysé.

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Les résultats ne sont pas encourageants. Le rapport estime qu’au moins 29,8 millions de personnes sont victimes de l’esclavage. La plupart des personnes qui sont privées de leur liberté vivent en Asie, avec l’Inde, la Chine et le Pakistan comptant les plus grand nombres absolus de personnes étant esclaves. L’Inde représente à elle-même près de la moitié du total mondial, où  des millions de personnes s’y trouvent piégées par la servitude pour dettes et le travail forcé.

Si l’on compare ces chiffres par rapport à la proportion de la population, c’est la Mauritanie qui affiche le bilan le plus triste. Un système d’esclavage héréditaire est très profondément ancré dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest qui compte 140 000 à 160 000 esclaves au sein d’une population de seulement 3,8 millions d’habitants. Haïti, une nation des Caraïbes où  l’esclavage des enfants est également répandu, occupe le deuxième rang, suivi de près par le Pakistan.

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Même les pays les mieux classés sur cette liste, comme l’Islande, l’Irlande et le Royaume-Uni, ne peuvent pas être considérés comme dépourvus d’esclavage moderne. On estime par exemple qu’il y a jusqu’à quatre mille esclaves modernes au Royaume-Uni, et il faudrait en faire d’avantage pour les aider et éviter que d’autres ne subissent le même sort. L’indice examine également pour chaque pays le degré de priorité accordée à l’éradication de l’esclavage, les méthodes utilisées et comment celles-ci pourraient être améliorées.

Que nous révèle donc ce premier indice sur l’échelle de l’esclavage moderne en Afrique sub-saharienne ? La région compte 15 des pires résultats de la liste avec le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Gambie et le Gabon parmi les dix premiers de l’indice. La pauvreté extrême, les conflits et les pratiques traditionnelles telles que le mariage des mineurs contribuent à ce résultat affligeant. Maurice, classé 143e, est le mieux placé sur le continent, alors que les politiques de lutte contre l’esclavage de l’Afrique du Sud, en 115e position, lui valent des éloges.  

Il s’agit de la première publication de l’indice. Nous nous efforcerons chaque année de l’affiner et de l’améliorer. Il peut toutefois déjà avoir une influence sur nos initiatives nationales et internationales en vue de l’éradication de l’esclavage moderne en Afrique et dans le monde. Nous savons par exemple que 76 % des victimes de l’esclavage moderne se trouvent dans seulement dix pays. C’est sur ces nations que doit porter l’essentiel de nos efforts. L’indice montre également que certains pays, comme le Brésil, ont beaucoup de choses à apprendre au reste du monde en matière d’élimination de l’esclavage moderne. 

C’est là l’objet de l’indice. Nous entendons en faire une arme puissante au service de tous afin de la lutter contre l’esclavage moderne. Les gouvernements ont un rôle essentiel à jouer et doivent mettre en place des mesures efficaces et fournir les ressources nécessaires pour leur mise en œuvre. C’est néanmoins à nous tous, en tant que citoyens, consommateurs et à titre personnel, qu’il revient de se servir de ces informations pour contribuer à cette lutte et persuader nos dirigeants d’agir ici, en Afrique, et dans le monde entier.   

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Nick Grono, Directeur général de la Fondation Walk Free

 

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