Michel Reveyrand de Menthon : « Il faut tenir compte de toutes les fragilités des pays sahéliens »
Sécurité, développement, coopération… À l’occasion de sa première visite au siège de l’Union africaine, à Addis Abeba, le représentant spécial de l’Union européenne (UE) pour la région du Sahel, Michel Reveyrand de Menthon, a expliqué à « Jeune Afrique » les grands axes de sa stratégie.
Michel Reveyrand de Menthon était cette semaine à Addis Abeba, pour son premier voyage au siège de l’Union Africaine (UA) depuis sa nomination, en avril, comme "Représentant spécial de l’Union Européenne (UE) pour la région du Sahel". Le diplomate français connait bien le Sahel : depuis 2006, il a été successivement ambassadeur au Mali puis au Tchad. Son credo : une approche régionale et concertée avec les différents acteurs de la zone.
Jeune Afrique : Que fait l’UE au Sahel, et sur quels axes travaillez-vous ?
L’UE, comme l’Union africaine, est active depuis longtemps, et nous nous sommes retrouvés à chaque grande étape de cette crise, que ce soit sur le Comité de suivi de la situation malienne ou les accords de Ouagadougou. Le partenariat est très étroit entre les Nations unies, la Cedeao, l’UA et l’UE. Cette cohésion de la communauté internationale, avec les mêmes objectifs et les mêmes valeurs sur l’ensemble du processus, est une caractéristique de cette crise sahélienne.
On en est au début, et on sait que les démarches régionales sur le continent sont délicates à réussir. Mais on s’appuie sur la Cedeao, qui joue un rôle essentiel pour consolider les partenariats entre les États, et sur l’UA, qui devient un acteur extrêmement important dans le domaine de la sécurité. Le processus de Nouakchott a déjà abouti à des réunions au niveau ministériel sur la défense et la coopération internationale… Cela devrait aboutir à des propositions de plus en plus opérationnelles.
De quoi avez-vous discuté avec le Conseil Paix et Sécurité (CPS) de l’UA ?
Le CPS s’impose comme un interlocuteur majeur. On a évoqué une consolidation de notre partenariat. Pourquoi ne pas imaginer, un jour, un accord spécifique entre l’UE et l’UA sur le Sahel ? Aujourd’hui, il y a consensus pour travailler sur les frontières. Dans cette région, elles ne sont même pas toujours délimitées. Nous avons aussi abordé le pastoralisme, mode de vie et activité économique qui, souvent, permet de consolider la sécurité. De plus, nous avons parlé d’environnement, en rapprochant développement durable et sécurité.
C’est le grand axe de réflexion. On a tendance à juxtaposer des opérations techniques – le renforcement des forces de police par exemple – et des opérations de développement, sans réfléchir à l’implication entre les deux. Il faut aujourd’hui tenir compte de toutes les fragilités des pays sahéliens. Au niveau européen, on raisonne actuellement beaucoup en terme de prévention de la radicalisation, dans des pays aux taux de croissances démographiques considérables, où une part de la population est exclue et cherche des points de repère. Le risque est qu’une partie, souvent la plus fragile, aille vers des idées extrémistes, la délinquance ou une criminalité à grande échelle…
Quels sont aujourd’hui les principaux défis dans la région ?
La crise malienne a été largement stabilisée, même si elle est loin d’être terminée : la situation du Nord n’est pas parfaite. Bien que leurs capacités aient été largement réduites par l’intervention française, différents groupes terroristes tentent de rester actifs, de se réorganiser. Il y a bien sûr Aqmi, le Mujao, et d’autres qui ne peuvent probablement pas mener de très grosses opérations, mais être spectaculaires malgré tout. C’est pour cela qu’il y a sur place une importante mission des Nations unies. Mais le souhait est aussi de se situer de plus en plus à l’échelle régionale. On parle de "stratégie Sahel" – l’UE, la Banque Mondiale, la CEDAO, en ont d’ailleurs élaboré une, l’UA y pense… On va les confronter, et essayer d’aller vers un agenda commun.
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