Hitler, Michael Jackson, Chelsea Manning… les dix prix Nobel de la Paix auxquels vous avez échappé
Trois jours après l’attribution du Nobel de la paix à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), un journal libanais affirme que le dictateur syrien, Bachar al-Assad, aurait commenté le sujet sur le ton de la plaisanterie en lâchant : « Le Nobel aurait dû me revenir ». L’occasion de rappeler que l’histoire de ce prix prestigieux n’a pas toujours rimé avec bon goût. Voici dix Nobels, controversés pour les uns, complétement improbables pour les autres, auxquels nous avons échappé.
1. Michael Jackson
Michael Jackson, prix Nobel de la Paix 2009 ! C’est le doux espoir que caressait Anneliese Nichole Brown, une étudiante américaine en anthropologie à l’université de Los Angeles. Dans une lettre adressée à la fondation, elle décrit Michael comme un artiste "humaniste" qui, "à travers les frontières, a délivré un message positif de solidarité et d’amour dans le monde". Si sa lettre n’a pas influencé la fondation, 5 000 personnes ont toutefois fait savoir qu’elles approuvaient l’initiative en signant une pétition en ligne. Dommage, mais bien tenté.
2. Adolf Hitler, la blague
Charlie Chaplin dans le Dicateur. © DR
Adolf Hitler fut nominé pour le prix Nobel de la paix, en 1939, par un parlementaire suédois. Difficile à croire. Mais vrai, comme le confirme les documents du comité Nobel. Le député en question, Erik Brandt, n’était pourtant pas un sympathisant nazi mais un social-démocrate… antifasciste. Outré par la possibilité qu’on accorde le prix au Premier ministre britannique Neville Chamberlain, au lendemain des accords de Munich, il avait proposé le nom d’Hitler dans une lettre au ton très ironique. Sitôt son initiative connue, il la retira par un courrier daté du 1er février 1939. Une provocation restée dans l’Histoire.
3. Poutine, pacificateur, "jusque dans les chiottes"
Vladimir Poutine. ©AFP
Des personnalités russes, dont le député et star de la chanson Iossif Kobzon, ont annoncé, mardi 1er octobre, avoir proposé Vladimir Poutine pour le prix Nobel de la paix 2013. "Si la situation en Syrie ne s’était pas stabilisée, la troisième guerre mondiale aurait éclaté", expliquent les supporteurs du président russe. Bien qu’hautement improbable, une telle distinction serait une sorte de consécration pour l’amateur d’arts martiaux qu’est le locataire du Kremlin. Après avoir poursuivi les terroristes "jusque dans les chiottes", planifié la guerre en Géorgie ou en Tchétchénie, l’homme fort de Moscou entrerait définitivement dans l’histoire.
4. Sepp Blatter, Coupes du monde contre prix Nobel ?
Sepp Blatter. © AFP
L’Afrique du Sud a eu le Nobel de Nelson Mandela, elle aurait également pu s’enorgueillir de celui de Sepp Blatter. C’est en effet sur les terres sud-africaines que le président de la Fédération internationale de football (Fifa) a fait campagne, estimant que l’attribution de la Coupe du monde à l’Afrique du Sud participait à "construire un futur meilleur". Un journaliste du Times écrivait même, en 2010, qu’accorder la compétition à la Russie, en 2018 cette fois, était un sacrifice pour la paix. Accessoirement, le Suisse fait également l’objet de multiples accusations de corruption, d’élections truquées et récemment, n’a pas paru s’indigner outre mesure des conditions de travail des ouvriers de la Coupe du monde qatarie. Il a estimé que la Fifa ne pouvait pas "interférer sur la législation du droit du travail d’un pays mais ne [pouvait] pas non plus l’ignorer". Une sacrée prise de position.
5. Benito Mussolini, le Duce
Benito Mussolini. ©Bundesarchiv
En 1935, c’est le président du conseil italien, Benito Mussolini qui fait partie des nominés. Contrairement à la candidature du Führer, ce n’est pas une blague. Heureusement le comité du Nobel n’a pas suivi les recommandations de Robert Gidel, professeur de droit, et lui préférera le pacifiste allemand, Carl von Ossietzky. Une sage décision au regard de la suite des événements. Le fondateur du fascisme va soutenir Hitler pendant la Seconde guerre mondiale et imposera une dictature sanglante à l’Italie jusqu’à sa mort (fusillé) en 1945.
6. Sarkozy, soldat rose
Le nom de Nicolas Sarkozy a été proposé au Comité Nobel, en 2009, au côté de celui de Barack Obama, puis à nouveau en 2012. L’auteur de la suggestion : un inconditionnel de l’ancien chef d’État, Éric Raoult. Alors député UMP de Seine-Saint-Denis, celui-ci a soumis le nom de Sarkozy pour que soit "reconnue la part essentielle de [son] action internationale pour le maintien de la paix dans le monde". Un autre des proches de l’ancien président, Henri Guaino expliquait également : "Il a beaucoup fait pour la paix, en Libye, en Côte d’Ivoire. […] La Géorgie n’existerait plus s’il n’avait pas été là". Une version sans doute romancée de l’Histoire – n’en déplaise à l’homme du discours de Dakar.
9. Le Printemps arabe
Manifestation à Tunis, la veille de la chute de Ben Ali. ©AFP
En octobre 2011, quelques jours avant l’annonce du Nobel, nombreux étaient ceux qui espéraient voir un acteur du Printemps arabe recevoir le prestigieux prix. Parmi les lauréats préssentis il y avait Israa Abdel Fattah, co-fondateur du mouvement du 6 avril (Égypte), le blogueur activiste Wael Ghonim (Égypte), la blogueuse tunisienne Lina Ben Mhenni. Finalement le Nobel de la paix récompensera la lutte non violente pour les droits des femmes et sera décerné conjointement à la militante libérienne Leymah Gbowee, à Ellen Johnson Sirleaf, présidente du Liberia, et à la Yéménite Tawakkul Karman.
7. Joseph Staline (no comment…)
©DR
En 1945, année de la fin de la seconde guerre mondiale, le président de l’URSS Joseph Staline est nommé pour le Nobel de la paix aux côtés de Franklin D. Roosevelt, Winston S. Churchill, Anthony Eden, Max Litvinov, Edvard Benes et Jan Smuts. L’académie entendait récompenser les acteurs qui ont mis fin au conflit mondial.
8. Nursultan Nazarbayev, autocrate en campagne
Le président kazakh Nursultan Nazarbayev. ©Reuters
Il fallait oser. Une membre du Congrès américain, Eni Faleomavaega, a proposé, en 2011, le nom du président kazakh Nursultan Nazarbayev au comité Nobel, en reconnaissance de sa décision, dans les années 1990, d’abandonner les armes nucléaires dont il avait hérité après la chute de l’Union soviétique. Certes. Seulement voilà, l’autocrate magnat du pétrole, qui s’est tout de même offert les services de Tony Blair dans sa conquête du Nobel, a quelques inconvénients qu’on pourrait qualifier de "majeurs". Sous un verni de démocratie, il excelle surtout dans la répression de la liberté d’expression, le contrôle des médias, la mise à l’écart de l’opposition et le culte de la personnalité. Heureusement, il est semble-t-il plus facile de remporter une "élection" avec 95% des voix que de convaincre le comité Nobel.
10. Bradley (Chelsea) Manning
Manifestation en soutien à Bradley Manning. © Reuters
Le 12 août 2013, les soutiens de Bradley Manning, le soldat américain jugé et condamné pour avoir transmis 700 000 documents confidentiels à WikiLeaks, remettaient une pétition géante intitulée "Nobel au soldat Manning" et signée par plus de 100 000 personne à l’Institut Nobel d’Oslo. Dans le courrier accompagnant le document, ils précisaient leur motivation : "Personne n’a fait plus pour combattre ce que Martin Luther King Junior appelait ‘la folie du militarisme’ que Bradley Manning". Comme l’avait rappelé le directeur de l’Institut Nobel, Geir Lundestad, les mobilisations n’influencent pas le jury. Et ce fut le cas puisqu’il a été décerné à l‘Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).
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Par Jean-Sébastien Josset et Mathieu OLIVIER
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