Qui se cache derrière les comptes Twitter des présidents africains ?
D’Alassane Ouattara à Ibrahim Boubacar Keïta, en passant par Paul Kagamé et Macky Sall, les chefs d’État africains ont pris goût aux gazouillis. Mais qui se cache réellement derrière leur compte Twitter ? Conseiller passionné de nouvelles technologies, véritable équipe de communication… « Jeune Afrique » a enquêté.
Le 5 octobre dernier, les abonnés au compte Twitter du président sénégalais Macky Sall ont sans doute été surpris. Au détour d’une communication bien maîtrisée, faite d’annonces de déplacements ou de déclarations officielles, s’est glissé un tweet accidentel dans lequel @MackySall affirme aimer une vidéo de Rihanna.
"Une bien belle gaffe du community manager du président sénégalais, Macky Sall, qui a dû certainement oublier qu’il naviguait avec le profil Twitter de son Président de la République", expliquait la blogueuse ivoirienne Edith Brou. Un simple couac, supprimé depuis, sans conséquence. "Pour le moment, nous nous contentons de gérer le quotidien, mais tout est désarticulé", explique Abdoul Aziz Mbaye, conseiller spécial du président sénégalais, chargé des Technologies de l’Information et de la Communication. Informaticien, professeur de technologie, diplômé de l’Ecole nationale supérieure d’enseignement technique et professionnelle (ENSETP) de Dakar, ce spécialiste en électronique est également secrétaire national en charge de l’Image et des systèmes d’informations de l’Alliance pour la République (APR).
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Homme de confiance de Macky Sall sur les réseaux sociaux, il pilote aujourd’hui la politique de communication du président sur internet, qui devrait évoluer d’ici la fin de l’année 2013. "Nous allons mettre en place une plateforme de communication générale", explique-t-il, ‘il y aura deux équipes : l’une, chargée d’alimenter la plateforme en contenu, notamment au niveau de l’agenda, des discours officielles, etc…, et l’autre, qui s’occupera de relayer ces informations via les réseaux sociaux avec une communication adaptée, plus ludique".
Exemple rwandais
Au total, ce sont donc plusieurs dizaines de personnes qui interviendront, à un niveau ou un autre, dans la communication numérique du président sénégalais, qui a indiqué l’objectif à poursuivre : la proximité avec les Sénégalais. Bien davantage que pour son homologue malien, Ibrahim Boubacar Keïta, fraîchement élu. Le compte Twitter @presidencemali, qui aurait dû prendre le relais d’@IBK_2013, utilisé par le candidat en campagne, n’a toujours "aucune relation" avec l’équipe de communication du nouveau chef d’État, explique Diarra Diakité, conseiller technique au palais de Koulouba et créateur du compte.
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Passionné de nouvelles technologies, ancien journaliste de l’ORTM, cet ancien pensionnaire de l’École normale supérieure de Bamako choisit seul, depuis la présidence, les sujets, événements et déclarations à promouvoir sur Twitter, sans qu’aucun membre de l’équipe d’IBK n’ait pour le moment indiqué vouloir reprendre le contrôle. Une situation qui existait encore il y a peu au Togo, selon un proche du président Gnassingbé, qui avouait que la communication présidentielle n’avait aucun lien avec le propre compte Twitter du chef de l’État.
Un éloignement totalement impensable au Rwanda. Si le pays des mille collines n’est pas encore au niveau stratosphérique de Barack Obama et de ses 750 community managers lors de la campagne de 2012, il fait, en Afrique, figure d’exemple, où le président Kagamé dispose de deux comptes. L’un, @UrugwiroVillage, pour la présidence, est géré par son équipe de communication, autour de sa directrice, Yolande Makolo, et est alimenté par les membres de la cellule, qui tweetent notamment les discours du président. Et gare aux erreurs, tant Paul Kagamé est présent sur Twitter. Et pour cause, l’autre compte est animé par @PaulKagame lui-même, répondant régulièrement à ses abonnés.
"Il y a une véritable volonté politique de nos dirigeants, au premier rang desquels le Président de la République Paul Kagame, de mettre le paquet dans les infrastructures liées aux nouvelles technologies", explique Olivier Nduhungirehe, représentant du Rwanda à l’ONU et très présent sur Twitter. Néanmoins, la méthode Kagame reste peu exportable tant l’intérêt qu’il porte au réseau social américain reste une exception en Afrique, en tout cas au niveau des chefs d’État.
Une évolution… et des exceptions
Ainsi, en Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara laisse le soin à son équipe de communication de gérer les réseaux sociaux. À sa tête, pour ce qui est de l’audiovisuel et du numérique, Amadou Coulibaly. Précédemment Secrétaire national adjoint à la communication au sein du Rassemblement des républicains (RDR), "Petit Amadou", comme beaucoup l’appellent, est l’homme de confiance du président, qu’il qualifie de "très web". Il a tenu la communication du parti alors que Aly Coulibaly, le Secrétaire national, était en exil à Paris.
Son équipe, une dizaine de personnes, "communicants, informaticiens, wesbaster, ainsi qu’un juriste", gère le compte personnel du président, @adosolutions, créé avant la présidentielle de 2010 mais toujours actif, ainsi que le profil officiel de la Présidence de la République de Côte d’Ivoire (@Presidenceci). Très actif depuis plusieurs mois, ce dernier publie notamment de nombreuses photos officielles, ainsi que l’agenda du président. Si les publications sont régulières, elles restent toutefois peu adaptées aux réseaux sociaux, à l’instar de ce qui se fait encore actuellement au Sénégal.
Dans l’ensemble, l’usage fait de Twitter par les présidents africains, en particulier francophones, semblent encore balbutiants. Ils dépendent, pour la plupart, du bon vouloir d’un conseiller passionné, plus ou moins soutenu par une équipe de collaborateurs. Au risque d’apparaître désincarné, voire complétement déconnecté du chef de l’État lui-même. Derrière un Paul Kagamé, passionné s’il en est, les chefs d’État du continent intègrent peu à peu la nécessité des réseaux sociaux dans leur communication. À de rares exceptions près.
Il y a trois ans, alors que l’élection présidentielle approchait en RDC, Joseph Kabila avait ainsi ouvert un compte Twitter à son nom, géré par son équipe de communication. Depuis, le président congolais a twitté une seule fois, le 7 octobre 2010. Selon des sources diplomatiques, la raison est toute simple : les collaborateurs du président auraient perdu le mot de passe.
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Par Mathieu OLIVIER
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