« Abolissons la peine de mort ! », par Robert Badinter

L’avocat et ancien ministre de la Justice français est décédé dans la nuit du 8 au 9 février. Célèbre pour avoir porté l’abolition de la peine de mort en France, il en avait aussi fait un combat à l’international. Comme dans les colonnes de Jeune Afrique, dans cette tribune signée en octobre 2013.

Publié le 9 octobre 2013 Lecture : 2 minutes.

« Vive la mort ! » C’est en ces termes que les milices francistes célébraient parfois leurs victoires durant la guerre civile d’Espagne, dans les années 1930. Oui, il a toujours existé et il existe malheureusement encore des États, qui préfèrent la mort à la vie, la barbarie à la raison. Et la peine de mort, à elle seule, symbolise parfaitement cette aberration.

58 États [83 pays n’avaient pas totalement aboli la peine de mort fin 2022, NDLR], plus ou moins riches, certains démocratiques, d’autres dictatoriaux, peuvent aujourd’hui légalement condamner à mort un de leur concitoyen. 21 d’entre eux sont passés à l’acte en 2012 [ils étaient 18 en 2020] et ont sacrifié des vies sur l’autel de l’injustice. À l’instar des meurtriers, ils ont violé le droit le plus élémentaire de tout être humain, celui de vivre

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Que des individus ne respectent pas ce droit est inadmissible : les États doivent condamner les meurtriers et prévenir la criminalité ; mais ils ne doivent en aucune manière reproduire leurs actes. Il n’est pas envisageable de construire une société moderne et juste sur l’idéologie de la mort, ou de croire rendre justice en ayant recours à la loi du talion.10

Ce point est fondamental, et au cœur de l’argumentaire abolitionniste. Ce dernier est d’ailleurs autant philosophique que juridique. Nos sociétés doivent prendre de la hauteur et ne pas tomber dans la bassesse de la vengeance. Quelle image renvoie-t-on aux administrés quand les juges condamnent à mort, quand les prisons se transforment en mouroirs, et quand les détenteurs de la grâce refusent de l’exercer ? Quoi de plus violent, et quel aveu de faiblesse plus criant, que de voir les autorités d’un pays décider de la mort d’un citoyen ?

Car l’exécution est toujours violente et surtout inhumaine. Pendus au Soudan et au Botswana, les condamnés à mort sont fusillés en Gambie [la législation n’a pas changé dans ces trois pays]. L’exécution engendre souvent une mort cruelle et douloureuse. Le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a d’ailleurs placé les exécutions sous son mandat.

La peine de mort n’a jamais permis de réduire le nombre de meurtres ou les violences au sein d’une société.

La condamnation à mort est en outre injuste et vaine. Aucun système juridique au monde n’est à l’abri de l’erreur judiciaire ou du procès inique. Tous les condamnés à mort n’ont pas les moyens de se défendre correctement. Et la peine de mort n’a jamais permis de réduire le nombre de meurtres ou les violences au sein d’une société.

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Imaginons qu’un meurtrier reconnaisse ses crimes, et que l’enquête prouve sa culpabilité sans le moindre doute : mériterait-il pour autant la mort ? Non. Nos sociétés doivent faire preuve de créativité et proposer des alternatives pénales aux exécutions.

En 1981, quand la France a aboli la peine de mort,  plus de 150 pays condamnaient à mort et exécutaient. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 21. Au cours des cinq dernières années, l’Ouzbékistan, l’Argentine, le Burundi, le Togo, le Gabon et la Lettonie se sont débarrassés du châtiment capital. Le travail de la société civile porte ses fruits. Et l’abolition sera bientôt universelle. Car elle va dans le sens de l’Histoire et de la victoire des droits de l’Homme.

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