Les États-Unis tentent de justifier leurs raids en Libye et en Somalie

Après deux raids, l’un en Somalie et l’autre à Tripoli – lequel a mené à la capture d’un chef présumé d’Al-Qaïda et poussé la Libye à demander des « explications » à Washington -, les États-Unis ont cherché à se justifer, dimanche. Selon le secrétaire d’État, John Kerry, ces opérations ont été « appropriées et légales ».

Abou Anas al-Libi est le chef présumé d’Al-Qaida capturé samedi par les Américains. © AFP

Abou Anas al-Libi est le chef présumé d’Al-Qaida capturé samedi par les Américains. © AFP

Publié le 7 octobre 2013 Lecture : 5 minutes.

Qualifiant la capture d’Abou Anas al-Libi, samedi 4 octobre, d’"enlèvement", le gouvernement libyen a affirmé ne pas avoir été préalablement informé et avoir "contacté les autorités américaines pour leur demander des explications", tout en rappelant qu’il était lié à Washington par un "partenariat stratégique".

Le secrétaire d’État américain, John Kerry a quant à lui confirmé que Tripoli n’avait pas été informé de l’opération, sans toutefois le regretter. Les États-Unis font "tout ce qui est en leur pouvoir et qui est approprié et légal" afin de mettre fin à la menace terroriste, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, en marge du sommet de l’Asie-Pacifique en Indonésie. "Nous n’avons pas pour habitude d’entrer dans les détails de nos communications avec un gouvernement étranger concernant toute opération de la sorte", a-t-il précisé.

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Le fils du responsable d’Al-Qaïda en levé,  Abdallah al-Raghie a pour sa part affirmé que le gouvernement libyen était impliqué dans l’enlèvement. "Ceux qui ont enlevé mon père sont des Libyens. Leur apparence est celle de Libyens et ils parlaient le dialecte libyen", a dit le jeune homme à des journalistes devant la maison familiale. Tripoli a formellement démenti avoir donné son autorisation à ce raid, même s’il semble évident qu’il n’a pas pu être mené sans agents locaux.

Abdallah al-Raghie, le fils (g) et Nabih al-Raghie, le frère du chef présumé d’Al-Qaïda Abou Anas al-Libi, font une déclaration à la presse, le 6 octobre 2013 à Nofleine, près de Tripoli. © AFP

Navy Seals en action

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Selon les médias américains, l’opération a été menée par des Navy Seals, forces spéciales américaines célèbres pour le raid qui a conduit à la mort d’Oussama Ben Laden, assistés par le FBI et la CIA. Un responsable américain a indiqué à l’AFP qu’Abou Anas avait été transporté à bord d’un navire de guerre de l’US Navy se trouvant dans la région, il était actuellement interrogé. Sans faire référence à ces déclarations, le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel, a expliqué dimanche qu’Abou Anas, recherché pour des attentats meurtriers commis en 1998, était désormais "détenu par les États-Unis". Abou Anas est dans "un lieu sûr, à l’extérieur de la Libye", avait auparavant indiqué un autre responsable américain selon lequel l’opération "a été approuvée par le président Obama".

Washington, a également déclaré le chef du Pentagone, continuera à "maintenir une pression constante sur les groupes terroristes qui menacent notre peuple et nos intérêts et, si nécessaire, nous mènerons des opérations directes contre eux en conformité avec nos lois et nos valeurs". Le captif pourrait ensuite être transféré vers les États-Unis. "Abou Anas al-Libi est quelqu’un d’important au sein d’Al-Qaïda et il s’agit d’une cible appropriée pour l’armée américaine", a soutenu M. Kerry, soulignant qu’Abou Anas avait commis des actes terroristes et qu’il avait été dûment inculpé par un tribunal de New York dans le cadre d’un processus judiciaire, ce qu’a confirmé George Little, un porte-parole du Pentagone.

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Abou Anas al-Libi, de son vrai nom Nazih Abdul Hamed al-Raghie, figurait sur la liste des personnes les plus recherchées par le FBI, avec une récompense promise de 5 millions de dollars. Il a été membre du Groupe islamique de combat libyen (Gicl) avant de rejoindre Al-Qaïda. Il était recherché par les États-Unis pour son rôle dans les attentats meurtriers de 1998 contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya qui avaient fait plus de 200 morts.

Une autre opération américaine d’envergure, en Somalie cette fois, avait eu lieu la veille, vendredi. Dans la soirée de samedi, George Little du Pentagone a confirmé que le deuxième raid visait un djihadiste appartenant au groupe somalien des Shebab (Les jeunes, en arabe). "Je peux confirmer qu’hier, le 4 octobre, des militaires américains ont été déployés dans le cadre d’une opération d’antiterrorisme visant un terroriste shebab connu", a indiqué le porte-parole à l’AFP. Selon un responsable américain cité par le New York Times, ce dirigeant shebab a probablement été tué, mais les forces spéciales américaines ont été obligées de se retirer avant d’avoir confirmation de cette mort.

La cible : Abdulkadir Mohamed Abdulkadir

Selon un responsable s’exprimant sous couvert d’anonymat, le terroriste visé est un Kényan d’origine somalienne Abdulkadir Mohamed Abdulkadir, un dirigeant du groupe islamiste shebab surnommé Ikrima. celui-ci était associé avec les militants d’Al-Qaïda Harun Fazul et Saleh Nabhan, aujourd’hui décédés, qui ont joué des rôles dans l’attentat à la bombe contre l’ambassade (des États-Unis) à Nairobi en 1998 et les attaques de Mombasa (Kenya) en 2002.

"Le personnel américain a pris toutes les précautions nécessaires pour éviter de tuer des civils et ils se sont désengagés après avoir fait quelques victimes chez les shebab", a indiqué un autre responsable. "Nous ne sommes pas en mesure d’identifier ces victimes", a-t-il ajouté. Les Shebab ont de leur côté affirmé avoir été attaqués dans la nuit de vendredi à samedi, par la mer et par les airs, par des commandos de forces spéciales britanniques et turques qui visaient une maison appartenant à un chef important de leur mouvement, dans le port somalien de Barawe (sud), qu’ils contrôlent toujours. Londres et Ankara ont toutefois démenti fermement tout rôle dans cette opération. Interrogé par l’AFP, le porte-parole shebab Abdulaziz Abu Musab a fait d’état d’un mort dans les rangs shebab et de "nombreuses victimes" parmi les forces étrangères.

À la différence des Libyens, le Premier ministre somalien Abdi Farah Shirdon a déclaré à la presse que cette coopération n’était "pas un secret", ajoutant que le gouvernement coopérait "avec des partenaires internationaux dans la lutte contre le terrorisme". Cette attaque est  la plus importante opération américaine menée sur le sol somalien depuis que des forces spéciales ont tué, il y a quatre ans, un chef des islamistes shebab, Saleh Ali Saleh Nabhan. Elle survient deux semaines après l’attaque, revendiquée par les shebab, du centre commercial Westgate à Nairobi, et qui a fait au moins 67 morts.

Les Shebab ont subi d’importants revers militaires dans le centre et le sud somaliens ces deux dernières années, infligés par l’armée éthiopienne et une force de l’Union africaine (Amisom) à laquelle participe le Kenya voisin. L’armée éthiopienne et l’Amisom interviennent pour soutenir les fragiles autorités de Mogadiscio. Mais les islamistes affiliés à Al-Qaïda contrôlent encore de vastes parties des zones rurales. Barawe, à quelque 180 km au sud de la capitale somalienne Mogadiscio, est un des rares ports encore contrôlés par les islamistes.
 

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