Comment Aqmi a essayé de créer un État islamique au Nord-Mali

Un document retrouvé par des journalistes de Libération et de RFI à Tombouctou, en février 2013, révèle les plans de la direction d’Aqmi pour instaurer un État islamique au Nord-Mali. Un des objectifs était notamment de s’appuyer sur les mouvements touaregs d’Ansar Eddine et du MNLA pour ne pas s’exposer trop rapidement à une réaction de la communautée internationale.

Photo non datée prise dans un lieu inconnu d’Abdelmalek Droukdel, chef d’Aqmi. © AFP

Photo non datée prise dans un lieu inconnu d’Abdelmalek Droukdel, chef d’Aqmi. © AFP

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 7 octobre 2013 Lecture : 2 minutes.

Présents à Tombouctou en février 2013 après que l’armée française a chassé les jihadistes qui contrôlaient la ville, les envoyés spéciaux du quotidien Libération et de la radio RFI ont découvert, dans les bureaux locaux de l’ORTM (Office de radiodiffusion télévision du Mali), un document exclusif.

Ce texte, signé par Abdelmalek Droukdel, le chef algérien d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), est la feuille de route de l’organisation terroriste pour instaurer un État islamique au Nord-Mali.

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Long de 80 pages, le document est divisé en six chapitres. Il a été rédigé en juillet 2012 et est intitulé "Directives générales relatives au projet islamique djihadiste dans l’Azawad". Pendant plusieurs mois, les deux rédactions ont traduit le texte en français, puis l’ont fait authentifier et analyser par des experts. 

S’appuyer sur Iyad Ag Ghali

Cette lettre d’Abdelmalek Droukdel à ses émirs locaux suggère notamment de ne pas faire apparaître directement Aqmi dans les instances gouvernant la région, afin de ne pas provoquer une intervention trop rapide de la communauté internationale. Son idée pour islamiser le Nord-Mali en douceur ? Instituer une administration de façade, composée de Touaregs d’Ansar Eddine et du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), tout en tirant discrètement les ficelles en coulisses.

"L’intervention étrangère sera imminente et rapide si nous avons la main sur le gouvernement et si notre influence s’affirme clairement, écrit le chef d’Aqmi. L’ennemi aura plus de difficulté à recourir à cette intervention si le gouvernement comprend la majorité de la population de l’Azawad, que dans le cas d’un gouvernement d’al-Qaïda ou de tendance salafiste jihadiste".

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Pour mettre en oeuvre son plan, Droukdel compte s’appuyer un homme : Iyad Ag Ghali. Le chef d’Ansar Eddine, figure des rébellions touarègues depuis les années 1990, est un notable local craint et respecté. Depuis le début des années 2000, il est proche des lieutenants sahéliens d’Aqmi, qu’il a notamment aidé à s’implanter dans le massif des Ifoghas, au nord de Kidal.

Le gouvernement de l’émirat islamique

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Évoquant l’organisation de la structure éxécutive qui dirigera le futur émirat du Nord-Mali, Droukdel indique qu’"il conviendrait de confier la présidence au Cheick Abou Al-Fadl (nom de guerre d’Iyad Ag Ghali, NDLR) car il est un symbole". Selon lui, le leader touareg devra toutefois être encadré de près. Le chef d’Aqmi va aussi jusqu’à prévoir une répartition des postes entre le MNLA et Ansar Eddine – qu’il envisage sous son autorité – au sein du futur gouvernement. "Les ministères que nous devons garder pour nous concernent l’armée, les médias, la justice, la prédication et les affaires islamiques. Les ministères qui peuvent être laissés au MNLA sont ceux des Affaires étrangères, des Finances, des Travaux publics".

Les voeux d’Abdelmalek Droukdel, terré à des milliers de kilomètres de là, dans les montagnes de Kabylie, ont failli se réaliser. Le 26 mai 2012, un protocole d’entente est signé entre des responsables d’Ansar Eddine et du MNLA. Mais dès le lendemain, des cadres du mouvement indépendandiste touareg, percevant les visées fondamentalistes d’Aqmi derrière Ansar Eddine, rejettent cet accord. Le divorce est alors prononcé et quelques semaines plus tard, en juin 2012, les combattants du MNLA seront expulsés de Gao et Tombouctou par Aqmi et ses alliés du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) après de violents combats.

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